Apprendre avec des bulles

Université de Lausanne, 31 mai au 3 juin 2018

Il y a peu, on pensait que les bandes dessinées n’étaient pas de vrais livres. Parents et enseignants se méfiaient de ces pages coloriées qui détournaient la jeunesse des lectures sérieuses. Enfants et adolescents les lisaient donc souvent en cachette. Aujourd’hui, tout a changé, les bandes dessinées semblent en mesure non seulement redonner le goût de lire au jeune public mais aussi lui transmettre tous les savoirs du monde, de la biologie à l’histoire, des mathématiques au droit, de la géographie à l’économie.

«Le travail de Sfar a sauvé mes cours de philo» témoigne une enseignante dans un récent numéro de la revue Le Débat (n° 195, mai-août 2017). «Transmettre la connaissance par la BD, c’est tendance» titrait de son coté Le Monde, le 27 janvier 2016, réagissant à la naissance chez Casterman de la collection «Sociorama» et au Lombard de la collection «Petite Bédéthèque des savoirs». Encouragés, d’autres grands éditeurs annoncent des séries comme l’Histoire dessinée de la France (La Découverte) ou La Sagesse des mythes (Glénat). Si la bande dessinée s’est mise, dès son origine, au service de la diffusion de contenus à majorité historiques (qu’il s’agisse de patriotisme ou de catéchisme), le nombre de domaines concernés est aujourd’hui sans précédent. On ne peut que s’étonner des espérances culturelles que ce medium – si longtemps dénigré – suscite depuis quelques années. En effet, la bande dessinée se présente à la fois comme la dernière chance du «Livre» de s’attacher un lectorat juvénile et la dernière chance de la «Science» de susciter la confiance et l’enthousiasme d’un public désabusé.

Dans ce contexte, l’exposition organisé par le GrEBD pour les Mystères de l’UNIL 2018 s’est posé la question de ce que la bande dessinée peut, spécifiquement et raisonnablement, transmettre. Serge Tisseron, qui rédigea en 1976 sa thèse en bande dessinée (Contribution à l’utilisation de la bande dessinée comme instrument pédagogique : une tentative graphique sur l’histoire de la psychiatrie) écrivait déjà que ce médium permettait surtout de mettre évidence, grâce à la représentation de contextes et de situations d’énonciation, la «relativité historique de toute connaissance». Reconnaissons sous ce terme – la relativité – le fait que la science serait représentée en action, en mouvement, en vie : en train de se faire, de se mettre à l’épreuve, de s’échanger, de s’appliquer, de se périmer et de se renouveler. L’exposition arpente un large champ disciplinaire représentatif de la recherche et de l’enseignement à l’UNIL. En plus des contenus, les techniques typiques de «vulgarisation» scientifique sont questionnées à travers des exemples : adaptation (plus ou moins ironique) du discours savant, interprétation graphique (plus ou moins fidèle) des schémas, scénarisation (plus ou moins épique) de la recherche scientifique, figuration (plus ou moins caricaturale) de la relation sachant-apprenant, circulation (plus ou moins heureuse) entre médias et supports.