Archéo-sexisme

Le reportage en juin 2020 de la RTS sur le sexisme dans le milieu archéologique suisse romand a permis la venue de l’exposition itinérante Archéo-sexisme qui met en lumière les discriminations en archéologie. La conférence présentée dans cet article s’inscrit dans le cadre de l’exposition.

Le reportage en juin 2020 de la RTS sur le sexisme dans le milieu archéologique suisse romand a permis la venue de l’exposition itinérante Archéo-sexisme qui met en lumière les discriminations en archéologie. Cette conférence s’inscrit dans le cadre de cette même exposition.

Pauline Rappaz, journaliste RTS
En lien avec le reportage de juin 2020, Pauline Rappaz coordonne l’événement. Elle ouvre la conférence en précisant le programme et le cadre.

Le 8 mars journée symbolique

Liliane Michalik, vice-rectrice égalité, diversité & carrières

En cette journée des droits de la femme, Liliane Michalik aborde l’égalité des chances et la diversité des profils dans le domaine de l’archéologie. Elle rappelle qu’en 2021, il n’y avait que 28% de femmes professeures au sein de l’Université de Lausanne (UNIL). Afin de faciliter l’accès aux femmes à ce type de poste, l’UNIL met déjà en place plusieurs mesures. Par exemple, des programmes de mentorats, des formations et des subsides font désormais parties des initiatives pour favoriser l’égalité des chances et la diversité des profils. Cependant, ce sont les mesures institutionnelles qui ont le pouvoir de réellement faire avancer la cause. L’une de ces mesures déjà en place consiste à sensibiliser le recruteur sur les biais au moment des recrutements. En tant qu’employeur principal, l’UNIL est malheureusement aussi fautive, car bien souvent ce processus ne fonctionne pas. Ne perdons pas de vue que l’objectif est aussi d’améliorer la conciliation vie familiale et vie professionnelle pour le personnel avec notamment l’augmentation des places en crèche toujours insuffisantes.

Depuis 2019, l’UNIL a également pris d’autres mesures plus ciblées pour réduire les discriminations comme l’adaptation du congé paternité aux familles homoparentales, l’installation de distributeurs de protections hygiéniques pour lutter contre la précarité menstruelle et la formation aux questions LGBTQIA+ et raciales. Il reste maintenant à voir l’impact de ces initiatives sur le moyen et long terme.

Laura Mary, archéologue-restauratrice
Archéologue-restauratrice au sein de l’association Recherches et prospections archéologiques, membre de l’association Archéo-Ethique et l’une des trois commissaires de l’exposition Archéo-Sexisme, Laura Mary lutte concrètement et frontalement pour l’égalité et la diversité en archéologie avec son projet « Paye Ta Truelle ». À la suite de discriminations vécues, elle a cessé son métier de terrain en 2019 pour se consacrer entièrement à des cours, des conférences et des séminaires qui mettent en lumière le sexisme dans ce milieu.

l’Archéo-réalité : rien de romantique

L’archéologie est souvent perçue comme un métier connu, presque romanesque, symbolisé par des images fantastiques dans les films et séries. Pourtant, la réalité est tout autre nous confie Laura Mary. Cela implique trop souvent des CDD à répétition, mal payés, sans oublier la pression constante de la productivité jusqu’à l’atteinte de la santé. En réalité, les conditions dans lesquelles s’exerce la profession d’archéologue sont tout le contraire de ce que nous renvoient les films. A cela s’ajoute le sexisme, le racisme, l’homophobie, le validisme et bien d’autres discriminations.

« Les humains du passé sont-ils tous des hommes ? »

Le constat des discriminations dans l’archéologie débute en Norvège en 1979, avant de traverser l’Atlantique. Publié en 1984, l’article fondateur de l’archéologie du genre, rédigées par Conkey et Spector, pose les bases de la critique féministe dans la discipline. Laura Mary expose plusieurs éléments de cet article, tels que la valorisation des activités masculines au détriment de celles des femmes et la répartition genrée du travail. Les hommes gèrent les chantiers de fouille tandis que les femmes sont relayées au laboratoire. La conférencière met ainsi en lumière une hiérarchisation du travail. Les femmes à la tête de chantier sont minoritaires et quand elles y sont, c’est généralement en collaboration avec leur mari. A tous les niveaux, leur travail est comparé aux tâches domestiques ainsi qu’aux actions dites féminines. La notion de méritocratie est donc complètement anodine.

« Les enquêtes ne sont pas représentatives de la réalité souvent faites sur des femmes blanches, hétérosexuelles, cisgenres. » cite Laura Mary de témoignages recueillis avec son collectif « Paye ta truelle ».

Les premières publications sur le genre en archéologie datent de 2010. Le premier journal d’étude lui sort en 2019. Le sujet est peu pris au sérieux et très souvent invisibilisé. Les enquêtes sur les personnes homosexuelles, LGBTQIA+, en situation de handicap et victimes de racisme sont quasiment inexistantes. Seuls quelques témoignages relèvent de la mise à l’écart, des agressions morales et physiques que subissent ces archéologues.

« Paye ta truelle »

A l’origine, le but du collectif était de diffuser des témoignes relatant des discriminations vécues dans le métier d’archéologue. Laura mary explique que ce partage d’expériences vécues est un processus de conscientisation politique. Ce qui ne touchait alors que la sphère privée arrive entre les mains des politiques. Les femmes sont plus nombreuses à sortir diplômées des écoles d’archéologie mais une minorité accède aux postes de direction. Le plafond et les murs de verre paraissent indestructibles. « Paye ta truelle » relate plusieurs témoignages tels que : « c’est bien, les femmes sont à leur juste place ici ! » venant d’un chef de chantier à deux femmes en train de balayer. « L’archéologie c’est pour les vrais mecs » venant d’un supérieur à un jeune homme homosexuelle. Certaines ont également dû changer de tenues à cause de photos de leur poitrine et de leurs fesses prises à leur insu, sans que les auteurs ne soient sanctionnés, relate Laura Mary. Les non-propositions d’adaptation du travail pendant la grossesse et l’absence d’infrastructures essentielles telles que le manque de toilettes et d’eau courante sur les sites ne sont que quelques exemples cités par la conférencière qui explicite son choix d’avoir arrêté ce métier. Cette forte puissance du patriarcat remet en question leurs compétences et pousse les archéologues femmes, comme Laura Mary, à quitter le terrain.

« L’archéologie après #METOO : introspection et perspectives dans le canton de Vaud »

En conclusion du propos de Laura Mary, une table ronde ayant pour thème l’archéologie après #metoo a suscité de vifs débats. Cette dernière était composée de Sophie Bartschi, conservatrice du site et du musée romains d’Avenches, Sylvain Fachard, professeur d’archéologie classique à l’Unil, Lionel Pernet, directeur du musée cantonal d’archéologie et d’histoire de Lausanne, Nicole Pousaz, archéologue cantonale et Lucie Steiner, archéologue, Archeodunum sa. Les différents horizons de ces personnes permettent d’articuler une approche de la profession d’archéologue et le propos de la conférencière sous différents points de vue. La culture patriarcale illustrée de multiples manières avec les révélations graves observées dans le domaine de l’archéologie perdure avec la misogynie.

Informations

Pour citer cet articleNom Prénom, « Titre ». Blog de l’Institut des sciences sociales [En ligne], mis en ligne le XX mois 2022, consulté le XX mois 2022. URL :
AutriceLéa Grellier, étudiante en Bachelor
Contactlea.grellier@unil.ch
EnseignementSéminaire Sociologie des masculinités

Par Sébastien Chauvin et Estelle Rothlisberger

© Illustration : Viktoria Slowikowska, Pexels