Un colloque explore ces détails qui font avancer le droit et les livres

Moteur à récits littéraires, l’indice fonde également les sciences criminelles. Quels liens ces deux mondes entretiennent-ils ?

Moteur à récits littéraires, l’indice fonde également les sciences criminelles. Quels liens ces deux mondes entretiennent-ils ? Éléments de réponse dans un colloque organisé au Cercle littéraire le 2 mai prochain.

Qu’est-ce que l’écrivain-procureur Nicolas Feuz, le psychiatre Jacques Gasser et Pierre Margot, professeur honoraire de l’UNIL, ont en commun ? Chacun d’entre eux travaille à sa manière avec les indices. Et tous trois font partie de la dizaine de chercheuses en littérature, romanciers, juristes, psychiatres et spécialistes des sciences criminelles qui interviendront le 2 mai au Cercle littéraire à Lausanne dans le cadre d’un colloque interfacultaire intitulé « La littérature indiciaire au service de la vérité judiciaire ? Élémentaire, mon cher Watson ! » organisé par le Laboratoire Droit & Littérature (FDCA).

Coorganisé par Charlotte Dufour, maîtresse-assistante à la section de français de la Faculté des lettres de l’UNIL, et Loïc Parein, avocat et chargé de cours à l’UNIL et à l’Unifr, l’événement sera ouvert au public. Il bénéficie du soutien de l’Association du droit à l’art et de la Fondation Sir Arthur Conan Doyle.

Moteur de romans policiers

Au programme, une réflexion à large spectre autour de la preuve « dans ces domaines où le détail est un outil d’investigation central. Nous explorerons comment on l’envisage et l’exploite dans ces différents contextes », résume Charlotte Dufour. Ce questionnement a été entamé lors d’un séminaire qu’elle a codirigé avec Marta Caraion au semestre d’automne 2024-25 : « Nous avons étudié comment ce que l’historien italien Carlo Ginzburg a appelé le paradigme indiciaire a fondé les sciences criminelles et médicales tout en devenant le moteur des romans policiers qui voient le jour en parallèle au XIXe siècle. » Le colloque sera l’occasion de prolonger cette réflexion dans une perspective à la fois littéraire et pénale en réunissant des intervenants issus de ces deux mondes. Certains, tels Vincent Delay, chef de la police administrative de l’état-major de la Police cantonale vaudoise, conservateur du Musée Sherlock Holmes à Lucens et auteur de polars, et Nicolas Feuz, ont un pied dans les deux univers : « Ils incarnent le dialogue entre ces domaines », relève Charlotte Dufour. Une volonté de décloisonner les genres que l’on retrouve aussi dans le choix d’organiser l’événement hors du milieu académique, de manière à tendre la main au grand public.

Travail d’interprétation

Croiser les regards sur cette thématique a également son intérêt pour les juristes : « Quand on lit une démonstration de Sherlock Holmes ou d’Hercule Poirot, on pourrait croire que tout coule de source. On en oublie le travail d’interprétation nécessaire pour y parvenir, véritable succession de paris parfois risqués », souligne Loïc Parein. Aujourd’hui, certains auteurs rendent ce processus visible en montrant, à l’instar de Marc Voltenauer, des policiers qui tâtonnent : « Les progrès de la police scientifique peuvent donner l’impression que l’erreur n’existe plus. Or ces avancées permettent tout au plus d’affirmer qu’il y a une forte probabilité que X ou Y soit à l’origine de telle empreinte, par exemple. Elles n’excluent pas l’interprétation. » De quoi rappeler aux étudiantes et étudiants qu’il est compliqué de trouver l’auteur d’un crime. Et à tout un chacun que questionner les évidences demeure une démarche salutaire dans le domaine judiciaire comme dans notre quotidien où fake news et intelligence artificielle semblent se donner le mot pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes.