« La santé durable, c’est prendre soin de tout un chacun. »

Dotée d’une formation et d’un parcours riches et pluridisciplinaires, Ophélia Jeanneret dirige le Service des sports universitaires UNIL-EPFL depuis le 1er octobre. Quels sont ses objectifs, ses ambitions ? Entretien.

Il fallait dénicher une belle personnalité pour succéder à Pierre Pfefferlé à la tête du Service des sports universitaires UNIL-EPFL. C’est chose faite avec la nomination d’Ophélia Jeanneret, qui vient d’entrer en fonctions, visiblement ravie. « J’ai trouvé une équipe très positive, absolument magnifique et engagée. Les collaboratrices et collaborateurs ont ce besoin d’aller de l’avant, d’être innovants, d’être managés, dit la nouvelle cheffe du SSU. C’est chouette car ça regroupe tout ce que j’aime faire. » À l’aube de la quarantaine, Ophélia Jeanneret est dotée d’un solide parcours professionnel et de formations variées (voir encadré). Interview.

Qu’est-ce qui vous a motivée à venir travailler à l’UNIL ?

Ophélia Jeanneret: Une envie extrêmement personnelle de ressortir encore de ma zone de confort, de me mettre dans un nouveau milieu. J’aime beaucoup ça, comprendre les enjeux, les contraintes, voir comment on peut optimiser un potentiel, cela me passionne. Il y a dans ce poste un regroupement de tout ce que j’avais fait. À la fois le lien avec les sports d’élite, le suivi des athlètes, tout ce qui concerne l’académique, mes formations à Macolin, mon doctorat en sciences du sport. Un travail comme celui-là comporte aussi d’importants enjeux en termes stratégiques. C’est quelque chose que je connais après avoir œuvré pour des politiques et une ville de 30’000 habitants (Yverdon-les-Bains, ndlr). J’ai l’impression de faire la même chose sur le campus avec des enjeux politiques au niveau cantonal et national. C’est un privilège de pouvoir à la fois respirer l’environnement qui me passionne et d’avoir une tâche managériale à haut challenge, c’est la combinaison de ma personnalité, de mon parcours.

Qu’est-ce qui définit le mieux votre personnalité ?

Je suis créative dans les liens interdisciplinaires et je veux amener cette espèce d’authenticité acquise dans chaque expérience que j’ai eu la chance de vivre. Je souhaite que les choses avancent avec une vision commune, qu’on arrive à trouver des solutions appropriées dans un contexte donné qui permet d’aller de l’avant, ça me tient à cœur. J’ai un côté très analytique, un côté très humain. Les mots « feu » et « énergie » décrivent bien mon tempérament et je suis très proche des gens.

Vous êtes la première femme à la tête du SSU après avoir été la première à occuper le poste de cheffe du Service des sports et de l’activité physique de la Ville d’Yverdon-les-Bains. Vous sentez-vous investie d’un rôle particulier ?

Je suis interpellée par rapport à ça. Je me suis retrouvée dans des situations où je devais porter la cause féminine, je disais à l’époque que je n’étais pas là pour ça. Quand on vient du sport, on navigue dans un monde d’hommes, ça ne m’a ni dérangée ni frappée. Par contre, je prends toujours plus conscience de deux choses : à la fois ce rôle inspirant que je peux avoir pour des jeunes femmes qui auraient envie d’aller dans des milieux où on a l’impression qu’ils sont fermés et cloisonnés, alors que finalement ce n’est pas du tout le cas ; et puis, c’est cette sensibilité tout de même féminine dans le sens où j’ai deux enfants en bas âge, j’ai connu cette gestion des maternités, du travail, ça amène une forte expérience dans le cadre des fonctions dirigeantes. Du coup, je comprends bien ce que vivent les collaboratrices et collaborateurs avec qui je travaille.

Quel est votre objectif à la tête du SSU ?

Un de mes axes stratégiques consiste à développer tout ce qui est activités physiques et santé, c’est le même travail que j’ai fait à Yverdon-les-Bains. J’ai la volonté de travailler sur l’inclusion, l’intégrité des personnes, les notions de genre, la santé durable pour les étudiantes et les étudiants et pour les collaboratrices et collaborateurs. Il y a un gros travail de sensibilisation à faire. Les personnes qui n’ont pas eu d’expériences positives en lien avec le sport sont difficiles à mobiliser. Il faut leur donner confiance.

Concrètement, comment allez-vous mobiliser la communauté ?

Nous allons notamment renforcer les journées santé. Nous souhaitons créer une stratégie commune avec l’EPFL, entre autres en termes de santé durable. Il faut occuper davantage l’espace sur le campus, à l’image des BoxUp, ce système de casiers connectés. Nous voulons faire des aménagements en matière de mobilité, d’urbanisme, proposer une notion de bien-être, de qualité de vie. L’idée est d’aller chercher les gens autrement, les faire bouger de façon simple et durable. Pour donner un tout petit exemple, on peut inciter à faire des séances en marchant par exemple.

Dans un autre registre, la place du sport d’élite figure-t-elle dans vos axes stratégiques ?

Oui. Le sport d’élite, c’est l’ADN du Service des sports, avec le Centre sport et santé, le LUC Volleyball et des partenariats avec Swiss Sailing par exemple. On va professionnaliser au maximum l’encadrement des LUC et des athlètes qui viennent pour des préparations physiques, mentales, des conseils en nutrition ou des diagnostics de performance. Dans ces domaines on doit rester à la pointe.

Prévoyez-vous de développer les infrastructures ?

Effectivement. Ça peut passer par des choses simples, comme un guichet d’accueil au Centre sport et santé par exemple. On a surtout besoin d’être plus modernes dans tout ce qui est système d’information, de digitalisation. Nous devons mettre sur pied des processus d’accessibilité aux salles avec des systèmes de comptage beaucoup plus précis pour identifier quelle discipline rapporte quoi d’un point de vue financier. L’infrastructure, c’est un enjeu intéressant avec un travail en direct avec Unibat (le service des bâtiments de l’UNIL, ndlr). Il faut gérer les plans d’investissements, les liens avec le Canton et la Confédération, anticiper les outils dont on a besoin pour faire bouger la communauté.

Vous avez aussi comme objectif de resserrer les liens entre la science et l’académique.

Avec le fait d’être à la pointe, j’ai l’ambition de toujours avoir un temps d’avance au niveau national et international. C’est quoi notre niche en matière de sciences ? Pour y répondre, j’aimerais notamment renforcer les liens et les rapports avec l’Issul (Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne, ndlr).

Entendez-vous travailler sur le rayonnement des sports universitaires ?

Il faut définir quelle place particulière tient le SSU dans la Lausanne capitale olympique, mais également sur le plan national et international. Comment faire rayonner les sports universitaires dans un microcosme totalement singulier ? Il y a, en matière de coordination, la nécessité de constituer un comité de pilotage afin de mettre en place une stratégie commune pour garder ce temps d’avance qu’on a avec le CIO et les fédérations internationales. Les choses peuvent basculer rapidement avec tout ce qui se passe sur le plan géopolitique. L’image du sport est un peu dégradée, notamment avec l’annonce de l’organisation des Jeux asiatiques en Arabie saoudite. Ça fonctionnera de moins en moins avec des jeunes qui sont plus orientés sur des notions de durabilité. Ne parler que de sport ne va plus suffire. C’est pour cela que j’oriente mon discours sur l’activité physique et sur la santé, là on a une carte à jouer dans ce contexte d’une Suisse active.

Vous énoncez des objectifs ambitieux. Disposez-vous de moyens pour les réaliser ?

Plein de choses vont passer par la coordination, se parler, donner du sens aux choses. J’entends dialoguer avec tous les partenaires. Les discussions sont très bonnes avec les vice-recteurs Benoît Frund et Jérôme Rossier, l’écoute et la sensibilité sont là. Concrètement, nous sommes en train de mettre en place un plan directeur du sport et de l’activité physique qui partira en consultation au début 2023, avec un plan d’actions pour les différents axes stratégiques. On réfléchit aussi au nom. Actuellement on parle de Service des sports UNIL-EPFL. Je le rebaptiserais bien en Service des sports et de l’activité physique UNIL-EPFL. On serait un des premiers à le faire, même au niveau international, ça donnerait le ton de ma vision. C’est intéressant de comprendre l’enjeu, de pouvoir communiquer sur l’activité physique et la santé durable, qui consiste finalement à prendre soin de tout un chacun

Du patinage au doctorat

Titulaire d’un doctorat en sciences du sport de l’UNIL et de diverses formations continues dans le domaine, Ophélia Jeanneret a derrière elle une carrière de patineuse artistique, puis d’entraîneure et de formatrice en sport et enfin de chercheuse et de manager. La nouvelle directrice du SSU a travaillé pendant huit ans à la Haute École fédérale du sport à Macolin, en qualité d’assistante-doctorante, d’abord, puis de collaboratrice scientifique en charge de la formation des entraîneurs de sport de performance et d’élite. De 2016 à 2022, elle été à la tête du Service des sports et de l’activité physique de la Ville d’Yverdon-les-Bains, poste qui lui a permis de développer de nombreux projets phares, dont la conférence « Activité physique innovation-santé » (APIS). En parallèle, elle a continué de s’occuper de la préparation physique d’équipes d’élite dans plusieurs disciplines, parfois en collaboration avec les équipes du Centre sport et santé. Ophélia Jeanneret connaît bien le campus, pour y avoir été étudiante, puis y avoir enseigné en tant qu’enseignante vacataire pendant de nombreuses années.