En quête de sens auprès de psychologues d’orientation

Trouver sa place dans la société est une recherche qui peut rapidement devenir anxiogène. Deux psychologues conseillères qui aident les jeunes dans cette démarche nous en parlent.

Trouver sa place dans la société est une recherche qui peut rapidement devenir anxiogène. Aider à creuser ce chemin est le travail de Karin Hehlen et Sophie Gertsch, psychologues conseillères au Service d’orientation et carrières. Rencontre.

Lorsqu’un étudiant ou une étudiante ne se sent plus à l’aise dans ses études et vous rend visite, comment l’accompagnez-vous ?

Sophie Gertsch : La première chose qu’on va faire est de recevoir cette personne en entretien pour comprendre sa situation. Quel est son parcours ? Qu’est-ce que ses doutes signifient pour elle ? Par la suite, on peut aller plus loin avec des tests de personnalité, d’intérêts ou de valeurs. Ça permet d’ouvrir les perspectives et de démarrer des discussions. En fonction des problématiques, il y a différents outils qu’on peut utiliser. Parfois, on peut aussi prendre le temps de s’arrêter en chemin pour un questionnement particulier.

Karin Hehlen : Il faut commencer par isoler ce sur quoi le doute repose, et parfois déconstruire le stress qui y est lié. Il peut être dû à une mauvaise organisation ou parfois à une impression d’inutilité de ses études. L’idée d’un métier défini n’est pas toujours facile à trouver à l’université. En sciences des religions par exemple, le travail qui en découle ne sera pas forcément dans le domaine, mais ça apporte un éclairage très intéressant à de nombreuses problématiques de société. Il faut que le ou la jeune soit convaincu.e que ce qu’il ou elle apprend va lui permettre d’en faire quelque chose avant tout.

Quels facteurs prenez-vous en compte pour aider à trouver sa voie ?

S.G. : Personnellement, j’aime bien demander ce qui fait que la personne a choisi cette faculté. Je relève aussi le parcours, l’option au gymnase ou le travail de maturité. Parfois, on voit alors le visage de cet étudiant ou étudiante s’illuminer. Mais il n’y a pas que les motivations. On prend aussi en compte les compétences ou des facteurs administratifs tels que le règlement de l’Université. Notre but est de permettre à chaque individu d’avoir toutes les cartes en main pour prendre une décision avec laquelle il est à l’aise et qui fasse sens pour lui.

K.H. : Oui, après avoir identifié tous ces facteurs, il faut encore leur donner du sens. Les valeurs, la personnalité, les intérêts, la motivation, la manière de s’organiser… il faut que tout s’imbrique. Pour ça, j’aime bien utiliser la méthode ikigai (comme l’image le montre, cette technique japonaise se base sur la conjonction de quatre cercles, et au centre le dessein, ou ikigai en japonais, ndlr). Les discussions qui en découlent permettent généralement de décanter les questionnements.

La méthode Ikigai permet de chercher sa voie en questionnant les cercles en partant de l’extérieur jusqu’au centre. © UNIL

Il y a une pression de la société de manière générale par rapport à l’utilité des études universitaires, et puis ce côté actuel d’une mise à profit immédiate de tout ce qu’on fait. Pourtant, il faut trouver soi-même son chemin. C’est une véritable quête de sens.

Faire un choix de carrière peut être très stressant. Comment faites-vous face à cette anxiété ?

S.G. : Parfois, il est nécessaire de mettre en évidence et de questionner les fausses croyances qui alimentent certains comportements. Par exemple, on entend souvent des personnes qui se mettent la pression et s’interdisent de se tromper dans leur décision. La fausse croyance qu’il y a derrière est qu’elles choisissent un métier pour toute la vie. Leur faire prendre conscience que dans le monde actuel, c’est plutôt une avancée par étapes et que ce qu’elles sont train de faire maintenant sera complètement différent dans dix ans a quelque chose de rassurant et enlève un enjeu que beaucoup peuvent ressentir dans les décisions à prendre. Il y a en effet de nombreuses passerelles qui sont possibles, les professions disparaissent, d’autres apparaissent, ça permet d’évoluer.

K.H. : Quand une personne est trop stressée, il m’arrive d’utiliser un test de personnalité. Il oblige à faire de l’introspection et peut mettre en évidence un haut niveau d’exigence vis-à-vis de soi ou une tendance au perfectionnisme. Il permet ainsi de prendre conscience de son fonctionnement, de s’autoriser à lâcher prise et d’essayer de trouver des stratégies pour le faire.

S.G. : Certains individus peuvent avoir des troubles anxieux plus conséquents, c’est là aussi que s’arrête notre compétence. Dans ce cas on travaille en lien avec la consultation psychothérapeutique présente sur le campus de l’Université.

Comment votre métier a-t-il évolué au fil du temps ?

K.H. : Je pense qu’il a beaucoup changé avec l’informatisation de l’information. Avant, les psychologues conseillers et conseillères en orientation détenaient le savoir sur toutes les écoles et sur toutes les professions. Maintenant, n’importe qui peut obtenir des informations sur Internet ou faire des tests en ligne. Mais la quantité d’information peut parfois renforcer une anxiété. Notre rôle est de remettre les choses à plat, de déconstruire, d’étaler les pièces du puzzle pour que la personne puisse reconstruire. On pourrait penser qu’une intelligence artificielle est capable de déterminer la carrière idéale sur la base des compétences et motivations, mais je pense qu’on a encore quelques bonnes années au niveau de notre métier car il y a de nombreux éléments qui restent très humains. Les questions de sens, de loyauté ou de fonctionnement sont tellement individuelles que notre présence reste nécessaire.

S.G. : La population change aussi. Aujourd’hui, la crise écologique est intégrée dans les questionnements. De manière générale, je pense que la notion de valeur était moins considérée par le passé.

K.H. : Je remarque aussi une quête de sens qui arrive plus tôt dans la vie. Avant, cette démarche était plutôt entreprise par les adultes. Aujourd’hui, il y a toute une génération qui ne veut plus se mettre dans un moule et travailler jusqu’à 70 ans. Elle pense plus à trouver un bon équilibre entre les activités personnelles et professionnelles, et je trouve ça génial.

Auriez-vous un conseil à donner à quelqu’un qui doute de son parcours ?

S.G. : Garder à l’esprit que l’on reste la meilleure boussole pour soi. Lorsqu’on est perdu, écouter les signes physiques, maux de ventre ou autres, et les conflits qu’on peut ressentir pour un choix ou un autre. Chaque personne est pleine de ressources et peut se faire confiance dans les différentes décisions qu’elle a et qu’elle aura à faire tout au long de sa vie.

Besoin d’aide pour s’informer, faire le point ou chercher un emploi ?

Le Service d’orientation et carrières (SOC) est ouvert au corps étudiant, aux alumni ainsi qu’aux personnes intéressées par des études à l’UNIL. Plus d’informations sur le site du SOC ou par mail à orientation@unil.ch.