Peut-on poursuivre un texte inachevé sans le trahir ?

Dans « Les Feintes d’une fin. Boris Vian continué par l’Oulipo », Alexis Rime questionne le geste de la continuation posthume d’œuvres non terminées.

Dans son essai Les Feintes d’une fin. Boris Vian continué par l’Oulipo, issu de son mémoire de master, Alexis Rime questionne le geste de la continuation posthume d’œuvres non terminées.

« Profanation perverse », tels sont les mots du critique Mark Lawson pour qualifier le geste de continuation d’œuvres inachevées. Aujourd’hui souvent considéré comme inacceptable, ce type d’entreprise était pourtant monnaie courante dans la littérature médiévale. Une évolution qui s’explique par l’émergence de la notion d’auteur dès la fin du XVIIIe siècle et qui établit dès lors la conception d’une œuvre comme inséparable de la singularité de celui ou celle qui l’écrit.

Issu du mémoire de master d’Alexis Rime, aujourd’hui ex-étudiant de la Faculté des lettres de l’UNIL, l’ouvrage Les Feintes d’une fin. Boris Vian continué par l’Oulipo, publié en décembre 2022 aux éditions Archipel Essais, revient sur les enjeux à la fois littéraires et éthiques du geste de la continuation d’œuvres. Ses réflexions se concentrent autour de la récente entreprise de l’Oulipo, qui a osé reprendre la plume de Boris Vian en continuant son ébauche d’une histoire esquissée au début des années 1950, dans la lignée de ses romans « à l’américaine » signés sous le pseudonyme « Vernon Sullivan ». La démarche de ce groupe a donné lieu à la publication en 2020, cent ans après la naissance de cet écrivain français, de l’ouvrage On n’y échappe pas, de Boris Vian et l’Oulipo, sorti chez Fayard.

Une aventure risquée

Dans son essai, Alexis Rime examine précisément comment les six oulipiennes et oulipiens qui ont participé à cette expérience ont façonné la fin de ce récit, conscients de l’entreprise risquée dans laquelle ils s’aventuraient. Des motifs thématiques à la cohérence des personnages, en passant par l’intrigue et les fidélités ou infidélités de style, il analyse leur travail d’un point de vue littéraire. Il réfléchit également à l’importance des circonstances qui entourent leur démarche, à la façon dont celle-ci est présentée et à la pertinence des usages ludiques de l’oulipisme pour ce type de projet. Après avoir évoqué l’exercice de continuation comme une étape du deuil, l’auteur termine son essai par une invitation à proposer non pas une, mais plusieurs tentatives d’achèvement de cette œuvre de Boris Vian. Il réserve finalement aux lecteurs et lectrices une petite surprise, en imaginant par lui-même une deuxième fin.

L’ouvrage