Pour la professeure Stéphanie Missonier, il faut placer la durabilité au sein des systèmes d’information et les relations humaines au cœur de la gestion de projet. Rencontre dans son bureau à la Faculté des HEC.
Actuellement en congé scientifique, la professeure Stéphanie Missonier se prépare à apporter dans ses enseignements à la faculté et en formation continue HEC et UNIL-EPFL les fruits de ses recherches axées sur les transformations (numérique, agile et écologique) dans les organisations et la gestion de projet. Elle aborde frontalement un premier paradoxe : comment conjuguer la sobriété avec l’emploi de plus en plus gourmand du numérique, aux effets rebonds difficiles à quantifier ?
En collaboration avec une chercheuse de l’Institut Mines-Télécom Business School (en France), elle lance ces jours un projet visant à récolter les perceptions des responsables TI (technologies de l’information) suisses et français au sein de plusieurs sociétés, internationales et PME. L’objectif est d’identifier dans quelle mesure le management des systèmes d’information (SI) est concerné et impliqué par le développement durable, afin d’accompagner ces services vers un numérique écoresponsable.
Un défi pour les entreprises
« Si de plus en plus de responsables TI se préoccupent de l’impact du numérique, toutes et tous ne sont pas au clair sur les problèmes écologiques soulevés par la fabrication, le stockage, le recyclage et tout simplement l’utilisation quotidienne et massive de ces systèmes sur lesquels reposent les entreprises et notre société », esquisse Stéphanie Missonier. En outre, beaucoup d’entreprises « sont aujourd’hui en pleine transformation digitale : elles changent leur façon de travailler, de fonctionner et/ou de délivrer de la valeur à leurs clients en utilisant les technologies numériques, et les considérations écologiques du numérique étaient jusqu’alors loin d’être au premier plan ».
Ni pessimisme, ni enfumage
Par-delà le pessimisme, l’optimisme et l’enfumage, la chercheuse souhaite éclairer cet immense champ du numérique pour tenter d’en comprendre et d’en mesurer l’impact de manière plus précise et de construire des solutions plus sobres prenant en compte les limites planétaires. La « durabilité numérique » ne doit pas rester un vain mot pour celle qui ne s’accroche pas aux mirages du «solutionnisme technologique», sans pour autant balayer les apports essentiels et multiples de la technologie.
Une «transformation agile» est censée permettre de développer un état d’esprit ouvert, flexible et réactif au sein d’une entreprise. Elle considère cet état d’esprit comme un prérequis à une transformation numérique des organisations, cohérente et respectueuse des impératifs de développement durable. «Transformations agile, numérique et écologique devraient être étroitement liées», résume-t-elle.
Gérer des projets dans l’incertain
Pour aider les professionnels de la gestion de projet à développer et acquérir cet état d’esprit, elle lance une nouvelle formation continue au sein de l’Executive Education de HEC, qui débutera en mars 2023 et délivrera un certificat universitaire (CAS) sur le leadership de projets. «La gestion de projet évolue et se transforme. Les compétences méthodologiques restent essentielles (savoir planifier, budgéter, évaluer les risques, etc.), mais ne suffisent plus pour mener à bien les projets dans l’environnement incertain actuel. La crise du Covid en a été un exemple emblématique. Si les capacités d’agilité, d’adaptation, de résilience et de gestion de la diversité étaient importantes hier, elles sont aujourd’hui incontournables pour une gestion efficiente, saine et responsable des projets », décrit-elle.
Cultiver un état d’esprit adapté
Les personnes concernées appartiennent à des secteurs comme l’informatique, la santé, l’enseignement ou tout autre domaine où elles sont confrontées à des situations dans lesquelles il devient particulièrement difficile de guider et coordonner les équipes en vue d’un objectif commun, d’anticiper les problèmes et de trouver des solutions pour amener les projets à bon port en un temps donné.
Parmi les nombreuses formations proposées, «il manquait une approche centrée plus spécifiquement sur l’aspect humain de la gestion de projet», estime Stéphanie Missonier. La formation certifiante qu’elle dirige (inscriptions ouvertes jusqu’au 31 janvier 2023) s’étend sur cinq modules de trois jours, abordant des thématiques comme le leadership humain, le leadership inclusif (apprendre à valoriser la diversité des membres d’une équipe), le leadership agile (accompagner, guider et encadrer les équipes), le Design Thinking (développer une autre approche de la conception et du lancement d’un projet) et la résilience de projet (gérer et anticiper l’incertitude).
Résumée par Stéphanie Missonier, l’idée est de développer des compétences clés et un état d’esprit pour augmenter sa propre contribution en tant que leader de projet, capable de mettre en pratique des valeurs d’ouverture et de réactivité, et de transmettre cet état d’esprit aux personnes et aux équipes concernées par ces nécessaires transformations.