Programme du séminaire « Recherches contemporaines en narratologie » (CRAL)

Séries télévisées : complexification des récits

Co-organisateurs du séminaire : Olivier Caïra (IUT Evry et EHESS), Thomas Conrad (ENS, Paris), Anne Duprat (Université de Picardie-Jules Vernes/IUF), Anaïs Goudmand (Sorbonne Université), John Pier (Université de Tours et CRAL), Philippe Roussin (CRAL/CNRS).

Les années 2000 ont vu émerger un nouveau paradigme narratif : la « télévision complexe » décrite par Jason Mittell en 2015 dans Complex TV: The Poetics of Contemporary Television Storytelling, et caractérisée par le développement d’intrigues non linéaires, de narrations fragmentées, de personnages ambivalents et par la forte implication des spectateurs dans la construction du récit. Depuis 2015, cette tendance s’est accentuée au point de faire de la complication du récit un trait nettement reconnaissable de la production télévisuelle occidentale contemporaine. Le séminaire « Recherches contemporaines en narratologie » propose d’explorer cette évolution, notamment dans les dix dernières années, marquées par non seulement par la richesse des univers fictionnels développés sur ces supports, mais aussi par la domination des plateformes de streaming dans la production globale des fictions, par la diversification qui en résulte dans les modes de consommation du récit, et par la circulation mondiale des œuvres.

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Éclatements et recompositions du récit dans la culture hyperpop (appel à contribution)

Éclatements et recompositions du récit dans la culture hyperpop : narrations fragmentées, identités liquides et réinventions critiques du mythe dans le néo-péplum contemporain

Le numéro 50 des Cahiers de Narratologie (décembre 2026) sera consacré aux formes de fragmentation et de prolifération narrative dans la culture hyperpop, envisagée comme intensification de la pop culture et rejeton du postmodernisme. Une attention particulière sera portée au néo-péplum numérique, genre qui multiplie les hybridations audiovisuelles, les circulations transmédiales (cinéma, séries, jeux vidéo, comics, musique, musées), et reconfigure l’Antiquité comme décor virtuel et surface critique des obsessions contemporaines (impérialisme, diversité, féminisme, peurs collectives).

Le dossier s’articulera autour de quatre axes :

  1. Mythe et narrations fragmentées (déconstruction et remix des motifs antiques).
  2. Fragmentation esthétique et sensorielle (montage, saturation visuelle et sonore).
  3. Dynamiques transmédiales et intermédiales (comics, cinéma, jeux vidéo, arts visuels).
  4. Spectacularisation, simulacres et politique (excès, hyperréalité, réception critique).

Les propositions (titre, résumé d’env. 300 mots, notice bio-bibliographique) sont à envoyer avant le 1er janvier 2026 à :
📩 Frédérique Lambert – frederiquelambert@yahoo.fr
📩 Marc Marti (directeur des Cahiers de Narratologie) – marc.marti@univ-cotedazur.fr

Les articles retenus (≈40 000 signes) devront être remis pour le 30 juin 2026.
Parution prévue en décembre 2026.

Tension narrative et mise en intrigue

Par Raphaël Baroni

La tension narrative est une notion théorique visant à rendre compte du fonctionnement de l’intrigue sur un plan dynamique. Souvent décrite avec les expressions « tension dramatique » (Bourneuf & Ouellet 1972 ; Baroni 2002), « pyramide dramatique » (Freytag 1908) ou « arc dramatique » (Dancyger & Rush  2007 : 100-101), l’introduction de ce terme (Baroni 2007) permet d’en généraliser la portée et d’en faire un hyperonyme renvoyant auxdifférents effets que l’on associe aux « intérêts narratifs » (Sternberg 1992) ou à la « progression » dans un récit (Phelan 1989). Ainsi que l’explique Jean-Paul Bronckart, le tension renvoie sur un plan « dialogique » à la manière dont une intrigue se noue et se dénoue, formant ainsi des séquences qui rythment la représentation narrative :

S’il est rarement posé comme tel, le statut dialogique de la séquence narrative est néanmoins évident. Comme nous l’avons montré, qu’elle soit ternaire, quinaire ou plus complexe encore, cette séquence se caractérise toujours par la mise en intrigue des événements évoqués. Elle dispose ces derniers de manière à créer une tension, puis à la résoudre, et le suspense ainsi établi contribue au maintien de l’attention du destinataire. (Bronckart 1996 : 237)

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Le hasard: Littérature, arts, sciences, philosophie (annonce de parution)

Sous la direction de Anne Duprat, Anne-Gaëlle Weber, Fiona McIntosh-Varjabédian et Alison James

Pourquoi aimons-nous le hasard, et quel rôle joue cette attirance dans notre compréhension du monde ? Depuis la Renaissance, l’Occident ne cesse de redécouvrir l’aléatoire ; chaque époque annonce une nouvelle ère de la contingence. À l’émerveillement ou l’inquiétude succèdent alors le doute (n’est-il que le produit de notre ignorance ?) puis la résignation : il n’y a, au fond, pas de hasard. L’intérêt qu’il suscite s’explique donc par le gain de connaissance que l’on peut en attendre. Un phénomène inexplicable montre l’insuffisance de nos descriptions du monde et nous donne ainsi une chance d’accéder à un nouveau paradigme scientifique, où le hasard n’a plus de place –  jusqu’à l’apparition de l’irrégularité suivante. Mais dans cette transition entre deux certitudes, nous prenons le temps de reconnaître l’importance unique de ce qui n’a pas de cause, et la beauté de ce qui n’est apparemment produit par rien. Ce livre est consacré à l’exploration de ce moment suspendu entre l’ignorance et le savoir, que nous remplissons d’images, d’histoires, de jeux et de théories qui modélisent notre rapport essentiel à la contingence.

L’ouvrage est en accès libre intégral sur le site OpenEdition: https://books.openedition.org/editionscnrs/89182#anchor-resume

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Narratologie et enseignement du français (annonce de publication)

Une partie des actes du colloque Pour une théorie du récit impliquée: outils narratologiques et enseignement du français (Lausanne, 6 et 7 mars 2025), ont été publiés dans le numéro 74 des Cahiers de narratologie. Ce colloque international marquait l’aboutissement du projet de recherche Pour une théorie du récit au service de l’enseignement (FNS n° 197612). Les articles réunis dans ce dossier s’interrogent les rapports entre enseignement et narratologie, en envisageant la théorie narrative comme une pourvoyeuse d’outils pour l’analyse et la production de récits dans la classe de français. S’inscrivant dans le sillage d’une première journée d’étude qui avait permis de retracer les processus de scolarisation de la narratologie et de tirer un premier bilan de ses usages dans l’enseignement (dont les actes ont été publiés dans le revue Transpositio), le colloque entendait s’orienter vers de nouveaux horizons. En effet, si les enquêtes de terrain tendent à montrer que l’outillage mobilisé dans les classes de français n’a guère changé en un demi-siècle, la théorie du récit, elle, n’a jamais cessé d’évoluer, profitant de apports de la linguistique textuelle et de la stylistique, des sciences cognitives et de la rhétorique, de la sociologie et de l’éthique. Cette partie des actes du colloque explore ainsi de nouvelles ressources théoriques mobilisables pour l’enseignement du français, en s’appuyant sur un éventail de propositions émanant de théoricien·nes du récit jeunes ou confirmé·es.

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Narrateur

Par Sylvie Patron

Les «théories pan-narratoriales» (pan-narrator theories), ainsi nommées par leurs adversaires théoriques (voir Köppe et Stühring 2011), regroupent toutes les théories qui se basent sur l’axiome de l’existence d’un narrateur dans tous les récits et d’un narrateur fictionnel dans tous les récits de fiction, à commencer par la narratologie, depuis son avènement dans le contexte de la poétique structuraliste et dans la plupart de ses versions passées et présentes (voir en particulier Barthes 1981 [1966]; Todorov 1981 [1966]; Genette 2007 [1972], 2007 [1983]; Bal 1985, 2017 [1978]; Stanzel 1984 [1979]; Prince 2012 [1982]; Rimmon-Kenan 2002 [1983]; Chatman 1990; les représentants de la narratologie rhétorique contemporaine). Les «théories du narrateur optionnel» (voir Patron 2016 [2009]; Köppe et Stühring 2011) considèrent la deuxième partie de cet axiome comme une hypothèse et avancent une série d’arguments à l’encontre de cette hypothèse. Pour les représentants ou représentantes de ces théories, on ne peut parler d’un narrateur (ou, implicitement, d’une narratrice) fictionnel(le) que dans le cas où l’auteur ou l’autrice «crée» (construit, représente) un narrateur (ou une narratrice) dans une démarche qui peut être considérée comme intentionnelle. Il s’agit à l’origine de théories destinées à rendre compte de la narration dans les romans ou les nouvelles (le récit de fiction littéraire), mais il existe également des versions de la théorie du narrateur optionnel portant sur d’autres formes de fiction (cinématographiques, graphiques, etc.) et d’autres formes de récits littéraires, antérieures au roman moderne (voir en particulier Hamburger 1986 [1957, 1968]; Kuroda 2022 [articles de 1973, 1974, 1975]; Banfield 1995 [1982], 2018 [articles postérieurs à 1982]; Bordwell 1985; Spearing 2005; Patron 2016 [2009], 2015; Thon 2016; Patron [dir.] 2022).

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Narrations à la deuxième et à la cinquième personnes

Par Daniel Seixas Oliveira

Dans le récit littéraire, la désignation, dans la durée, d’un protagoniste par un pronom de deuxième personne est un phénomène relativement récent: il faut attendre la dernière décennie du XXe siècle pour que ce mode narratif se développe véritablement. La narration à la deuxième personne n’est toutefois pas une invention des écrivains du siècle passé: la forme semble être disponible dès le XIXe siècle, hors de France à tout le moins (voir par exemple la nouvelle de Hawthorne, « The Haunted Mind », publiée en 1835). En France, c’est avec la parution de La Modification de Michel Butor (1957) que la narration à la deuxième personne – ou plutôt, dans le cas du roman de Butor, « à la cinquième personne » – fait une entrée remarquée sur la scène littéraire. Le protagoniste du roman est, de bout en bout du récit, désigné par un « vous », dit « de politesse » – il semble que, dans les récits menés à la cinquième personne, le pronom désigne toujours un protagoniste vouvoyé: ne sera donc pas abordé ici le cas, vraisemblablement encore virtuel, des récits qui désignent, par le truchement du « vous », un sujet collectif jouant le rôle de protagoniste. La narration singulière du roman de Butor ne manque pas d’être commentée par les critiques de l’époque; Barthes écrit ainsi:

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Produits dérivés et culture matérielle (appel à contribution)

  • “Produits dérivés et culture matérielle. Extension du domaine de la fiction”
  • Cahiers de Narratologie
  • Échéances des propositions : 1er juin 2025
  • Date de parution : septembre 2026

Dirigé par Marie Bastien (UCLouvain), Sébastien Fevry (UCLouvain) et Aurélie Huz (Université Paris Nanterre)

De la pipe ancienne qu’aurait pu fumer Sherlock Holmes aux accessoires et cosplays arborés par les fans de Star Trek, en passant par la tasse floquée aux armoiries de Poudlard, les objets qui font référence à des mondes de fiction sont nombreux. Qu’ils se présentent comme des accessoires de manipulation ludique et esthétique (tels les jeux, les jouets, les figurines), des matériaux citationnels (les produits à l’effigie d’un personnage) ou des supports d’étiquetage renvoyant à une identité encore plus lâche (les produits au logo Disney), tous ces objets témoignent à leur façon de l’omniprésence et du polymorphisme, dans notre quotidien, des fictions, de leurs histoires et de leurs personnages.

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Appel à candidature pour deux contrats doctoraux

Dans le cadre du projet FICCTION, le Campus des Métiers et des Qualifications d’Excellence Industries Culturelles et Créatives – Provence-Alpes-Côte d’Azur lance un appel à candidature en vue du recrutement de deux doctorant(e)s qui seront financé(e)s pendant la période 2025-2028. Les deux contrats doctoraux sont à durée déterminée, pour une durée de 3 ans et ils devraient débuter le 1er octobre 2025.
La date limite de réponse à l’appel à candidature est le 31 mai 2025 à minuit (heure de Paris).
Premier tour de sélection et informations aux candidat(e)s : du 02 au 13 juin 2025
Deuxième tour de sélection : entretiens avec les candidats : du 23 au 27 juin 2025

Pour toute information complémentaire, contacter par email : claire.godart@univ-cotedazur.fr

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Perspective (focalisation et point de vue)

Raphaël Baroni

La focalisation, notamment dans sa version dérivée des travaux de Genette, apparait comme l’une des notions les plus discutées dans le champ de la théorie du récit. L’objectif principal de Genette, lorsqu’il introduit cette notion, était de distinguer la « voix » (qui parle ?) du « mode » (qui voit ? qui perçoit ? ou qui pense ?). Pour fonder sa typologie, il s’appuie explicitement sur les analyses antérieures de Blin, Lubbock, Pouillon et, surtout, de Todorov (1966 : 141-142). Cette conception concerne en premier lieu le réglage de l’information narrative, en dehors des questions relatives à l’identité de l’instance narrative. Genette distingue trois régimes principaux de focalisation :

  1. focalisation interne : « Narrateur = Personnage (le narrateur ne dit que ce que sait tel personnage) ; c’est le récit « à point de vue » selon Lubbock ou à « champ restreint » selon Blin, la « vision avec » selon Pouillon » ([1972] 2007 : 193) ;
  2. focalisation externe : « Narrateur < Personnage (le narrateur en dit moins que n’en sait le personnage) ; c’est le récit « objectif » ou « behavioriste », que Pouillon nomme « vision du dehors ». […] [L]e héros agit devant nous sans que nous soyons jamais admis à connaître ses pensées ou sentiment » ([1972] 2007 : 194-195) ;
  3. focalisation zéro : « ce que la critique anglo-saxonne nomme le récit à narrateur omniscient et Pouillon « vision par derrière », et que Todorov symbolise par la formule Narrateur > Personnage (où le narrateur en sait plus que le personnage, ou plus précisément en dit plus que n’en sait aucun des personnages) » ([1972] 2007 : 193)
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