Civiliste à Connaissance 3 de janvier à juin 2019, Lucas Jemelin participe à certaines activités (conférences ou cours), dans le cadre de ses tâches d’information et d’accompagnement des seniors. Il en retire pour nous une chronique, fruit de ses pensées et de ses réflexions autour des sujets traités.
Philosophie – Atelier «La vraie vie»
Guido Albertelli, philosophe – jeudis 23 mai et 18 juin 2019
Dans son livre La vraie vie, Alain Badiou s’intéresse aux dilemmes auxquels sont confrontés les jeunes aujourd’hui. A ses yeux, les alternatives qui s’offrent à la jeunesse sont les suivantes: profiter de l’instant présent et mener une vie « suspendue à l’immédiat du temps, une vie où l’avenir est invisible ou en tout cas totalement obscur » ou tirer avantage du système, et ruser pour s’installer confortablement à un poste de travail douillet et bien rémunéré.
En lisant son texte, j’y reconnais certaines de mes connaissances dont l’objectif actuel est de jouir de la fraîcheur du printemps de leur existence, cette « passion de brûler ». On n’a qu’une vie. Tu n’auras pas toujours 20 ans. Ton foie ne sera pas toujours aussi solide. Alors profitons, et on verra bien demain.
A l’inverse, je me sens partie de l’autre « extrême ». Il semble que l’on m’ait inculqué des schémas de réussite sociale et financière, et j’ai en tête quelques idéaux vers lesquels je me dirige, plus ou moins inconsciemment. Porté par la « passion de construire », j’ai l’impression de me jeter à bras ouverts dans ce que décrit Alain Badiou comme une impasse.
Peut-être que je trouverai un autre regard sur ma situation aujourd’hui, car lors de l’atelier donné par Guido Albertelli ce matin, des garçons de ma génération sont présents et peuvent débattre de ces sujets avec le public de Connaissance 3.
Les discussions se portent rapidement sur les limites du capitalisme et notre capacité de résilience qui réside peut-être dans des activités « plus simples » comme un travail de la terre ou une vie en communauté. Un modèle qui se rapproche de l’idéal de La vrai vie de Badiou: une vie désintéressée par le pouvoir et la richesse superflue, guidée par une symbolisation égalitaire, loin des schémas rudimentaires que la société souhaite retrouver en la jeunesse. Tout est donc à créer.
L’un des jeunes de la salle vit au sein d’une communauté marxiste et illustre son mode de vie par un « équilibre chaotique ». « J’ai l’impression de tout brûler et de tout construire en même temps », dit-il. « Peu d’adolescents parviennent à prendre une distance critique sur le consumérisme. Il faut trouver un bonheur dans autre chose que ce que l’on nous a éduqué », lance un de ses camarades.
Tant dans les expériences du public senior que dans celles du public génération Z, on retrouve un membre de la famille, ou un ami qui a décidé de quitter ce mode de consommation pour aller faire prospérer un alpage ou vivre de ses cultures. Et les réactions sont les mêmes à chaque fois: « bien qu’on ait été sceptique lorsqu’on l’a vu démarrer son projet, j’ai le sentiment maintenant qu’il.elle a tout compris »
Candide avait donc déjà la solution face au consumérisme: « Il faut cultiver notre jardin ». Un jardin intergénérationnel où le terreau sage des seniors alimente les réflexions que les jeunes se doivent de cultiver. De nouvelles pousses pour nous sortir de ce bourbier.
Lucas Jemelin