Narrateur auctorial / Authorial Narrator

Par Sylvie Patron

Le terme et le concept de narrateur auctorial (auktoriale Erzähler) sont dus à Franz K. Stanzel (voir 1955 et 1971 [1955]). «Les interprètes du roman négligent souvent le fait que la figure du narrateur auctorial n’est pas simplement identique à la personnalité de l’auteur» (Stanzel 1971 [1955]: 24[1]). Issu de l’aire germanophone, le narrateur auctorial est aussi essentiellement utilisé dans cette aire. Gérard Genette et Seymour Chatman, par exemple, n’y ont pas recours; les représentants de la narratologie rhétorique contemporaine non plus, qui rattachent «auctorial» à «auteur» (plus exactement, «auteur implicite»). On trouve «voix auctoriale» et «narrateur auctorial» chez Susan Sniader Lanser, mais ces termes prennent sens dans un autre système théorique. Chez Stanzel, le narrateur auctorial fait système avec le je-narrateur (Ich-Erzähler, traduit en anglais par first-person narrator, littéralement «narrateur à la première personne») et le réflecteur du récit figural (voir 1971 [1955] et 1984 [1979]); chez Lanser, la voix auctoriale fait système avec la voix personnelle et la voix communautaire (voir 1992). La traduction française de l’ouvrage de Käte Hamburger (1968 et 1986 [1968]) gomme la présence du terme «narrateur auctorial», repris par Hamburger dans un rapport polémique avec Stanzel.

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Narration à la sixième personne

Par Gilles Merminod

Si l’usage narratologique a consacré les expressions « récit à la première personne » et « récit à la troisième personne », la notion de récit à la sixième personne ne se rencontre guère dans les ouvrages théoriques. Il existe bien, en langue anglaise,  quelques travaux qui emploient l’expression « they-narratives » pour décrire certains récits d’expérience collective (Richardson 2015 ; Fludernik 2017 ; Alber 2018). Il reste néanmoins que la sixième personne se présente comme le parent pauvre de la narratologie, loin derrière les deuxième et même quatrième personnes. Pourquoi ? Serait-ce parce que la sixième personne n’est qu’une variation en nombre de la troisième et qu’au contraire des récits à la deuxième ou à la cinquième personnes, elle paraît, somme toute, assez naturelle ? Peut-être, mais ce serait négliger les enjeux qu’il y a à dépeindre avec constance ce que c’est que d’agir et de penser collectivement.

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La narratologie en Chine

Par Liya Wang

Traduit de l’anglais par Raphaël Baroni

La narratologie en tant que discipline a été introduite en Chine dans les années 1980, lorsque The Rhetoric of Fiction de Wayne C. Booth, Narrative Fiction de Shlommith Rimmon-Kenan et Recent Theories of Narrative de Wallace Martin ont été traduits en mandarin. Suite à cette réception rapide, la décennie suivante a vu une succession de traductions de classiques de la narratologie, parmi lesquels le Discours du récit de Genette a été reçu comme la quintessence du structuralisme. Au début du nouveau millénaire, la maison d’édition de l’université de Pékin a encore publié cinq ouvrages traduits sous forme de coffret, dont Reading Narrative de J. H. Miller, Fictions of Authority de Susan Lanser, Narrative as Rhetoric de James Phelan, Narratologies de David Herman et Postmodern Narrative Theory de Mark Currie. Dirigée par Dan Shen et traduite par d’excellents spécialistes des études littéraires, cette série présente les principaux domaines de l’étude narrative actuelle, ce qui a renforcé l’intérêt croissant pour la narratologie postclassique.

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Narratologie italienne

Par Filippo Pennacchio

Traduit de l’italien par Raphaël Baroni

En Italie, la narratologie n’a jamais eu la vie facile. Elle a souvent été considérée avec méfiance et, dans une certaine mesure, c’est encore le cas aujourd’hui. Au-delà d’un petit cercle de spécialistes, les noms d’érudits et de chercheurs tels que Franz Karl Stanzel, Dorrit Cohn ou Mieke Bal sont encore peu connus. Leurs textes n’ont jamais été traduits, et leur pensée, dans le meilleur des cas, a été résumée. En fait, le seul texte de narratologie connu non seulement des spécialistes est Figure III de Gérard Genette, dont tout le monde maîtrise plus ou moins la taxonomie et dont les principaux concepts sont également enseignés dans les écoles secondaires.

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Chronotope / Chronotope

Par Hans Färnlöf

Dans son célèbre essai « Formes du temps et du chronotope dans le roman » datant de 1937-1938 (sauf les observations finales écrites en 1973), Bakhtine définit la notion du chronotope comme « la corrélation essentielle des rapports spatio-temporels, telle qu’elle a été assimilée par la littérature » (1978b : 237). À partir de cette définition, souvent citée, le chercheur court le risque de passer un peu trop librement vers l’étude des diverses manifestations de l’espace et du temps qui figurent dans telle ou telle œuvre littéraire. Or, toute étude spatiale et/ou temporelle ne correspond pas nécessairement à l’idée du chronotope tel que Bakhtine l’avait conçu, d’où l’importance de cerner de plus près ce que le chercheur russe entendait par sa définition.

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Narration à la troisième personne

Par Sylvie Patron

Cette entrée concerne les récits de fiction écrits (par opposition aux récits racontés oralement, qui soulèvent d’autres problématiques). Deux questions seront envisagées : Premièrement, y a-t-il une narration à la troisième personne, ou toute narration est-elle constitutivement à la première personne, avec des variantes impersonnelles contingentes ? Deuxièmement, peut-on parler de formes de narration à la troisième personne « non naturelles » ?

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Linguistique textuelle / Text Linguistics

Par Jean-Michel Adam

La linguistique textuelle a une courte histoire et une longue tradition. (Nerlich & Clarke, 1999 : 37)

La présence, dans un glossaire de narratologie, d’une notice[1] consacrée à la linguistique textuelle (ci-après LT) peut surprendre mais l’émergence de ce courant de recherche est, dans les pays de langue française, inséparable des développements de la narratologie moderne.

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Narration à la première personne

Par Gilles Philippe

L’usage commun nomme récit à la première personne une fiction dont le narrateur est aussi le protagoniste; le je y relate tout ou partie de sa propre histoire. Par extension, la catégorie s’emploie parfois pour désigner un récit dont le narrateur n’est ni le protagoniste ni même un des acteurs, mais qui rapporte les événements comme témoin ou conteur de première ou de seconde main. Rappelons pour mémoire que, dans Figures III (1972), Gérard Genette avait posé une distinction à laquelle certains se réfèrent encore: est dit hétérodiégiétique un narrateur qui ne s’attribue aucun rôle dans le récit (tout en restant susceptible d’y apparaître, au moins par métalepse), homodiégétique un narrateur qui appartient aussi au monde du récit; si, dans ce second cas, il est de surcroît le protagoniste, l’étiquette peut alors se préciser en autodiégétique.

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Motivation littéraire / Literary Motivation

Par Hans Färnlöf

La motivation littéraire est une notion introduite par les formalistes russes (groupe actif environ entre 1915 et 1930) sous le nom de motivirovka, désignant la motivation spécifique de l’œuvre littéraire, à distinguer de la motivation extralittéraire, appelée motivacija. Ella a ensuite été reprise par différentes théorisations et s’est vu attribuer une multitude d’acceptions[1]. Cela explique l’existence d’une certaine confusion autour de ce terme, d’autant plus que son emploi ne se limite pas au domaine littéraire (cf. la motivation du signe linguistique, la motivation psychologique, la motivation économique, etc.).

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