La FBM a inauguré le 24 mars 2022 sa plateforme «Durabilité et santé», en collaboration étroite avec les spécialistes de la question au Centre de compétences en durabilité de l’UNIL. Les explications du vice-doyen Renaud Du Pasquier.
Dans son bureau au CHUV, le vice-doyen du dicastère «Communication, stratégie et durabilité» Renaud Du Pasquier paraît déterminé à engager la FBM tout entière sur la voie de la transition écologique, qui est aussi, on le sait, l’une des priorités de l’UNIL. «Comme les autres domaines de la société, celui de la santé doit faire des choix clairs et volontaristes, car le temps presse», annonce-t-il.
À cet égard, le sixième rapport du GIEC, paru le 27 février 2022, est limpide : ne pas anticiper les problèmes associés aux limites planétaires que nous ne cessons de forcer nous fera perdre des années précieuses et nous obligera à faire des choix toujours plus douloureux.
Un message urgent
«Déjà maintenant, les perturbations des écosystèmes font surgir de nouvelles pandémies (les fameuses zoonoses), la pollution atmosphérique cause huit millions de morts par année dans le monde, et le changement climatique, avec son cortège de sécheresses, incendies et autres dégâts majeurs augmente l’incidence des maladies physiques et mentales», souligne le vice-doyen. Le message est cru, mais il n’est pas trop tard pour agir. Dans le domaine de la santé, en particulier, de nombreuses actions sont possibles.
Ainsi, après avoir placé en août 2021 la durabilité parmi les priorités de son décanat, la FBM a inauguré le 24 mars 2022 la plateforme qui l’associe au Centre de compétences en durabilité (CCD).
Enseignement obligatoire sur la durabilité à la FBM
Cette nouvelle entité a pour but de promouvoir et de mettre en réseau les initiatives issues des pratiques médicales et de recherche à la FBM, au CHUV et à Unisanté. Celles-ci pourront se décliner autour de plusieurs axes: nécessité de mesurer l’empreinte carbone des uns et des autres, de maîtriser la consommation énergétique dans un environnement hautement technologique, de réduire les pollutions chimiques et plastiques et de rappeler l’injonction à ne pas nuire, au cœur de la médecine; ou encore, d’envisager les manières d’intégrer les notions de santé planétaire dans la recherche, la pratique clinique et la santé publique.
En collaboration étroite avec le vice-doyen à l’enseignement, le professeur Patrick Bodenmann, il s’agit, en outre, d’initier un enseignement obligatoire sur la durabilité en première année, puis d’insuffler cette question à travers tout le cursus de médecine, de biologie et des sciences infirmières. Enfin, la conjonction à la FBM des sciences fondamentales et cliniques ouvre de belles perspectives en matière de recherche interdisciplinaire.
«Nous avons été formés dans l’idée de tout offrir à nos patients et en toutes circonstances…»
Le professeur Renaud Du Pasquier
«Nous avons été formés dans l’idée de tout offrir à nos patients et en toutes circonstances», esquisse Renaud Du Pasquier. Qui poursuit : «Or que voit-on aujourd’hui ? Que l’espérance de vie stagne en Europe, que le dérèglement climatique et les pollutions sont en train d’augmenter la fréquence de certaines maladies, voire d’en provoquer de nouvelles. Le système de santé lui-même est un acteur de ces dérèglements: en Suisse, il produit à lui seul une tonne annuelle de CO2 par habitant, alors que les objectifs raisonnables pour la planète ne permettent pas de dépasser cette quantité pour l’ensemble de nos activités. Ce secteur est responsable de 6,7% des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays. On mesure le paradoxe et la complexité de la tâche. L’urgence environnementale nous impose pourtant de prendre des mesures fortes, non pas aux dépens des patients mais en les intégrant avec d’autres acteurs du système de santé, des éthiciens et des représentants de la société civile, dans cet effort collectif. »
Rôle des acteurs de la santé
L’échelon professionnel et institutionnel est selon lui indispensable pour contenir, d’une part, l’impact environnemental des pratiques médicales et, d’autre part, celui de l’environnement sur la santé des êtres humains à l’échelle planétaire. En outre, cet échelon institutionnel peut motiver des décisions politiques attendues et offrir sous l’effet d’un «ruissellement» un modèle pour les individus. «Notre rôle en tant que scientifiques est de réfléchir, d’alerter, d’anticiper et d’agir», résume le vice-doyen.
Sur la piste du cobénéfice
Il cite plusieurs exemples de démarches déjà entreprises au sein de la FBM: à Unisanté, on se préoccupe ainsi du rôle des médecins de famille, dont on voit qu’une majorité se dit prête, non pas à morigéner les patients au sujet de leur consommation énergétique, mais à les engager sur la piste du «cobénéfice»: manger de manière plus durable et locale, faire de l’exercice et rester en contact avec la nature, toutes choses à la fois bonnes pour la planète et la santé humaine physique et mentale. D’autres initiatives sont en cours au CHUV. Lui-même neurologue, Renaud Du Pasquier a quantifié les tonnes de CO2 émises lors des trajets professionnels en avion effectués dans son service et, par conséquent, il enjoint ses collègues à réduire le plus possible leurs vols.
Nouvelle génération d’IRM
De nombreuses autres initiatives bottom-up ont vu le jour. À titre d’exemple, il cite la chirurgie, qui a engagé un processus de tri et de recyclage de ses déchets au bloc opératoire et qui repense sa consommation, sa pratique et ses installations dans une perspective de réduction du gaspillage et de réutilisation. La recherche n’est pas en reste : le Département des neurosciences fondamentales est cocréateur d’un consortium européen qui promeut une réduction de l’impact environnemental de la recherche. En radiologie, domaine énergivore par excellence, des chercheurs étudient une nouvelle génération d’IRM qui semble offrir une excellente qualité d’image au prix d’un coût énergétique beaucoup plus bas que les modèles précédents.
La nouvelle plateforme permettra de mettre en lumière, de soutenir et d’initier de tels projets. Elle est dirigée conjointement par Renaud Du Pasquier, Nicolas Senn (Unisanté) et Nelly Niwa (CCD) et peut compter sur un groupe de coordination formé par Julia Gonzalez Holguera (CCD) et Nicolas Berlie, répondant durabilité à la faculté. Appuyée par un conseil scientifique d’experts UNIL et externes, elle s’adresse à toutes les personnes intéressées au sein de la faculté, de l’Université et de la société.