Le directeur du ColLaboratoire sera en charge de la promotion des approches de sciences sociales dans le monde du nucléaire.
Engagé en faveur des projets en sciences participatives et de recherche-action, le sociologue des sciences et biologiste directeur du ColLaboratoire de l’UNIL Alain Kaufmann vient d’être nommé au conseil scientifique de l’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). En charge de la promotion des approches de sciences sociales dans le monde du nucléaire, il siégera, pendant cinq ans, aux côtés d’une dizaine d’experts.
« Dans le domaine du nucléaire, on distingue toujours les deux aspects que sont la sûreté et la sécurité, précise Alain Kaufmann. À savoir s’assurer que les installations fonctionnent correctement, qu’elles ne tombent pas en avarie et qu’il n’y ait pas d’accident ou de catastrophe d’un côté, et tous les aspects de protection contre les attaques de l’autre. » Avec 1700 collaboratrices et collaborateurs, dont environ 500 chercheuses et chercheurs, l’IRSN consiste en un important organisme de recherche interdisciplinaire, rattaché à l’autorité de surveillance du nucléaire, actif en France mais œuvrant en étroite collaboration avec ses homologues à l’international.
L’apport des sciences sociales
Dans le cadre de sa nomination, chargé de conseiller l’institut sur les approches de sciences sociales, Alain Kaufmann s’intéressera notamment aux façons de passer la main aux populations exposées aux installations nucléaires pour faire de la surveillance de l’environnement, des mesures de la radioactivité ou de contaminants chimiques. « Cela intéresse non seulement les acteurs du nucléaire, mais plus généralement les installations à risque, souligne le chercheur. Cela concerne par exemple la qualité de l’eau, de l’air ou du sol. Une agence telle que l’IRSN se rend compte que si elle souhaite d’une part créer un rapport de confiance avec les riverains des installations nucléaires, mais aussi disposer de réseaux de mesures bien répartis sur le territoire, il faut travailler avec les citoyens. »
Des populations qui se méfient souvent précisément du nucléaire, à la réputation largement mauvaise auprès de la société civile. Contrairement à la confiance attribuée à cette énergie du côté de l’ingénierie. « Les États se sont comportés de façon très peu transparente aux débuts du nucléaire, pour des raisons liées au caractère consubstantiel du nucléaire militaire et civil. Ils ont pu avoir des approches inacceptables du point de vue environnemental, par exemple en déversant des futs de déchets radioactifs dans l’océan. Et demeure aussi l’idée que le nucléaire comporte des risques dépassant les capacités de l’humain à le maîtriser, notamment les déchets. Alors que pour les ingénieurs nucléaires, il s’agit de la technologie la plus sûre. »
Alors comment faire dialoguer, voire rabibocher les différents camps ? Par les sciences humaines et sociales précisément. « Le nucléaire a clairement un statut particulier. Les sciences sociales ont un rôle crucial à jouer dans ce domaine. » Parce qu’elles produisent évidemment les études sur le degré de confiance de l’opinion publique envers le nucléaire. Mais aussi pour favoriser le débat social démocratique et la participation des populations concernées. « L’arrivée des sciences humaines et sociales dans ce domaine montre clairement le besoin que ressentent les agences en charge de l’évaluation des risques, pas seulement dans le nucléaire, de se doter des gens capables d’aller au-delà de la communication et de la publication d’études portant sur l’acceptabilité notamment. Cela passe par le déploiement des sciences citoyennes et de la recherche participative, qui est notre spécialité au ColLaboratoire. »