Tram (t1) Renens-gare / Lausanne-Flon, le TAF donne son feu vert au projet

Le 7 mars 2016, l’office fédéral des transports (OFT) a approuvé les plans relatifs à la construction du tram (t1) entre Renens-gare et Lausanne-Flon. La mise en site propre du tram sur la rue de Genève exige des mesures d’accompagnement routières afin de résoudre la congestion prévisible du trafic routier public et privé. Plus précisément, le réseau routier actuel n’est pas en mesure d’absorber de manière satisfaisante le report du TIM entraîné par la fermeture des axes dédiés au « t1 », entraînant un risque de saturation en particulier au niveau du carrefour de Chauderon-Sud. Le projet prévoit alors l’aménagement d’une liaison routière « Vigie-Gonin » qui traverse le bois du Flon exigeant de la sorte un défrichement.

Saisi par les TL, le Tribunal fédéral a considéré, dans son arrêt ATF 145 II 218, que les plans de la liaison routière avaient été implicitement approuvés par l’OFT et que la liaison routière « Vigie-Gonin » était une installation ferroviaire au sens de l’art. 18 al. 1 LCdF. La cause a donc été renvoyée au Tribunal administratif fédéral (TAF) pour qu’il statue au fond.

Le TAF s’est prononcé le 19 février 2020 en rejetant le recours des opposants au projet (TAF A-2229/2019 du 19 février 2020); limitant son examen à la question du défrichement induit par la liaison routière, la Cour constate que les conditions posées à l’article 5 LFo (conditions du défrichement) et à l’article 7 LFo (compensations au défrichement) sont remplis dans le cas d’espèce (c. 6). Ce jugement est ouvert au recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral dans les 30 jours.

L’intérêt de l’arrêt repose également sur la question d’une éventuelle modification du projet, en substance l’abandon de la liaison routière « Vigie-Gonin ». A cet égard, les recourantes ont transmis au TAF une copie d’un article de presse selon lequel les autorités communales de Lausanne envisageraient de supprimer cette liaison. Toutefois, l’OFT a indiqué au Tribunal n’avoir reçu aucune demande de modification (faits I à K). Dès lors, le TAF s’est prononcé sur le projet approuvé par l’OFT, admettant la construction du tram et de la liaison routière en tant qu’infrastructures coordonnées.

Le TAF relève qu’une telle déclaration de renoncement pourrait  laisser supposer que le canton n’entendrait pas nécessairement respecter les décisions qu’il a lui-même sollicitées des autorités administratives et judiciaires fédérales. Ainsi, l’OFT devra s’assurer du respect de sa décision d’approbation des plans avant d’accorder une autorisation d’exploiter au sens de l’article 18w LCdF. Il pourrait la refuser (et donc refuser l’utilisation de la ligne de tram construite) en cas d’absence de mesures d’accompagnement aptes à résoudre l’engorgement du trafic liée à la mise en site propre du t1 (c. 1.3).

Il est patent que les TL, en tant que destinataires, ou le canton ne peuvent par eux-mêmes choisir de renoncer à mettre en oeuvre la décision octroyée; la compétence d’adoption et de modification de la décision d’approbation des plans appartient à l’OFT (art. 18 al. 2 LCdF). On rappelle à ce titre qu’une décision a un effet « obligatoire » pour les parties à la relation juridique.

Plusieurs questions, encore ouvertes, se posent à ce stade. En particulier, selon les circonstances, certains aspects techniques ou organisationnelles peuvent  être définis d’entente avec l’OFT, par le biais de la convention de mise en oeuvre prévue à l’article 48f al. 3 LCdF ; est-ce toutefois suffisant pour assurer des mesures d’accompagnement aptes à atteindre leur but ? A défaut, une procédure de modification du projet pourrait s’avérer nécessaire, de manière éventuellement simplifiée (art. 18i LcDF). Dans un tel contexte, pourrait-on envisager la construction du tram, en admettant que les mesures d’accompagnement suivent une procédure ultérieure ou parallèle ? Cela va probablement dépendre des mesures en question, tout en relevant que le Tribunal fédéral a mis en exergue l’importance du principe de coordination : « Le projet ferroviaire ne saurait partant être approuvé – … – sans également inclure, dans l’examen, les mérites et inconvénients de cette mesure d’accompagnement » (ATF 145 II 218, c. 4.3.3). Une procédure cantonale en matière de mesures d’accompagnement serait-elle envisageable ? Cela dépend également des mesures, mais il est incertain de le penser après l’arrêt du TF à propos de la liaison routière.

Tribunal administratif fédéral A-2229/2019 du 19 février 2020.

 

Contournement du village de Schmitten, le Tribunal fédéral admet le recours d’organisations de protection du paysage et de la nature

La commune de Schmitten prévoit l’aménagement d’une route de déviation passant par la Sud afin d’alléger la circulation à travers le centre du village (rocade Sud). Cet aménagement implique des atteintes à des prairies sèches d’importance nationale qualifiées de graves par  la CFPN (ENHK).

Le Tribunal fédéral examine plusieurs griefs des recourantes, notamment la conformité de projet au plan directeur cantonal (c. 3) ou l’examen insuffisant des alternatives à rocade Sud, dans le contexte notamment de l’art. 3 LPN (c. 6). L’intérêt de l’arrêt repose toutefois sur trois aspects remarquables que nous mentionnons ici.

La Cour fédérale se prononce à propos de la pondération globale des intérêts à opérer dans l’adoption du cadre du plan d’affectation local (c. 4). Elle relève que, dans le cas des objets d’importance nationale de l’art. 18a LPN, les dérogations aux objectifs de protection supposent la dépendance directe du projet au site ainsi qu’un intérêt supérieur d’importance nationale (4.2). L’évaluation de la pesée des intérêts relève d’une question de droit que le juge examine librement; celui-ci observe toutefois une certaine retenue en présence de questions techniques et d’expertises dès lors que l’instance précédente dispose d’une meilleure connaissance (c. 4.4). Au demeurant, le Tribunal fédéral rappelle qu’il ne peut s’écarter de l’avis d’experts en matière technique sans motifs valables; à ce titre, il relève les expertises de la CFPN revêt une importance particulière (c. 4.5). Ce dernier constat sera-t-il appelé au 1er janvier 2020 à évoluer avec l’entrée en vigueur du futur nouvel art. 7 al. 3 LPN ? Celui-ci prévoit que les expertises des commissions fédérales ne constituent qu’une base, parmi d’autres, permettant à l’autorité de décision de pondérer les intérêts liés à l’aménagement du territoire.

Le Tribunal fédéral procède à l’examen de l’art. 7 OPPS. Dans ce contexte, il se prononce sur la notion d’importance nationale. Il précise que l‘évaluation de l’importance nationale doit se faire en deux étapes. Premièrement, la tâche en tant que telle doit servir un intérêt public d’importance nationale. En second lieu, il convient de s’assurer que le projet individuel à évaluer contribue également à la réalisation de cette tâche. Dès lors, l’attribution abstraite d’une importance nationale ne signifie pas automatiquement que tout projet concret visant à réaliser la tâche revêt une importance nationale (5.3.1). En l’espèce, bien qu’il s’agisse d’une route de transit d’importance nationale (d’où son importance nationale), le Tribunal fédéral considère qu’elle ne remplit pas concrètement un intérêt national; l’importance de la rocade ne revêt qu’une importance locale et ne justifie aucun intérêt national (c. 5.3.3-5.4.4).  L’art. 7 al. 1 OPPS n’est alors pas applicable; l’art. 7 al. 2 OPPS ne l’est pas non plus (c. 5.4-5.6). Cette approche du Tribunal fédéral pourrait avoir une incidence sur l’interprétation, dans le domaine énergétique, l’art. 12 LPN et de l’art. 9 OEne. 

La Cour fédéral consacre une partie de sa motivation au mesures compensatoires – mesure de remplacement – de l’art. 18 al. 1ter LPN (c. 8). Elle se demande si ces mesures peuvent être prises en compte lors de l’évaluation de l’admissibilité d’une atteinte technique à un biotope digne de protection. Une telle approche est contestée par la doctrine dominante, car les mesures de remplacement ne sont que le résultat d’une atteinte admissible et ne peuvent justifier la recevabilité de l’atteinte en cause. L’OFEV partage cet avis dans la présence affaire. Le Tribunal fédéral ne tranche pas cette question définitivement (on peut le regretter par ailleurs). Il ajoute également que, si la qualité et la quantité des mesures compensatoires envisagées peuvent être prises en compte dans le cadre d’une mise en balance globale des intérêts, cela ne signifie pas qu’une intervention soit justifiée par rapport à l’obligation légale de réaliser des mesures compensatoires. Celles-ci ne peuvent être prises en compte dans l’équilibre des intérêts en faveur d’un projet que si elles sont suffisamment concrétisées et liées à l’approbation du projet, et si elles garantissent l’équilibre environnemental poursuivi par l’art. 18 al. 1 ter LPN.

Tribunal fédéral IC_528/2018 du 17.10.2019

A propos des mesures compensatoires, voir également : Thierry Largey, Le cadre juridique des atteintes licites et illicites à la nature et au paysage, RDAF 2014 I 535.