Infolettre no 46, Jurisprudence de mai 2023

Aménagement du territoire et protection du patrimoine, une sélection des principaux arrêts rendus au mois de MAI 2023. 

9 arrêts du Tribunal fédéral ont retenu notre attention, qui concernent notamment la conformité à la zone agricole à Fribourg, la préservation des surfaces d’assolement (SDA) à Zurich ou le parc périurbain Jorat dans le canton de Vaud. Nous ajoutons 9 arrêts du Tribunal cantonal vaudois (CDAP) concernant notamment l’expropriation matérielle ou la protection de l’ISOS.

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Infolettre no 41, Jurisprudence de décembre 2022

Aménagement du territoire : une sélection des principaux arrêts du Tribunal fédéral rendus au mois de DECEMBRE 2022. Dans cette infolettre no 41, 9 arrêts du Tribunal fédéral ont retenu notre attention, qui concernent notamment la réduction des zones à bâtir surdimensionnées, une piste de motocross en zone agricole ou le recours de communes à l’encontre du plan directeur cantonal.

Sont également présentés 4 arrêts du Tribunal cantonal vaudois (CDAP) concernant notamment l’abattage d’arbres ou la création de zones réservées.


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ONG Recours contre la mise sur le marché de pesticides

Le Tribunal administratif fédéral confirme le droit du WWF de consulter les dossiers d’autorisation de trois pesticides dans leur intégralité. Il a refusé de faire prévaloir le secret des affaires sur le droit de recours des associations.

En décembre 2018, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a invité l’organisation de protection de l’environnement à participer a posteriori à des procédures d’évaluation de pesticides, qui avaient débouché sur des autorisations en mars et novembre 2017. Tenu à l’écart jusque-là, le WWF Suisse obtenait ainsi l’accès aux dossiers.

Trois recours ont été déposés contre les décisions de l’OFAG devant le Tribunal administratif fédéral. Ces procédures visaient en particulier à obtenir que l’une des substances entrant dans la composition des pesticides soit effacée. Voire même que tous les passages faisant allusion à cette substance soient retirés des documents remis au WWF.

Dans trois arrêts publiés mercredi, les juges de Saint-Gall ont rejeté les griefs portant sur la qualité de partie du WWF à la procédure d’autorisation et, partant, sur son droit à consulter les dossiers. Ils ont aussi relevé que la compétence de faire primer le secret des affaires sur le droit de recours des associations appartenait en l’espèce à l’OFAG. Sur ce point, le tribunal n’est donc pas entré en matière.

Arrêt de principe

Ces décisions se fondent sur un arrêt de principe rendu en février 2018 par le Tribunal fédéral. A l’époque, les juges de Mon Repos avaient conclu que le WWF était légitimé à participer à ces procédures d’autorisation en raison du droit de recours des associations.

En 2015, le WWF avait appris sur le site de l’OFAG que ce dernier menait des procédures d’homologation en vue de l’autorisation en Suisse de divers produits phytosanitaires. L’organisation environnementale avait demandé à pouvoir y participer. L’office avait refusé au motif que le droit de recours des associations ne pouvait être exercé que contre des décisions visant un lieu déterminé.

Le Tribunal administratif fédéral avait alors annulé le refus de l’OFAG. Le recours de ce dernier, qui portait sur l’une des substances contestées, n’avait pas non plus abouti devant le Tribunal fédéral en février 2018.

Contournement du village de Schmitten, le Tribunal fédéral admet le recours d’organisations de protection du paysage et de la nature

La commune de Schmitten prévoit l’aménagement d’une route de déviation passant par la Sud afin d’alléger la circulation à travers le centre du village (rocade Sud). Cet aménagement implique des atteintes à des prairies sèches d’importance nationale qualifiées de graves par  la CFPN (ENHK).

Le Tribunal fédéral examine plusieurs griefs des recourantes, notamment la conformité de projet au plan directeur cantonal (c. 3) ou l’examen insuffisant des alternatives à rocade Sud, dans le contexte notamment de l’art. 3 LPN (c. 6). L’intérêt de l’arrêt repose toutefois sur trois aspects remarquables que nous mentionnons ici.

La Cour fédérale se prononce à propos de la pondération globale des intérêts à opérer dans l’adoption du cadre du plan d’affectation local (c. 4). Elle relève que, dans le cas des objets d’importance nationale de l’art. 18a LPN, les dérogations aux objectifs de protection supposent la dépendance directe du projet au site ainsi qu’un intérêt supérieur d’importance nationale (4.2). L’évaluation de la pesée des intérêts relève d’une question de droit que le juge examine librement; celui-ci observe toutefois une certaine retenue en présence de questions techniques et d’expertises dès lors que l’instance précédente dispose d’une meilleure connaissance (c. 4.4). Au demeurant, le Tribunal fédéral rappelle qu’il ne peut s’écarter de l’avis d’experts en matière technique sans motifs valables; à ce titre, il relève les expertises de la CFPN revêt une importance particulière (c. 4.5). Ce dernier constat sera-t-il appelé au 1er janvier 2020 à évoluer avec l’entrée en vigueur du futur nouvel art. 7 al. 3 LPN ? Celui-ci prévoit que les expertises des commissions fédérales ne constituent qu’une base, parmi d’autres, permettant à l’autorité de décision de pondérer les intérêts liés à l’aménagement du territoire.

Le Tribunal fédéral procède à l’examen de l’art. 7 OPPS. Dans ce contexte, il se prononce sur la notion d’importance nationale. Il précise que l‘évaluation de l’importance nationale doit se faire en deux étapes. Premièrement, la tâche en tant que telle doit servir un intérêt public d’importance nationale. En second lieu, il convient de s’assurer que le projet individuel à évaluer contribue également à la réalisation de cette tâche. Dès lors, l’attribution abstraite d’une importance nationale ne signifie pas automatiquement que tout projet concret visant à réaliser la tâche revêt une importance nationale (5.3.1). En l’espèce, bien qu’il s’agisse d’une route de transit d’importance nationale (d’où son importance nationale), le Tribunal fédéral considère qu’elle ne remplit pas concrètement un intérêt national; l’importance de la rocade ne revêt qu’une importance locale et ne justifie aucun intérêt national (c. 5.3.3-5.4.4).  L’art. 7 al. 1 OPPS n’est alors pas applicable; l’art. 7 al. 2 OPPS ne l’est pas non plus (c. 5.4-5.6). Cette approche du Tribunal fédéral pourrait avoir une incidence sur l’interprétation, dans le domaine énergétique, l’art. 12 LPN et de l’art. 9 OEne. 

La Cour fédéral consacre une partie de sa motivation au mesures compensatoires – mesure de remplacement – de l’art. 18 al. 1ter LPN (c. 8). Elle se demande si ces mesures peuvent être prises en compte lors de l’évaluation de l’admissibilité d’une atteinte technique à un biotope digne de protection. Une telle approche est contestée par la doctrine dominante, car les mesures de remplacement ne sont que le résultat d’une atteinte admissible et ne peuvent justifier la recevabilité de l’atteinte en cause. L’OFEV partage cet avis dans la présence affaire. Le Tribunal fédéral ne tranche pas cette question définitivement (on peut le regretter par ailleurs). Il ajoute également que, si la qualité et la quantité des mesures compensatoires envisagées peuvent être prises en compte dans le cadre d’une mise en balance globale des intérêts, cela ne signifie pas qu’une intervention soit justifiée par rapport à l’obligation légale de réaliser des mesures compensatoires. Celles-ci ne peuvent être prises en compte dans l’équilibre des intérêts en faveur d’un projet que si elles sont suffisamment concrétisées et liées à l’approbation du projet, et si elles garantissent l’équilibre environnemental poursuivi par l’art. 18 al. 1 ter LPN.

Tribunal fédéral IC_528/2018 du 17.10.2019

A propos des mesures compensatoires, voir également : Thierry Largey, Le cadre juridique des atteintes licites et illicites à la nature et au paysage, RDAF 2014 I 535.

ONG – Qualité pour agir dans la procédure de mise sur le marché de pesticides

TAF B_532, 535 et 556/2019 du 25 octobre 2019

Le Tribunal administratif fédéral confirme le droit du WWF de consulter les dossiers d’autorisation de trois pesticides  dans leur intégralité. Il a refusé de faire prévaloir le secret des affaires sur le droit de recours des associations.

Les faits:

En 2015, le WWF avait appris sur le site de l’OFAG que ce dernier menait des procédures d’homologation en vue du reexamen ou de l’autorisation de mise en circulation de divers produits phytosanitaires, en Suisse. L’organisation environnementale avait demandé à pouvoir y participer. L’Office avait refusé au motif que le droit de recours des associations ne pouvait être exercé que contre des décisions visant un champ d’application territorial déterminé.

Le Tribunal administratif fédéral avait alors annulé le refus de l’OFAG. Le recours de ce dernier, qui portait sur l’une des substances contestées, a été écarté par le Tribunal fédéral dans un arrêt de principe rendu en février 2018 (ATF 144 II 218). Dans cet arrêt, la Haute Cour a considéré que le WWF était légitimé à participer aux procédures d’autorisation de mise dans le commerce de pesticides, sur la base de l’art. 12 LPN, en considérant que l’on se trouvait en présence d’une tâche fédérale, cela indépendamment du lieu où les produits phytosanitaires pouvaient être utilisés. Ces produits, en tant qu’ils peuvent porter atteinte à la nature tombent dans le champ d’application de la LPN (art. 1 et 18 al. 2 LPN). Les dispositions de la législation sur les produits phytosanitaires (art. 1 al. 1  OPPh) prévoient d’ailleurs qu’ils ne doivent pas exercer d’effets secondaires inacceptables sur la santé de l’être humain et des animaux ni sur l’environnement; les dispositions de l’ordonnance sont entièrement orientées par le principe de précaution (art. 1 al. 4 OPPh).

En décembre 2018, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a ainsi invité l’organisation de protection de l’environnement à participer a posteriori à des procédures d’évaluation de pesticides, qui avaient débouché sur des autorisations en mars et novembre 2017. Tenu à l’écart jusque-là, le WWF Suisse obtenait ainsi l’accès aux dossiers.

Trois recours ont été déposés contre les décisions de l’OFAG devant le Tribunal administratif fédéral. Ces procédures visaient en particulier à obtenir que l’une des substances entrant dans la composition des pesticides soit effacée. Voire même que tous les passages faisant allusion à cette substance soient retirés des documents remis au WWF.

Dans trois arrêts du 25 octobre 2019(TAF B_532, 535 et 556/2019), les juges de Saint-Gall ont rejeté les griefs portant sur la qualité de partie du WWF à la procédure d’autorisation et, partant, sur son droit à consulter les dossiers. Ils ont toutefois relevé que la compétence de faire primer le secret des affaires sur le droit de recours des associations appartenait en l’espèce à l’OFAG. Sur ce point, le tribunal n’est donc pas entré en matière.