Du 12 au 16 septembre a eu lieu la Semaine internationale de l’éducation et de la formation regroupant des spécialistes du monde entier. Une attention particulière a été portée sur les technologies, l’inclusion et le bien-être à l’école et a permis de mêler théorie et pratique. Une aventure destinée aux initiés mais qui a aussi donné lieu à des conférences grand public.
Plus de mille personnes se sont déplacées sur le campus de l’Université de Lausanne du 12 au 16 septembre. Trente salles en parallèle étaient occupées pour abriter des conférences, des tables rondes et des ateliers. Il s’agit de la Semaine internationale de l’éducation et de la formation, organisée sur le campus de l’UNIL ainsi qu’à la Haute École pédagogique Vaud (HEP).
Cette semaine était la réunion de trois événements importants des sciences de l’éducation : la conférence de la Société suisse pour la recherche en éducation, le congrès international d’Actualité de la recherche en éducation et en formation, et la conférence du Réseau de recherche 10 de la European Sociological Association. Chacun de ces trois événements s’est déroulé sur deux jours et a débordé sur un autre afin de favoriser les échanges entre les sociétés savantes.
Faire converser les traditions
Le maître mot de l’événement ? Farinaz Fassa, professeure à la Faculté des sciences sociales et politiques et coorganisatrice de l’événement, n’hésite pas : « Le dialogue. Cette semaine est la possibilité d’écouter et de réfléchir à des propositions différentes puisque venant d’autres disciplines, d’autres langues ou d’autres traditions. » Les conférenciers et les conférencières sont en effet venus du monde entier : Québec, Espagne, France, Belgique… Une diversité qui permet d’ouvrir les horizons de celles et ceux qui enseignent ou qui étudient l’éducation et la formation. En fonction du pays de recherche, non seulement les questions sont différentes, mais la manière de les traiter aussi : « Le mot « inclusion », par exemple, ne signifie pas la même chose en fonction du lieu et de l’époque. La langue aussi a son impact, le mot en anglais signifiant autre chose qu’en français », explique Farinaz Fassa.
Celles et ceux qui mènent ces recherches n’étaient pas les seuls à fouler le sol de l’UNIL et de la HEP. L’ouverture à l’UNIL s’est faite en présence de son recteur Frédéric Herman ainsi que de Thierry Dias, recteur de la HEP Vaud.
Un patchwork cousu par trois fils rouges
Trois thématiques ont été particulièrement approfondies durant cette Semaine internationale de l’éducation et de la formation : la place des technologies de l’information et de la communication, le développement d’une perspective inclusive et celui du bien-être. Des domaines non seulement actuels, mais aussi largement développés à l’Université de Lausanne (lire encadrés). Pour Farinaz Fassa, ce choix de fil rouge s’inscrit dans les débats contemporains : « Ces thématiques sont des questions vives, discutées largement et qui donnent lieu à des actions et des prises de position, ce qui est central pour le développement du système éducatif et de la recherche. »
Fil rouge 1 : Une scolarité inclusive, oui mais comment ?
En 1994, l’Unesco impulse un mouvement visant à rendre l’école plus accessible et plus juste. « Les objectifs de l’école inclusive font l’unanimité. Tout le monde est d’accord pour rendre l’école moins discriminatoire. Le débat se situe dans leur mise en œuvre », explique Nicolas Margas, maître d’enseignement et de recherche à la Faculté des sciences sociales et politiques. Lorsqu’il s’agit d’augmenter la diversité dans les classes, de nombreuses questions se posent : comment enseigner ? comment créer une dynamique relationnelle positive entre les élèves ?
Lausanne est justement à la pointe sur ces questions de mise en œuvre. Comme on peut le voir dans la dernière vidéo de décrypté, Nicolas Margas travaille aujourd’hui sur l’impact des contextes émotionnels que vivent les élèves sur l’orientation des dynamiques sociales. Partager des émotions telles que les peurs ou les joies face aux défis scolaires ou aux aventures sportives tisse des liens particuliers entre les jeunes appartenant à des groupes diversifiés. Ce phénomène représente un levier essentiel pour leur inclusion à l’école et au-delà. Afin de dépasser le stade théorique et faire évoluer les pratiques, ce domaine de recherche doit toujours garder un pied sur le terrain. Cela se fait notamment par l’évaluation des effets dans les classes, mais aussi en collaborant avec celles et ceux qui y passent leurs journées. La Semaine internationale de l’éducation et de la formation a justement permis ce rapprochement.
Le public aussi était le bienvenu
Ces avancées de recherche n’étaient pas destinées à être seulement partagées entre spécialistes de l’éducation et de la formation. Deux conférences grand public ont été données les mardi 13 et mercredi 14 septembre. La première, donnée par Divina Frau-Meigs, professeure à l’Université de Sorbonne nouvelle, a parlé de la prise au numérique : quelles nouvelles manières de faire ? La deuxième conférence a traité de la transmission de la compétition dans les systèmes éducatifs (au travers d’idéologies telles que la méritocratie ou le numerus clausus) et a été présentée par Fabrizio Butera, professeur de psychologie sociale à l’Université de Lausanne. Plus d’informations sur le site de l’événement.
Fil rouge 2 : Que penser des technologies à l’école ?
« Le numérique a une importance définie à la fois par l’industrie et les acteurs étatiques. » Philippe Sormani, chercheur senior à l’Institut des sciences sociales de l’UNIL, explique que l’engouement pour l’utilisation du numérique pour l’éducation est particulièrement élevé dans le canton de Vaud. En effet, le Département de l’enseignement et de la formation professionnelle a décidé de miser sur l’informatique. Cela concerne l’utilisation de robots en classe, mais aussi la formation des élèves à la programmation et des enseignants à l’utilisation du numérique en classe.
Les domaines de recherche afin de comprendre le développement, l’usage, l’utilité ou encore la place de ces technologies peuvent s’articuler avec de nombreuses autres thématiques. Ils peuvent s’ancrer dans la sociologie des sciences et des techniques ou dans des réflexions plus générales, comme la manière dont les technologies sont développées en concordance, ou non, avec l’écologie.
Philippe Sormani se demande aujourd’hui comment se construit la confiance envers les robots, un travail en collaboration avec la HEP Vaud à partir d’un projet soutenu par le Fonds national de la recherche scientifique dans le cadre du PNR77 Digital Transformation. Il se concentre sur trois niveaux : les interactions entre les technologies et les élèves, le développement de nouvelles expériences pédagogiques et le choix politique de développer la robotique éducative.
De nombreux domaines à couvrir
« Ce qui me passionne, c’est qu’on peut réfléchir à l’ensemble des rapports sociaux à partir de réflexions sur l’éducation et la formation », s’émerveille Farinaz Fassa. Et cela ne concerne pas seulement les jeunes, explique-t-elle : « Depuis une vingtaine d’années, on parle de life long learning, qui considère la manière de se former toute sa vie, ouvrant considérablement les possibilités de recherche. »
Fil rouge 3 : Bien vivre à l’école suisse, quelques chiffres
Les recherches explorant les leviers du bien-être à l’école sont primordiales. En effet, bénéficier d’un état général de bonne santé et d’épanouissement permet non seulement de mieux apprendre et d’obtenir de meilleurs résultats, mais aussi de développer des compétences démocratiques essentielles sur le long terme.
Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) évalue les compétences des élèves de 15 ans dans tous les pays de l’OCDE. La dernière série de tests, datant de 2018, a mis en lumière plusieurs faits relatifs à ce sujet :
- 78% des élèves en Suisse affirment que leur enseignant ou enseignante est enthousiaste pendant les cours (la moyenne se situant à 74% dans toute l’OCDE), ce qui est positivement corrélé avec leurs performances en lecture ;
- ce sont 73% qui se disent être satisfaits de leur vie (la moyenne dans l’OCDE étant située à 67%) ;
- 22% déclarent subir des cas de harcèlement au moins quelques fois par mois (23% dans l’OCDE) ;
- 11% affirment se sentir seuls à l’école, un score plus bas que les 16% moyens de l’OCDE ;
- et 3% rapportent se sentir tristes en permanence (contre 6% dans toute l’OCDE).
Cette Semaine de l’éducation et de la formation a ainsi offert la possibilité de découvrir de nouveaux questionnements, de nouvelles manières de les traiter, de valoriser les travaux et de développer des synergies de recherche. Des nécessités pour l’avancement de la science et donc pour l’amélioration de notre société.