Un doctorant de l’UNIL développe un système capable d’analyser l’anatomie individuelle d’un bassin féminin dans le cadre d’un projet dirigé par le CHUV et l’EPFL. Le but, optimiser la posture de la femme qui enfante.
Un bébé qui vient au monde se lance dans une épreuve périlleuse : traverser le bassin de sa mère. Comme une pièce dans le jeu Tetris, il se tourne dans le bon sens avant de s’engager dans l’étroit espace : un canal qui le mènera vers sa première bouffée d’air. Tout au long de sa progression, sa position est déterminante. Et celle de la femme qui le porte l’est aussi. Au point que, si l’enfant se coince, le personnel médical propose à la maman des postures susceptibles de débloquer la situation.
« Chaque obstétricien a ses habitudes. Leurs gestes peuvent varier. Mais, lorsque la femme qui accouche se tient dans un sens ou un autre, personne ne sait précisément ce qu’il se passe à l’intérieur. Avec le projet Optimac auquel je participe, nous essayons d’analyser cette mécanique pour mieux la comprendre et l’optimiser », explique Johann Hêches, doctorant à la Faculté de biologie et de médecine.
Initié en 2019, Optimac est un programme de recherche translationnelle soutenu par la Fondation Leenaards. Il est dirigé au CHUV par David Desseauve, directeur du Laboratoire de recherche obstétrique, et Julien Favre, chef du Swiss BioMotion Lab (tous deux également maîtres d’enseignement et de recherche à l’UNIL), ainsi qu’à l’EPFL par le professeur Jean-Philippe Tiran. Selon eux, ces travaux pourraient avoir des « répercussions majeures » dans le débat actuel sur la médicalisation de l’accouchement, en particulier concernant l’utilisation récurrente de la césarienne, en déplaçant l’attention vers la biomécanique obstétricale.
Freiner l’usage du bistouri
Aujourd’hui, une naissance sur trois a lieu par le biais d’une intervention chirurgicale. Cette dernière est pratiquée en cas de problème ou parfois prescrite à l’avance par les médecins, pour éviter tout risque en cas d’accouchement par voie basse. Selon le doctorant, « elle apporte pourtant aussi son lot de complications, comme des hémorragies ou des traumatismes. L’apport de notre projet pourrait aider les professionnels à déterminer s’il est légitime de choisir ou non une césarienne planifiée. »
Formé en microtechnique à l’EPFL, Johann Hêches a développé dans le cadre de ce projet un modèle statistique censé construire en direct une image de synthèse de n’importe quel bassin féminin, à partir de données récoltées à l’aide d’ultrasons. Son travail est au fondement de la création d’un futur outil destiné aux salles d’accouchement, qui promet d’indiquer aux obstétriciens des positions adaptées aux morphologies individuelles des mères et de leurs enfants. Car, souligne-t-il, « chaque bassin a une forme unique et cela a son importance ».
Caméras et sonde échographique
Dans les locaux du Swiss BioMotion Lab du CHUV, le jeune ingénieur teste en ce moment la capacité de son logiciel à modéliser correctement la ceinture osseuse d’une trentaine de patientes (non enceintes). À l’aide d’une sonde échographique, il scrute en cinq minutes un tour de hanche. Reliée à un système de caméras qui suit en temps réel sa position dans l’espace, la sonde fournit une image en trois dimensions de la surface extérieure de l’os.
Avec ces données, son modèle estime ensuite, par de savants calculs automatisés, l’anatomie interne du bassin, où se déplace l’enfant, inaccessible par simples ultrasons. « Nous pourrions observer cette zone par une IRM ou par tomodensitométrie (CT-scan). Mais l’échographie est la seule technique d’imagerie qui soit disponible dans les salles d’accouchement. Elle est aussi moins risquée et moins coûteuse. »
Plusieurs années d’attente
Mis au point au bout de deux années de travail, son modèle d’analyse est fondé sur des corrélations démontrées entre les différentes parties de la ceinture osseuse, ainsi que sur les caractéristiques de plus d’une centaine d’exemples de bassins existants, obtenues grâce à des radiographies fournies par le CHUV.
Pour l’instant, le système « a l’air plutôt prometteur », se réjouit le doctorant. Mais ce dernier doit encore prouver son efficacité. Dans quelques mois, les premiers essais avec des femmes enceintes seront menés. D’autres travaux sont également au programme, afin de prendre en compte la forme de la tête du bébé, les contractions utérines, la courbure du dos. Il faudra donc attendre plusieurs années avant de voir ce nouvel outil potentiel débarquer à l’hôpital.
Pour aller plus loin…
- Le projet Optimac dirigé par le CHUV et l’EPFL
- Le site du Laboratoire de recherche obstétrique
- Le site du Swiss BioMotion Lab
- Le site de la Faculté de biologie et de médecine