Un roman qui voyage

Rencontre avec l’écrivain sénégalais Felwine Sarr grâce au Pôle pour les études africaines à la Faculté des lettres.

Rencontre avec un écrivain sénégalais grâce au Pôle pour les études africaines à la Faculté des lettres. Felwine Sarr a codirigé en 2018 le rapport Restituer le patrimoine africain. Économiste, philosophe et éditeur, il est l’auteur du roman Les lieux qu’habitent mes rêves, qui vient de paraître chez L’Arpenteur/Gallimard.

Les premières pages du roman Les lieux qu’habitent mes rêves sontsi belles qu’il devient difficile de conserver pour ce livre une admiration absolue d’un bout à l’autre. Qu’importe : le voyage que propose Felwine Sarr vaut le détour et cette expression n’est pas seulement imagée puisqu’il s’agit de véritables va-et-vient entre l’Afrique et l’Europe à travers l’histoire de deux frères jumeaux unis par des liens indéfectibles, même si l’un s’inscrit pleinement dans son milieu d’origine au point de devenir un sage guidant sa communauté entre les écueils de la vie, alors que l’autre étudie en France et voyage en Pologne dans le sillage d’une amoureuse rencontrée à l’université.

C’est un roman qui convoque des sons, des senteurs et des images d’une manière très charnelle, même quand il évoque ces rêves qui relient Bouhel, le narrateur principal, aux êtres aimés et absents. La rythmique de Cesária Évora accompagne notre lecture, mais l’auteur cite encore d’autres musiciens au fil d’un voyage qui s’effectue avec les moyens du bord grâce à des conducteurs généreux et à des chambres prêtées, dont une cellule de moine très inspirante… et une cellule de prison à Varsovie, nettement plus angoissante. 

Quand l’amour entre Bouhel, l’étudiant africain à qui le monde sourit, et la jeune scientifique polonaise Ulga coule de source, on sent bien, à quelques indications données précédemment, que ce bonheur sera éphémère. Il ne faut pas dévoiler ici l’épisode qui fera basculer le rêve dans le cauchemar, mais l’on peut dire que malgré cet électrochoc la catastrophe absolue n’est pas l’horizon que se donne Felwine Sarr.

Renouer des liens

Entre le pur enfer d’une tragédie et l’insouciant paradis il y a de la place pour une douce sagesse dont les jeunes personnages font preuve, aidés en cela par quantité de fils dorés auxquels ils se rattachent : la musique, on l’a dit, mais aussi la littérature, la poésie, l’échange et la réflexion, voire une simple partie de pêche ou une balade à vélo. La famille, africaine ou polonaise, est aussi un élément essentiel dans leur vie pour le meilleur et pour le pire. Mais là encore, même le pire, aussi douloureux soit-il, laisse entrevoir une promesse de renouveau y compris pour le frère schizophrène d’Ulga,dont la folie elle-même n’est pas absolue négativité, comme s’il fallait pour Felwine Sarr faire feu de tout bois lorsqu’il s’agit de (re)nouer des liens par-delà les différences et même l’insondable absence.

Pour rencontrer cet auteur qui enseigne à l’Université Duke et vit actuellement aux États-Unis, deux rendez-vous sont prévus dans le cadre du cours de master de la professeure Christine Le Quellec Cottier autour de ce roman mais aussi de son essai très remarqué Afrotopia.

Le mercredi 18 mai 2022 à 10h15 : Afrotopia (2016) : discussion menée avec les étudiants et le professeur Fernand Nouwligbèto, Université Abomey-Calavi, Bénin. UNIL, Anthropole, salle 3088.

Et l’après-midi à 16h15 : Les lieux qu’habitent mes rêves (2022), roman : discussion avec les étudiants du cours «Encres noires». Espace Held à Écublens. Table ronde suivie d’un apéritif.