Michiel de Vaan a rédigé un essai dévoilant l’origine des noms des cantons suisses. En 136 pages, l’auteur rappelle la diversité linguistique de notre pays, à la confluence de plusieurs cultures.
Mais d’où provient l’appellation du canton de Vaud ? Et de Genève, du Valais, de Glaris ou de Lucerne ? Spécialiste de l’histoire des langues germaniques et romanes en Faculté des lettres de l’UNIL, Michiel de Vaan a rédigé un ouvrage pour nous éclairer sur leur terminologie. Illustré de drapeaux et de cartes, cet essai, dédié au grand public, souligne que la Suisse se situe « au carrefour de nombreuses voies de communication ».
Naviguant entre rivières, vallées et religions, ces toponymes conservent les particularités géographiques et les influences d’une époque. Avec ses 26 chapitres, Cantonophonie. De l’origine des noms des cantons suisses contient un festival d’anecdotes. Constituées d’« éléments celtiques, latins, germaniques, français et allemands », ces diverses strates se superposent au fil du temps. Avec des liens de famille insoupçonnés à la clé.
Entre arbres et eau
Pour sa part, Vaud émane du germanique wald, « forêt », probablement en référence aux bois du Jorat, qui est « apparenté à Jura et remonte à un mot gaulois signifiant « forêt » », selon l’auteur. Il en va de même pour Nidwald et Obwald. En revanche, Glaris provient d’un terme latin évoquant la « clairière ».
Pourtant, les arbres ne sont pas la seule source d’inspiration, les cours d’eau jouent un rôle essentiel dans la dénomination de lieux. Le Tessin tient ainsi son toponyme de la rivière éponyme, l’Argovie de l’Aar et la Thurgovie de la Thur, affluent du Rhône.

Mystère, mystère
Branche de la linguistique, l’onomastique étudie les noms propres, leur étymologie, leur formation et leur usage. Elle comprend la toponymie, qui s’intéresse aux noms propres de lieux, et l’anthroponymie, qui traite des noms propres de personnes. Le terme même d’onomastique vient du grec, signifiant « art de dénommer ».
Et dès l’avant-propos de Cantonophonie. De l’origine des noms des cantons suisses, Michiel de Vaan pose le cadre : « La toponymie n’est pas une science exacte et elle offre rarement des explications absolument sûres pour tous les éléments d’un nom. »
De plaine et de sel
Paradoxe pour une région de montagne, c’est la plaine qui a transmis sa dénomination au Valais. Ainsi, la vallée du Rhône « a reçu son nom actuel à l’époque romaine », soit vallis Poenina, du dieu celte Poininos, vénéré dans les Alpes valaisannes. Cette appellation sera ensuite raccourcie en vallis.
Quant à Soleure, il découle du gaulois saloduron, soit « marché au bord de l’eau » ou « marché du sel ». Mais la géographie n’est pas seule à influencer la dénomination d’un canton. La foi y trouve sa place. Appenzell est ainsi composé de Abt, « abbé », et de Zelle, « église ».
Entre cousins
Et qui sait que Genève et Gênes possèdent un ancêtre commun ? La cité du bout du lac est « l’une des premières villes apparaissant dans nos sources », relève Michiel de Vaan. On retrouve son occurrence au premier siècle après Jésus-Christ, dans le livre de Jules César, La Guerre des Gaules. Cette terminologie remonte au gaulois genu, qui veut dire « mâchoire » ou « joue », et se rapporte aux deux rives du Rhône. Il a également donné son nom à la capitale de la Ligurie, Genova.
Si « Fribourg et Neuchâtel sont relativement faciles à expliquer », avec respectivement le sens de frei « libre » et Burg « ville fortifiée » et de « nouveau château », il en va différemment pour d’autres. Certains ne se laissent pas aisément appréhender. L’origine de Berne reste par exemple incertaine. Elle découlerait du gaulois signifiant « trou, faille » ou alors du héros populaire Dietrich von Bern, mais « aucune des théories existantes n’a pu convaincre jusqu’à présent », d’après Michiel de Vaan.
Lucerne aussi joue à cache-cache. Il proviendrait d’un terme latin désignant un « lieu où l’on trouve des brochets » ou une « nasse à brochets ». Le conditionnel est toutefois de mise. Comme quoi les cantons ont encore quelques secrets bien gardés…
Cantonophonie. Sur l’origine des noms des cantons suisses, Michiel de Vaan, Presses inverses, 2025.