La gymnastique, symbole de la complexité de la Suisse

Dans sa thèse de doctorat à paraître aux éditions Alphil, Gil Mayencourt s’intéresse à à la Société fédérale de gymnastique.

Dans sa thèse de doctorat à paraître aux éditions Alphil en mai, Gil Mayencourt s’intéresse à cette pratique physique, régulièrement envisagée comme « typiquement helvétique », ainsi qu’à son rôle dans la construction de notre imaginaire national et de l’État fédéral de 1848.

Historien et enseignant au gymnase, Gil Mayencourt, de l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne (ISSUL), publie le résultat des recherches qu’il a menées entre 2019 et 2023. Intitulé Faire nation en faisant de la gymnastique, son ouvrage – sous-titré Une histoire culturelle et sociale de la Société fédérale de gymnastique (1853-1914) – s’inscrit dans le cadre d’un projet du Fonds national suisse (FNS). Et il résonne avec l’actualité puisque du 12 au 22 juin Lausanne accueillera la septante-septième édition de la Fête fédérale de gymnastique. « Forte de plus de 350’000 membres, la Fédération suisse de gymnastique (FSG) est aujourd’hui l’une des plus importantes associations sportives du pays. Et nous sommes les seuls en Europe à avoir conservé ce type de fêtes nées au XIXe siècle », détaille le chercheur.

À l’époque, pour nombre de gymnastes romands ces manifestations constituaient une occasion exceptionnelle de franchir la Sarine et de rencontrer leurs voisins germanophones et italophones. Les conflits linguistiques ne datant pas d’hier, « ces grandes fêtes fédérales participent à l’invention d’un roman national commun et à l’unification de la Suisse », souligne-t-il.

Une loi militaire

Mais les choses ne s’arrêtent pas là : en 1874, une loi militaire rend la gymnastique obligatoire pour tous les garçons de 10 à 20 ans. « Une manière de les préparer au service militaire », relève-t-il. Ce lien avec l’armée et le pouvoir central perdure, la gymnastique demeurant la seule branche dépendant de la Confédération et non des cantons. Sur tout le territoire helvétique, les enfants devraient en pratiquer trois périodes hebdomadaires. Si cette règle est observée avec plus ou moins de zèle suivant les régions, on retrouve les mêmes engins (anneaux et autres barres parallèles) dans toutes les salles, d’Aigle à Zernez.

Autre changement majeur : désormais, les leçons incluent aussi les filles. Exclusivement masculine, la Société fédérale de gymnastique (SFG) fusionne quant à elle avec l’Association fédérale féminine en 1985, alors que les premières sociétés gymniques dites « de dames » apparaissent en Suisse vers 1890.