« C’était fou comme expérience. Inattendu »

Organisé par « L’auditoire », le Prix de la Sorge a sacré Chloé Leresche, étudiante de première année en Faculté des lettres. Portrait.

Organisé par L’auditoire, le Prix de la Sorge a sacré Chloé Leresche, étudiante de première année en Faculté des lettres, pour sa nouvelle sur la Première Guerre mondiale. Portrait d’une amoureuse des mots, réservée et passionnée.

Un vieil homme déambule dans un cimetière, à la recherche de la tombe de son ami, tombé au combat. Enfermé dans cet espace-temps, le personnage principal croise la compagne de ce camarade, qui le guide parmi les sépultures. Telle est la trame de la nouvelle Dix-sept de Chloé Leresche, lauréate du Prix de la Sorge 2024. « Je suis vraiment honorée d’avoir gagné. Je ne m’y attendais pas du tout. »

La voix est douce, discrète. Comme elle. « C’était fou comme expérience. Inattendu. C’est une très bonne surprise. » L’étudiante de première année en Faculté des lettres à l’Université de Lausanne (UNIL) a reçu sa récompense lors d’une cérémonie à La Grange, le 27 novembre. Elle reste toutefois très modeste. « Si je n’avais pas été sélectionnée, je n’aurais pas été déçue, avoue-t-elle. Je me disais qu’il y avait des personnes plus expérimentées. »

« Prendre la vie avec légèreté »

Naturellement, elle a une pensée pour les deux autres étudiants récompensés. « Leurs extraits m’ont vraiment impressionnée. C’était de grande qualité. » De cette remise de prix, elle déclare qu’elle était « géniale », qu’elle a beaucoup apprécié la chanteuse et remercie les organisateurs.

Dans ses yeux bleus, la gêne reste pourtant palpable. « C’est un peu le syndrome de l’imposteur. » D’ailleurs, face à la proposition de se décrire en quelques adjectifs, elle hésite, ose quand même : artistique, timide, sociable et optimiste. « J’aime prendre la vie avec légèreté et j’aime apporter du positif dans la vie de l’autre. »

De la lumière à l’Apocalypse

Sa nouvelle, elle l’a rédigée dans l’urgence. « J’ai commencé le lundi, alors que le délai était fixé au mercredi. Du coup, je n’ai pas beaucoup dormi », rit-elle. Et, petite anecdote, elle a jeté ses premiers mots sur le papier le jour même de ses 19 ans, le 11 novembre.

La thématique du soldat errant dans un cimetière lui est venue après un cours d’histoire à l’UNIL sur les disparus de la Première Guerre mondiale. « C’est cette vision du fond du trou avec la lumière en haut et l’Apocalypse, où il y a juste la mort qui nous attend, que j’ai trouvée très marquante. »

Cette étudiante en français moderne, histoire et anglais a déjà participé à plusieurs concours littéraires. « J’essaie d’en faire un maximum. Cela me donne un cadre, une date limite. J’aime beaucoup ça. » Elle avait d’ailleurs participé, trois ans d’affilée, à celui organisé au sein de son gymnase et a gagné la dernière année.

Une « jolie plume »

Le texte de Chloé Leresche a fait l’unanimité auprès du jury. « C’est celui qui avait le plus de qualités. Une très belle nouvelle sur la mémoire, le rapport au temps. Elle était bien structurée. Une jolie plume », relève Alice Côté-Gendreau, corédactrice en chef de L’auditoire, journal des étudiants et étudiantes de Lausanne, qui organisait le Prix de la Sorge.

Le deuxième prix a été remis à Romain Toulze, étudiant en Faculté des sciences sociales et politiques. Un texte lui aussi sur le temps et la mémoire, évoquant une femme âgée aimant danser. « On y trouve des descriptions magnifiques sur la musique et le rythme », précise Alice Côté-Gendreau.

Le troisième prix récompense Louis-Noé Burnat, étudiant en Faculté de biologie et de médecine. « Il a un ton un peu différent, avec une touche d’humour. Il parle d’un jeune homme qui peine à se lever et découvre qu’il a perdu son seul ami. »

Cinquante-cinq manuscrits ont été reçus. « C’est davantage que les années précédentes, constate Alice Côté-Gendreau. Le thème « tourner en rond » a parlé aux gens. Beaucoup évoquaient le vide, la dépression. »

Les textes primés sont à découvrir dans leur version intégrale sur le site de L’auditoire. Des extraits, avec des commentaires du jury, paraîtront dans l’édition papier de décembre. Lancé en 1995, le Prix de la Sorge fêtera ses 30 ans en 2025.

Un projet de roman

Mais la timidité de Chloé Leresche ne va pas sans volonté. Pour la suite, la jeune femme a déjà des idées précises. Ses yeux s’animent, brillent. La voix s’affirme. « J’aimerais sortir un livre. C’est un peu mon ambition », lance-t-elle.

Dans un tiroir dort un projet de roman. « C’est compliqué de s’y mettre après les cours, quand on rentre, de se poser devant son ordinateur et de se concentrer. Depuis la rentrée universitaire, je n’y ai pas touché. » Cette passionnée de littérature dystopique, de dessin et d’équitation joue également de la flûte dans un orchestre.

Gagner en qualité

C’est vers 12 ans qu’elle a commencé à écrire avec deux amies. « Pour s’amuser. » Avant de poursuivre plus sérieusement. « J’ai effectué mon travail de maturité sur l’écriture. Cela m’a permis de gagner en qualité. Ma prof m’a beaucoup conseillée. »

Dans cinq ans, elle se voit, master en poche, à la HEP, tout en continuant à rédiger. Et si elle doit prodiguer un conseil, c’est celui de participer à des concours littéraires. « En se forçant à y prendre part, on progresse. Cela peut porter ses fruits et permettre d’avoir un retour sur son travail, recommande l’étudiante. J’aimerais encourager ceux qui ne le font pas à essayer. »

Fondé en 1982

Constitué d’un comité de huit étudiants et étudiantes, dont deux corédactrices en chef, L’auditoire appartient à la Fédération des associations d’étudiant·e·x·s. Le journal existe depuis 1982 et tire à quelque 1600 exemplaires, à raison de six parutions par an. « Pour ma part, cela représente un 20% par semaine environ, calcule la corédactrice en chef, Alice Côté-Gendreau, qui effectue en parallèle un Master en criminologie à l’UNIL. Cela représente beaucoup de travail. »