En Faculté des lettres, des dizaines de bases de données s’appuient sur un outil conçu en interne. Ce dernier peut être apprivoisé par des chercheuses et des chercheurs qui n’ont pas forcément la passion de l’informatique, mais qui souhaitent enrichir leurs recherches et en diffuser les résultats.
Un portail iconographique consacré à la vie culturelle a été récemment ouvert par le Centre des littératures en Suisse romande (lire l’article). Au début de l’été, l’équipe de la professeure Marta Caraion a verni la base de données « Objets et littérature », qui met en valeur les liens entre la culture matérielle et la fiction. Des milliers de photographies historiques sont consultables sur « Paysages Vevey », piloté par l’archéologue Cédric Cramatte. Ces sites, accessibles à tous, ont pour caractéristique commune, en coulisses, de recourir à Catima (pour « Catalogues d’images »). Un outil né, maintenu et développé au sein de la Faculté des lettres.
« Catima a été conçu dans l’idée de permettre aux chercheuses et chercheurs de notre faculté de créer et gérer eux-mêmes des bases de données. Comme pour les trois exemples cités plus haut, ces dernières ont de plus la possibilité d’être dotées de sites web compagnons, dans le but d’assurer leur valorisation auprès de différents publics », résume Céline Restrepo Zea, responsable du Service infrastructure enseignement et recherche. « L’outil peut être pris en main par des scientifiques qui n’ont pas d’intérêt particulier pour les questions informatiques, mais qui, en se l’appropriant, acquièrent des compétences en gestion des données », complète sa collègue Nadia Spang Bovey, prestataire chaîne de traitement 3D. Aujourd’hui, une septantaine de bases de données recourent à Catima à l’Unil, principalement en lettres.
« Solution audacieuse »
L’histoire de la naissance de Catima est celle d’un sauvetage. Il y a une dizaine d’années, Viatimages – qui contient de nombreux documents au sujet de l’histoire des voyages dans les Alpes – fut frappée d’obsolescence technique. Fruit d’un important travail, cette base de données très utilisée allait-elle disparaître? « Le décanat de l’époque a opté pour une solution audacieuse, c’est-à-dire de la rebâtir dans un nouvel outil qui, ensuite, pourrait être proposé aux autres chercheuses et chercheurs de la faculté afin de répondre à leurs besoins », se souvient Nadia Spang Bovey. Viatimages était riche en iconographie, ce qui a donné à Catima son orientation vers l’image, notamment dans sa logique d’affichage. Mais il est également possible de traiter du texte ou d’autres objets grâce à l’outil, conçu alors en collaboration avec Christian Kaiser, maître d’enseignement et de recherche à la Faculté des géosciences et de l’environnement.
Aujourd’hui, un développeur informatique, Luca Guidani, est responsable des aspects techniques de Catima au Service infrastructure enseignement et recherche. Le système s’appuie sur le langage de programmation Ruby on Rails. Cette internalisation assure sa pérennité. « Il s’agit sans doute d’une particularité de la recherche en lettres, explique Céline Restrepo Zea. Les données produites, parfois en lien avec des collections patrimoniales, doivent pouvoir être mises à disposition d’autres scientifiques et du public à long terme, et notamment bien au-delà de la durée du financement des projets de recherche. » Un moyen d’éviter de perdre corps et biens des catalogues créés par des personnes qui ont aujourd’hui quitté l’Unil, mais dont le travail demeure utile.
Ce n’est pas un affront d’affirmer qu’en lettres tout le monde n’a pas l’informatique dans le sang. L’outil offre donc « une couche d’abstraction », c’est-à-dire que son interface d’administration « cache » la technique. Cela implique que « Catima ne peut pas tout faire, note Céline Restrepo Zea. Mais la création d’une base de données, même à titre d’essai, est rapide. » Au début d’un travail de master ou d’une thèse, une étudiante ou un étudiant pourrait ainsi tester l’outil, pour voir s’il convient – ou non – pour recueillir et exploiter ses données.
Modèles en 3D
Cette facilité de prise en main possède un autre avantage. Nadia Spang Bovey a observé que des chercheuses et des chercheurs avaient joué le jeu, au point que l’utilisation de l’outil a enrichi leurs travaux de nouvelles questions, sans les forcer à se plonger dans du code informatique. Toutefois, des développements techniques ad hoc peuvent être demandés, si une recherche l’exige.
Catima est entre autres capable d’afficher des modèles en 3D ou des cartes. Cette fonctionnalité a été utilisée pour « Paysages Vevey ». En cherchant par exemple la rue du Torrent via un onglet, on découvre sa position dans la ville et, juste en dessous, une galerie d’une trentaine de photographies des lieux. Des liens permettent de naviguer par époque, par photographe ou par quantité d’autres entrées. Ces moyens de valoriser les données n’attendent que l’imagination des chercheuses et des chercheurs pour se déployer.