Unisanté teste un vaccin contre le Covid

Un nouveau candidat-vaccin contre le Covid-19 est étudié par Unisanté, en collaboration avec le CHUV. Reportage.

L’étude clinique d’un nouveau candidat-vaccin contre le Covid-19 a commencé à Lausanne. Ces essais, menés par Unisanté, en collaboration avec le CHUV, retiennent l’attention des médias. Reportage.

D’un geste délicat, le médecin Maxime Karlen plante sur le bras d’un jeune homme l’extrémité d’une seringue à microaiguilles, imperceptibles à l’œil nu. Il injecte un liquide brun foncé. « Comment ça va ? » demande le praticien après quelques secondes. « Une petite sensation de brûlure. Maintenant elle est passée », répond Julien Oppliger, 19 ans, face à l’objectif de notre photographe et à la caméra d’une journaliste de l’agence Reuters TV.

Ce liquide, nommé « PepGNP-Covid19 », est un nouveau candidat-vaccin contre le Covid-19, en cours d’étude, à Lausanne. L’injection, effectuée ce matin-là dans une chambre du bâtiment Bugnon 19, s’inscrit dans le cadre des essais cliniques de phase I, menés depuis le 10 janvier par Unisanté, en collaboration avec le Centre de recherche clinique et le Service d’immunologie et allergie du CHUV. Le but : vérifier, sur mandat du développeur, l’entreprise britannique Emergex Vaccines, que le produit n’induit pas d’effets indésirables graves.

À l’aide d’une seringue à microaiguilles, le médecin Maxime Karlen inocule le vaccin à l'étude dans la peau du participant. © Félix Imhof / UNIL
À l’aide d’une seringue à microaiguilles, le médecin Maxime Karlen inocule le vaccin à l’étude dans la peau du participant. © Félix Imhof / UNIL
Recrutement facile

Allongé dans le lit médical, le participant « vacciné » attend sa première évaluation de santé, une heure plus tard. Première d’une longue série de contrôles à venir durant les six mois suivants. La journaliste de Reuters TV en profite pour l’interroger. A-t-il des craintes quant aux effets indésirables ? « Je ne suis pas particulièrement inquiet. La technologie utilisée a déjà été testée pour un vaccin contre la dengue et je suis jeune et en bonne santé, donc je suis prêt à prendre ce petit risque. Pour moi il est important que nous développions de nouveaux vaccins. »

Julien Oppliger, désormais « vacciné », attend son évaluation de santé. © Félix Imhof / UNIL
Julien Oppliger, désormais « vacciné », attend son évaluation de santé. © Félix Imhof / UNIL

À l’image de cet étudiant en médecine, de nombreuses personnes se sont portées volontaires. « Le recrutement a été facile. Les gens sont touchés par la situation », affirme Juliette Besson, médecin assistante au sein du groupe de recherche.

Si ce candidat-vaccin attire l’attention, notamment celle des médias, c’est qu’il est présenté comme potentiellement efficace contre de futurs variants, moins sensibles à l’ARN messager. Il protégerait également à plus long terme contre la maladie.

Blaise Genton, directeur de l’étude clinique, répond aux questions d’une journaliste de l’agence Reuters. © Félix Imhof / UNIL
Blaise Genton, directeur de l’étude clinique, répond aux questions d’une journaliste de l’agence Reuters. © Félix Imhof / UNIL
Un patch à venir

Contrairement aux vaccins actuels, qui stimulent la production d’anticorps, celui-ci mise sur l’immunité cellulaire. Celle qui permet à nos globules blancs d’éliminer les cellules infectées par le virus pour éviter qu’il ne se réplique. PepGNP-Covid19 s’injecte dans le derme, soit la couche superficielle de la peau. Ce mode d’injection engendrerait une meilleure réponse immunitaire. L’objectif d’Emergex Vaccines est de développer un patch, pourvu de microaiguilles de moins d’un millimètre de profondeur.

Menée en double aveugle, cette étude comprend 26 participants répartis en deux groupes de 13 qui recevront un dosage différent. Au total, six personnes n’auront qu’un placebo. Les premiers résultats sont attendus en juin 2022. Si les essais cliniques se montrent satisfaisants, le vaccin d’Emergex sera disponible au plus tôt en 2025.

© Félix Imhof / UNIL
© F.Imhof / UNIL
Trois questions à Blaise Genton

Professeur de médecine tropicale à l’UNIL et directeur des essais cliniques de phase I sur le PepGNP-Covid19.

En quoi consiste l’innovation du vaccin que vous testez actuellement ?

Ce produit contient des peptides synthétiques, c’est-à-dire des fragments de protéines du virus. Fusionnés à des nanoparticules d’or, ils se lient une fois dans la peau à certaines cellules nécessaires à la réponse contre la maladie. En ne ciblant pas uniquement la protéine Spike, nous espérons avoir un éventail plus large de réponses et ainsi protéger plus efficacement contre les futurs variants.

Comment se fait-il qu’Emergex Vaccines vous ait mandatés pour effectuer ces essais cliniques ?

Elle nous a approchés car elle avait besoin de notre expérience dans le travail en urgence. En 2015, nous sommes parvenus à obtenir en trois mois, sur demande de l’OMS, des résultats pour un vaccin contre le virus Ebola. Emergex nous a d’abord proposé de tester leur technologie contre la fièvre dengue. Les essais sont aujourd’hui à bout touchant. Puis l’idée est venue de faire de même avec le Covid.

Quel est l’intérêt pour Unisanté de tester un vaccin produit par une entreprise britannique ?

Améliorer notre compréhension des mécanismes des maladies infectieuses et du fonctionnement des vaccins, participer à l’effort de santé global. Le but de ces essais est d’élargir l’arsenal de lutte contre les maladies infectieuses, et en particulier le Covid-19. En cas d’échec pour protéger contre le Covid, nous aurons participé à l’élaboration d’une plateforme qui pourrait nous faire gagner du temps lors de l’émergence d’un prochain virus. C’est notamment ce qu’il s’est passé pour la technologie de l’ARN messager, qui avait été développée pour lutter contre d’autres virus.

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