Ahmed Ajil recevra le Prix de la Société académique vaudoise le 3 juin prochain pour sa thèse sur la mobilisation dans le monde arabe à la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique de l’UNIL. L’occasion pour l’uniscope de retracer son parcours empli de rencontres.
« Aucun livre ne peut compenser l’expérience pratique », résume Ahmed Ajil en parlant de la trajectoire que prend sa vie. Né au Koweït, annexé autrefois par l’Irak, il est arrivé en Suisse « un peu par hasard » avec ses parents lorsqu’il avait 3-4 ans, suivi par son petit frère et la naissance du troisième. Il reste en Suisse lors de son enfance et son adolescence, mais son appétit pour la mobilité montre le bout de son nez lors de ses études : séjour en Espagne durant son bachelor, master en Angleterre, puis une année en Jordanie pour travailler dans des ONG. Il y met notamment en place des curriculums sur la créativité et travaille avec des réfugiés irakiens et syriens.
De retour en Suisse, son intérêt pour les questions traitant de la délinquance se dépeint dans ses doutes : rejoindre la police ou faire un Master en sciences criminelles ? Les deux n’étant pas conciliables, il choisit l’Université de Lausanne. Le terrain reste sous ses semelles : il complète une partie de cette formation à Montréal.
Rencontrer afin de mieux saisir
Se déplacer, écouter et dialoguer semblent faire avancer sa curiosité intellectuelle :
« Nous parlons beaucoup à propos des gens, mais pas assez avec eux. »
C’est dans cet esprit qu’Ahmed Ajil commence un doctorat à l’Université de Lausanne. Il souhaite comprendre les causes profondes de la mobilisation pour des conflits dans le monde arabe, entre autres pour le djihad, en parlant directement aux premiers concernés. Il demande à ces personnes, principalement des hommes, pourquoi et comment ils décident de s’engager de manière non violente ou violente, une mobilisation qui parfois débouche sur des actes terroristes. Sa porte d’entrée analytique se situe au sein du sentiment d’injustice : en rencontrant ces personnes, le chercheur se rend non seulement compte que cet état d’esprit est très présent chez eux, mais aussi que les recherches dans le domaine se concentrent très généralement sur les idéologies en marginalisant les autres phénomènes. Pour saisir davantage les enjeux traités dans la thèse d’Ahmed Ajil, l’uniscope en a déjà parlé dans un podcast et il en parle lui-même dans sa vidéo filmée lors de « Ma thèse en 180 secondes ».
Démêler les phénomènes
Afin de récompenser cette thèse, le Prix de la Société académique vaudoise (SAV) est décerné à Ahmed Ajil pour son apport à notre société. Ses travaux permettent non seulement d’informer les débats en apportant des nuances, du vocabulaire enrichi et des informations complémentaires, mais ils permettent aussi de mieux penser les mesures de prévention contre le terrorisme, qui peuvent parfois se montrer contre-productives.
Aujourd’hui, Ahmed Ajil a de nombreux projets. Il s’intéresse aux violences étatiques, « souvent minimisées en sciences criminelles au profit de la délinquance individuelle », ainsi qu’aux pratiques de prévention. Sa thèse sortira en septembre 2022 de manière adaptée sous forme de livre intitulé Politico-ideological Mobilisation and Violence in the Arab world aux éditions Routledge. Il attend des financements pour poursuivre ses recherches dans un postdoctorat. « Le milieu académique est de plus en plus compétitif. Recevoir ce prix me donne de la motivation pour continuer », conclut Ahmed Ajil.