Prendre soin de son sommeil pour améliorer la santé de son appareil circulatoire. Oui, mais comment ? Des chercheurs de l’UNIL et du CHUV, en collaboration avec des scientifiques français, proposent une méthode simple et plus accessible.
D’une personne à l’autre, la définition d’un « bon sommeil » varie. Tandis que certains se contentent quotidiennement d’une nuit de cinq heures, d’autres au contraire ont besoin d’une sieste s’ils dorment moins de huit heures. Alors entre carburer au café et se coucher au rythme du soleil, comment savoir si notre repos est suffisant pour nous mettre à l’abri de potentiels accidents cardiovasculaires ?
À l’issue d’une étude publiée fin octobre dans le European Heart Journal, sur le lien entre sommeil et maladies cardiovasculaires, des chercheurs de l’UNIL, du CHUV et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale de Paris ont identifié cinq caractéristiques, facilement vérifiables, qui impactent de manière conséquente les risques d’accidents cardiovasculaires. « Ce sont cinq marqueurs qui couvrent le spectre du sommeil. Jusqu’ici ils avaient été étudiés de manière indépendante », explique Pedro Marques-Vidal, professeur ordinaire à la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL (FBM), cadre dans le service de médecine interne et collaborateur au Centre du sommeil du CHUV. Pour protéger notre santé, il faudrait donc veiller sur ces cinq composantes : la durée de sommeil chaque nuit, la somnolence diurne excessive, les apnées du sommeil, la fréquence des insomnies et le chronotype (le fait d’être du matin ou du soir).
La check-list du sommeil
Pour certains marqueurs, « notre étude a confirmé ce qu’on savait déjà, détaille le spécialiste. Dormir moins de sept heures par nuit, avoir des apnées ou se sentir somnolent durant la journée, on sait que ce n’est pas bon. Et nos résultats le prouvent en attestant du lien avec le risque d’accidents cardiovasculaires. » Mais d’autres marqueurs se révèlent, au contraire, plus surprenants : « J’avoue que je n’aurais pas parié un centime sur le chronotype, admet le chercheur. Mais nous avons découvert qu’il est réellement plus sain d’être du matin. C’est le signe d’un repos plus efficace. » Ce résultat le réjouit : « Tant mieux, car c’est une donnée facile à recueillir. Généralement les gens savent s’ils sont du matin ou du soir. » En plus, il s’agit d’une caractéristique que l’on peut modifier : « En allant au lit tôt, tous les jours à la même heure, notre horloge biologique se synchronise. »
Pedro Marques-Vidal rassure toutefois : « Un sommeil sain est un sommeil qui, sur ces cinq composantes-là, en a le plus possible. On ne demande pas de les respecter toutes, car cela reviendrait à devenir plus royaliste que le roi. En améliorer une, c’est déjà bien. » D’ailleurs, parmi les sujets de l’étude, peu pouvaient se vanter de les cocher toutes.
Cette étude avait aussi pour but de faciliter l’étude du sommeil, en se penchant sur l’identification de marqueurs simples et faciles à obtenir. « Utiliser un appareillage en polysomnographie permet de recueillir des données très détaillées, mais c’est un processus contraignant », explique Pedro Marques-Vidal. D’une part, les cliniques ou les équipes de recherche n’ont pas forcément le matériel nécessaire à la mise en place d’un tel dispositif. D’autre part, l’expérience est aussi conséquente pour les sujets. « Ils doivent revêtir une véritable chevelure de câbles, illustre le chercheur. Et doivent parfois garder le dispositif plusieurs jours. »
Le sommeil, un état aux dimensions multiples
Lorsqu’on étudie le sommeil, des règles précises régissent sa délimitation avec l’éveil. Face à des patients souffrant d’insomnies ou d’apnées, les médecins se fient aux données fournies par l’hypnogramme et les interprètent selon des règles prédéfinies. Mais que se passerait-il si la frontière entre sommeil et éveil n’était finalement pas aussi nette qu’on l’imagine ?
Les recherches du groupe d’Anita Lüthi, professeure associée au Département des neurosciences fondamentales de l’UNIL, sont en train de remettre en question ce postulat. Dans des études publiées en 2017 et en 2021, le groupe identifiait chez la souris différents niveaux d’éveil en lien avec une activation cardiaque, pendant le sommeil. Dormir serait ainsi davantage un état de déconnexion de l’environnement que le contraire absolu de l’éveil. La clé de cette découverte majeure ? Le locus cœruleus (LC), soit un petit noyau situé dans le tronc cérébral et qui constitue la principale source de transmission noradrénergique. « Le LC, c’est un peu notre système de haute vigilance pendant l’éveil, explique Anita Lüthi. Quand nous sommes surpris ou stressés durant la journée, c’est lui qui libère la noradrénaline. Notre découverte est surprenante, car elle montre que cette structure est également active pendant le sommeil et détermine les niveaux d’éveillabilité en coordonnant le cerveau et le cœur. »
Récemment, un groupe de recherche zurichois travaillant au développement de nouvelles techniques de mesures neuronales a confirmé, en appliquant les analyses développées par le groupe d’Anita Lüthi, la pertinence de ces résultats chez l’homme, grâce à une recherche menée sur la taille de la pupille humaine. « Cette étude augmente la pertinence translationnelle du sommeil chez le rongeur, se réjouit Anita Lüthi. Et pose des questions pertinentes pour le sommeil humain et les divers troubles qui peuvent en découler. »
Pour aller plus loin :
- L’article scientifique résumant la recherche sur la taille de la pupille est disponible en prépublication.
- Les articles scientifiques publiés en 2017 et en 2021 par le groupe de recherche d’Anita Lüthi.