Plus un sujet est jeune, plus les initiatives visant à modifier ses actions en faveur de l’environnement sont efficaces. C’est ce qu’une équipe internationale menée par des chercheuses et chercheurs de l’UNIL, dont Fabrizio Butera, vient de mettre en évidence dans un article, paru dans le Journal of Environmental Psychology. Cette publication sera suivie de plusieurs autres plus tard dans l’année.
Comment avez-vous eu l’idée de vous intéresser aux enfants dans ce contexte ?
Fabrizio Butera : Nous travaillons depuis longtemps sur l’éducation et les changements de comportement ; nous avons réalisé que dans le domaine environnemental les recherches portaient presque exclusivement sur les adultes.
Cela paraît logique puisque ce sont eux qui consomment, achètent, investissent et polluent…
C’est rationnel, mais il y a un problème : ces études démontrent que l’on ne parvient à produire que de petites modifications en agissant sur des sujets majeurs. En outre, on ignore si elles durent dans le temps.
Comment cela s’explique-t-il ?
La difficulté de changer ses habitudes (de manger de la viande à utiliser sa voiture en passant par préférer l’avion pour partir en vacances) ressort de nombreux travaux. À ces routines s’ajoutent des idéologies politiques qui constituent des obstacles supplémentaires. On se dit par exemple que consommer est une bonne chose ou que la croissance est positive pour l’économie.
Autant de freins que les enfants n’ont pas ou pas encore…
En effet, c’est ce qui nous a amenés à nous intéresser à eux. D’ici quelques années, ils devront en outre gérer la situation que nous leur laissons ! Notre projet, financé par le FNS, compte en réalité plusieurs études. La première, qui vient d’être publiée, dresse un état des lieux de la littérature. Elle recense toutes les enquêtes ayant un dispositif visant à changer les comportements des enfants.
Un travail de titan !
Il n’existe en fait qu’une soixantaine d’études impliquant quelque 20’000 enfants, alors que pour les adultes il y en a près de trois millions ! Autrement dit, la recherche n’a guère investi ce champ, cela nous a indiqué qu’il y avait quelque chose à faire.
Cela aurait aussi pu signaler qu’il est inutile d’essayer d’impliquer les plus jeunes…
Oui, mais ce n’est pas le cas. À vrai dire, nous ne nous sommes pas contentés de recenser le matériel, nous avons réalisé une méta-analyse. Nous avons mesuré les effets que chaque étude a révélés avant et après une intervention et estimé s’ils étaient infimes ou intéressants. Et nous avons découvert qu’elles produisent des changements appréciables chez les enfants.
Leur âge importe-t-il ?
Absolument, les interventions deviennent moins efficaces à mesure qu’ils grandissent. Pour les amener à adopter des comportements plus verts, il faut commencer tôt, cela marche mieux quand ils sont plus jeunes.
Quels types d’interventions étaient étudiés ?
Deux catégories sont particulièrement intéressantes. La première, qui cible l’éducation à l’environnement réalisée en milieu scolaire ou en camp de vacances – éducation en forêt, jeux de rôles, notamment – comprend une quarantaine de travaux. La seconde s’intéresse aux dispositifs où s’exerce une pression sociale, qu’il s’agisse de suivre un exemple, un modèle ou de répondre à une norme descriptive, comme savoir ce que font leurs camarades. Ce dernier type de stratégie marche bien. Cela nous rappelle que, en tant qu’adultes, notre fonction de modèle est importante.
L’ennui, c’est qu’il faut agir maintenant, on ne peut guère attendre 20 ans pour que cette génération prometteuse arrive aux commandes…
Vous voyez le verre à moitié vide ! À l’inverse, on peut se féliciter que ces jeunes soient prêts à découvrir et mettre en pratique de nouvelles manières de faire. Par ailleurs, plusieurs études ont montré aussi que les enfants peuvent influencer leurs parents. Ils ramènent chez eux ce qu’ils apprennent à l’école, ce qui les transforme à leur tour en prescripteurs. Ils sont tout à fait capables de dire que cet été ils préfèrent prendre le train pour aller en vacances, de participer à un vide-grenier ou à un vide-dressing, de recycler les objets au lieu de les jeter… Autant de messages que les parents partageront ensuite lors de leurs interactions avec leurs proches. De quoi créer un cercle vertueux…
Vous vous êtes aussi intéressés à ce type de phénomène ?
Nous avons effectivement testé certains faits issus de l’article que nous évoquons aujourd’hui. Nous avons notamment réalisé une vaste étude longitudinale dans une centaine de classes vaudoises et genevoises sur un an. Elle devrait être publiée cette année, ainsi qu’une autre, qui est en cours de révision. Ce n’est donc qu’un début.
L’article complet paru dans le Journal of Environmental Psychology.