Le professeur Grégoire Zimmermann a corédigé un manuel pour mieux comprendre cette période entre le monde de l’enfance et celui de l’âge adulte. Un livre qui déconstruit certaines croyances et certaines certitudes.
« Si vulnérable et si riche. » Tissée de fragilité et d’opportunités, d’émancipation et de contestation, l’adolescence représente une terre de maturation pour celles et ceux qui la traversent. Un renversement de paradigme où les amis prennent le pas sur les parents, où la prise de risques est courante, où la souffrance guette au tournant.
Le développement de l’adolescent. Défis identitaires et construction de soi décortique cette phase qui s’étend de 10 à 24 ans. En 11 chapitres, l’ouvrage aborde notamment les thèmes de la révolution numérique, de la sexualité, du rapport aux pairs, aux parents et à l’école. Corédigée par Christine Cannard, ingénieure de recherche à l’Université Grenoble-Alpes, et Grégoire Zimmermann, professeur ordinaire à l’Institut de psychologie et membre du Centre de recherche sur la famille et le développement de l’Université de Lausanne (Unil), cette quatrième édition est l’occasion de rappeler qu’il s’agit d’une notion récente. Celle-ci a été étudiée à partir du tournant du XXe siècle seulement, grâce à l’Américain G. Stanley Hall.
Émaillé de témoignages de jeunes gens, d’infographies, de QR codes pour en apprendre davantage, ce manuel présente les connaissances actuelles sur la question de manière pluridisciplinaire. Pour éclairer celles et ceux qui gravitent dans ce monde sans mode d’emploi.
C’est la faute à Rousseau
L’adolescence s’accompagne d’une « plasticité développementale inattendue », pourvue d’une flexibilité cognitive en progression. Dans ce temps de transformation morphologique et psychique, le corps occupe « une place essentielle à la croisée de l’intime et du relationnel », observe le livre. Ce corps qui se modifie et s’éveille, devenant ami ou ennemi, participe de la construction identitaire. Quelquefois, il mène à des déficits en sommeil, à des troubles alimentaires, au dégoût de soi. Des phénomènes accentués par l’usage des écrans, quasi-prolongement de la jeune génération, qui doit louvoyer entre pression numérique et changement climatique.
Dans ce contexte, entre adultes et ados la communication peut s’avérer difficile. Rousseau évoquait même une « orageuse révolution » et un « lion dans sa fièvre » dans Émile ou de l’éducation. Depuis, cette perception négative a perduré et fait redouter le pire. Pourtant, l’ouvrage bat en brèche cette affirmation. L’adolescence « ne mérite pas la triste réputation qui la caractérise et ne saurait être réduite à une phase de tensions systématiques », soulignent les deux psychologues.
De la démocratie, sinon rien
Que les adultes se rassurent donc. Les conflits ne sont pas le lot quotidien. Les parents ne sont pas non plus forcément mis sur la touche. Au contraire, ils peuvent jouer un rôle important. Qu’ils soient de type permissif, autoritaire ou démocratique, ils influencent le rapport aux études et le bien-être de leur progéniture. « Le style parental démocratique apparaît comme le plus profitable au développement », précisent d’ailleurs les scientifiques. Le fait de contrôler et surveiller toujours davantage les activités de l’adolescent ou de l’adolescente se révèle souvent contre-productif. Cette « intrusion dans leur intimité » est mal vécue. Car impliquer, c’est autonomiser et augmenter le « sentiment de compétence ». L’adolescence ne distend pas la relation avec les parents, elle la transforme, la menant à un « remaniement ».
Ces 11 chapitres permettent de plonger au cœur de cette période que d’aucuns franchissent sans écueil, alors que d’autres boivent la tasse. Car il n’y a pas une adolescence, mais des adolescences. Une pluralité d’individualités en chemin vers l’âge adulte.
Passer la main
Avec la dernière version du Développement de l’adolescent. Défis identitaires et construction de soi, Christine Cannard, docteure en psychologie, prend sa retraite et transmet le flambeau à Grégoire Zimmermann, professeur ordinaire à l’Unil. « J’avoue ne pas avoir mesuré, au moment d’accepter, l’ampleur de l’aventure éditoriale et rédactionnelle dans laquelle je m’engageais, écrit le chercheur dans les remerciements. Je me suis souvent surpris à me demander comment elle avait pu, seule, mener à bien les trois premières éditions… avec autant de rigueur, de constance et de générosité. C’est donc un honneur d’avoir pu humblement contribuer à cette quatrième édition. »
Le développement de l’adolescent. Défis identitaires et construction de soi, Christine Cannard et Grégoire Zimmermann, De Boeck Supérieur, 2025
