La RTS, 75 ans de débats et une rétrospective

Alors que la RTS s’installe sur le campus, une exposition propose de revisiter son histoire.

Alors que le radiodiffuseur romand s’installe sur le campus, une exposition propose de revisiter son histoire à travers les controverses qu’il a toujours suscitées.

Du 30 septembre au 14 février, grand public et professionnelles et professionnels des médias sont invités à découvrir l’événement consacré à l’histoire de la télévision en Suisse. « C’est une occasion de mettre en lumière les recherches menées à l’Unil dans le domaine télévisuel », précise Anne-Katrin Weber, codirectrice du projet et professeure assistante en prétitularisation conditionnelle à la section d’histoire et esthétique du cinéma de l’Unil depuis le printemps 2024. Elle est aussi membre du collectif de recherche sur le télévisuel, né peu après sa nomination. La démarche s’inscrit dans un contexte double, souligne l’autre codirectrice de l’événement, Marie Sandoz, chercheuse FNS senior au sein du même département : « D’un côté, il y a le déménagement de la RTS, de l’autre, l’initiative visant à baisser la redevance à 200 francs va être votée au printemps. » Après « No Billag », ce texte alimente les débats sur le rôle de la SSR dans le paysage médiatique suisse et interroge la notion de service public. L’exposition, qui a bénéficié du soutien du fonds FNS-Agora, propose un pas de côté vis-à-vis de cette actualité : « Notre intention n’est pas de relativiser la crise actuelle, mais de la replacer dans une perspective de longue durée », précisent les organisatrices.

Un programme riche

Pour ce faire, elles n’ont pas tout misé sur les écrans. Si la scénographie permet de visionner une sélection d’archives télévisuelles, elle met aussi à l’honneur une large variété de sources : presse, photographies, affiches, tracts… « L’histoire de la télévision ne se raconte pas seulement à partir des programmes », explique Anne-Katrin Weber.

La rétrospective s’accompagne d’un riche programme d’événements, piloté par Roxane Gray, chercheuse FNS senior à la section d’histoire et esthétique du cinéma. « L’idée est de prolonger les réflexions autour d’activités thématiques, de valoriser et discuter des archives audiovisuelles et de toucher un public diversifié », relève-t-elle. Les propositions comprennent aussi bien des visites en langue des signes que des formats pédagogiques destinés aux écoles, combinant rencontre avec un journaliste et tour des studios. S’y ajoutent des rendez-vous ponctuels, tels un Apéro-sciences sur les enjeux du numérique, une matinée pour les familles consacrée au canular télévisé de l’ovni genevois en 1971, ou encore une soirée en présence de l’ancienne productrice Nathalie Nath, dont des émissions avaient fait scandale.

Autant d’exemples de tensions, qui justifient l’angle choisi. « En tant qu’historiennes, les zones de friction nous intéressent, car elles révèlent les dynamiques de pouvoir », relève Marie Sandoz.

Un lot d’inquiétudes

Et, de fait, chaque mutation médiatique a provoqué son lot d’inquiétudes. « Dans les années 1950, la télévision semblait menacer la radio, le cinéma, voire la presse », rappelle Anne-Katrin Weber. On redoutait qu’elle dissolve les liens familiaux et abrutisse la jeunesse. Ce thème constitue d’ailleurs le premier des six modules à découvrir. Les suivants explorent notamment la question géographique – n’oublions pas que le téléjournal romand s’est longtemps fait à Zurich –, la fin des monopoles audiovisuels face à l’irruption des chaînes privées ou encore les usages industriels de la télévision.

Répartis sur le campus, six autres modules complètent le parcours central. « Réalisés par des collègues, ils montrent combien l’histoire de la télévision croise d’autres thématiques, comme le jeu vidéo, le graphisme ou la surdité », précise Marie Sandoz.

Infos à propos du vernissage

La RTS s’installe sur le campus

Cet automne marque un important tournant : la RTS quitte une partie de ses sites historiques à Genève et Lausanne pour s’installer dans des bâtiments flambant neufs sur le campus de l’Unil et de l’EPFL. L’exposition est aussi l’occasion de saluer ce déménagement, qui ouvre la voie à des collaborations inédites entre le diffuseur et le monde académique. « L’arrivée de la RTS renforce la visibilité des recherches sur l’audiovisuel », souligne Anne-Katrin Weber. « La télévision en Suisse. 75 ans sous tension » doit donc beaucoup au partenariat avec les archives de la RTS : « Sans l’appui des documentalistes de la maison, impossible de mener le travail critique que nous avons réalisé », ajoute-t-elle. Témoignant des rapports de pouvoir et des transformations sociales, politiques et économiques qui traversent la Suisse depuis les années 1950, l’exposition invite à replacer les débats actuels dans la longue durée et à réfléchir à la notion de service public.