Doctorant à la Faculté de biologie et de médecine, Guillaume Lavanchy vient de remporter la finale UNIL du concours de vulgarisation scientifique « Ma thèse en 180 secondes ». Présentation d’un hybride, partagé entre un travail académique de fourmi et de longues balades le week-end, jumelles collées aux yeux.
Joli cadeau pour Guillaume Lavanchy à la veille de son vingt-neuvième anniversaire. Doctorant au Département d’écologie et évolution, déjà récompensé en 2016 par la Faculté de biologie et de médecine pour l’excellence de son travail de master, il est désormais couronné du premier prix au concours de vulgarisation scientifique « Ma thèse en 180 secondes ». Son sujet : les causes et les conséquences de l’hybridation chez les insectes.
Un travail qui lui vaut d’ailleurs un surnom, comme on peut le voir et l’entendre dans une vidéo tournée dans les coulisses de l’événement : The Insect Guy. Premières réactions de l’intéressé ? « C’est rigolo et techniquement vrai », confesse en souriant Guillaume Lavanchy. Et concernant le prix qui honore sa prestation ?
« Je suis évidemment content. C’est une récompense pour le travail accompli, que j’avais peut-être sous-estimé. Il s’agit d’un grand investissement, que toutes les participantes et participants ont fourni. Pour moi, il aurait fallu décerner 10 prix »
Guillaume Lavanchy
Un naturaliste-généraliste
En trois minutes donc, Guillaume Lavanchy a présenté au public son travail de thèse, consacré à l’hybridation chez les insectes. Soit la reproduction entre deux espèces différentes, principalement les fourmis, largement sous-estimée jusqu’à récemment. Un travail de recherche possible depuis peu, grâce notamment aux évolutions technologiques. « Les botanistes ont réalisé depuis longtemps que l’hybridation avait un rôle important dans l’évolution des plantes. Mais la zoologie, elle, l’avait sous-estimée. Il a fallu attendre les années 2000 pour que ce thème suscite un véritable intérêt. Jusque-là, on pensait qu’il s’agissait d’une impasse évolutive », confie le doctorant.
La raison est simple : l’hybridation peut s’avérer particulièrement complexe à observer. « Surtout chez les fourmis, qui ont toutes la même tête, même quand les espèces sont différentes. » Avec l’évolution des méthodes génétiques et grâce à la contribution de la population vaudoise dans le cadre de l’Opération fourmis, projet lancé en 2019 ayant pour but de recenser pour la première fois et à très large échelle les fourmis vaudoises, Guillaume Lavanchy a pu analyser de très près un échantillon composé de 5000 individus. « Il s’est concrètement agi d’étudier l’ADN de ces fourmis pour déterminer les espèces de fourmis. Elles ont aussi été identifiées morphologiquement. Ce qui nous a permis de vérifier si les critères d’identification étaient valables ou non. »
Travail de fourmi donc, dont la suite consistera à vérifier les hypothèses établies suite aux analyses. Reste que Guillaume Lavanchy n’éprouve aucune passion dévorante pour cet insecte en particulier.
« J’aime les animaux et les insectes en général. L’hyperspécialisation ne m’intéresse pas particulièrement, confie-t-il. J’aime surtout répondre à des questions que je me pose et cherche pour cela les espèces qui permettent d’y répondre au mieux. »
Guillaume Lavanchy
En plus des fourmis, le pas encore trentenaire travaille aussi avec les phasmes, après avoir consacré un travail de master aux grenouilles et à leurs chromosomes sexuels.
Comme un poisson dans l’eau
Si Guillaume Lavanchy a choisi des études de biologie, menées entièrement à l’Université de Lausanne, c’est sans doute grâce à son amour pour la nature, explique le doctorant. « J’ai toujours aimé aller me promener, voir les animaux. Petit, je me baladais souvent en forêt avec mon père ou mon grand-père. Aujourd’hui, je passe tous mes week-ends avec mes jumelles, à observer les oiseaux, les libellules et insectes de toutes sortes. En randonnée, les gens avec qui je suis se plaignent qu’il nous faille six heures pour parcourir un kilomètre. Parce que je m’arrête à la moindre fourmi et au moindre papillon », glisse le natif de Romanel.
Généraliste donc, mais avec un terrain de jeu spécifique ? Les prairies alpines, en été, et les marais de la Grande Cariçaie, réserve naturelle bordant la rive sud du lac de Neuchâtel. « J’y ai effectué un stage en 2014, puis passé deux étés, en 2016 et 2017, dans le cadre de mon service civil. Si on devait me lâcher dans un lieu précis pour y passer une journée entière, ce seraient les deux meilleurs endroits. Mais je peux aller n’importe où, il y aura de toute manière des choses à voir. »
Des choses à voir. Et surtout des choses à comprendre. D’où un intérêt marqué pour les sciences et la biologie à l’école déjà. « J’ai toujours aimé observer, tenté de les comprendre et posé des tas de questions. C’est quand les gens ont arrêté de réussir à y répondre que je me suis dit qu’il fallait que j’aille plus loin », précise Guillaume Lavanchy. Même si, de son propre aveu, l’écolier, « plutôt tire-au-flanc », s’est longtemps appuyé sur ses facilités.
Pour une science engagée
L’amour de la nature chevillée au corps, Guillaume Lavanchy, qui terminera sa thèse en septembre, réfléchit aussi à la suite de son parcours. Qu’il ne voit pas forcément dans le monde académique
« J’aime bien dire que je vais prendre ma retraite. J’étais motivé par le fait de poursuivre dans ce monde, mais je doute sincèrement qu’il soit possible d’arriver à l’âge de la retraite avant un effondrement majeur de nos conditions de vie, vu la dégradation de notre environnement »
Guillaume Lavanchy
Pas d’idée précise de la suite, mais elle pourrait avoir lieu dans l’information au public. « Je donne déjà des conférences, et je vais continuer à le faire. Pour informer les gens et aider à former des gens pour parler du climat et de la biodiversité. Nous nous trouvons dans une crise et je préfère me consacrer à ce que je considère comme strictement nécessaire, essentiel et urgent. » À savoir la préservation de l’environnement.
Pour y arriver, le doctorant souhaite contribuer au dialogue entre science et population. Apporter sa pierre à un édifice dans un contexte où on peine parfois à s’entendre. « La science n’a, selon moi, pas la place qu’elle devrait occuper dans la société. Nous, scientifiques, sommes parfois isolés. Et, de façon générale, je rêve que la science soit impliquée dans toutes les questions de société importantes. Que, lorsqu’il s’agit de prendre des décisions, on se base sur des faits et non des croyances infondées. La société ferait un grand pas en écoutant d’avantage la science. Et la science ferait un grand pas si elle se faisait plus audible et compréhensible auprès de la population. »
Des propos qui supposent un engagement politique ou citoyen. « J’ai déjà pratiqué de la désobéissance civile, confirme Guillaume Lavanchy. Il fut un temps où je me suis beaucoup impliqué dans les mouvements environnementaux. Parce que je pensais que c’était la seule réaction logique et utile à avoir. Mais ce n’était pas viable à long terme pour moi, en parallèle avec une thèse à plein temps. Depuis un moment je me pose la question d’un engagement politique traditionnel. Mais j’ai peur que cela soit une perte de temps. À ce stade, c’est un débat dans ma tête qui n’est pas résolu », conclut le doctorant.