Un joli recueil de nouvelles rassemblées par Anne-Lise Delacrétaz, maître d’enseignement et de recherche à l’UNIL, autour d’un thème finalement assez poétique : l’inscription NPAI (N’habite pas/plus à l’adresse indiquée) sur une missive en deuil de son destinataire.
Chevronnés comme le professeur Daniel Maggetti et l’écrivaine Francine Wohnlich, par exemple, ou étudiantes et étudiants à la Faculté des lettres, les auteurs et autrices explorent avec finesse et originalité, parfois un brin d’hermétisme mais toujours d’une plume maîtrisée, le sujet travaillé en atelier d’écriture avec Anne-Lise Delacrétaz. On se laisse aisément emporter par ces récits qui nous entraînent sur des chemins forcément un peu mystérieux – où est le destinataire perdu, voire qui est-il ? – et graves sans être ennuyeux, comme la perte de l’amitié ou de l’amour, le deuil d’un être aimé, une vieille culpabilité, une injustice passée dont nous lecteurs sommes les seuls témoins, la nostalgie, les regrets, voire l’obsession du passé et son surgissement soudain, ou encore la survie qui passe par une fuite éperdue où la lettre reçue paraît à chaque fois menaçante.
Inquiétude et quiproquos
Certains trichent un peu avec le sujet, ou disons l’actualisent : on n’envoie plus des lettres mais des mails. Les erreurs d’aiguillage demeurent, l’inquiétude et les quiproquos. Parfois, quand la missive revient à l’expéditeur, une tierce personne peut l’intercepter et décider, comme tout bon écrivain, de réparer quelque chose, de combler un vide, de consoler l’expéditeur en imaginant une réponse, mais cette littérature improvisée se donne alors pour ce qu’elle n’est pas : la fiction usurpe le réel et la supercherie, même charitable, reste une supercherie. Deux textes au moins évoquent ce thème autoréflexif.
Une bonne lecture de vacances, en somme, que l’on peut lire à la suite ou en piochant au hasard, quitte à aller habiter, comme nous le suggère un auteur, dans un monde parallèle fantasmatique copiant le réel comme dans la série télévisée Fringe (mais qu’est-ce que le réel ?). Une autrice va même jusqu’à imaginer une seule adresse pour toutes les lettres, l’ultime, celle qui attend chacun au bout de sa route, le cimetière; en attendant la fin, elle en appelle à l’inconfort de l’errance contre la sédentarité : « Adieu la tendresse de l’adresse » ! Tout fout l’camp… (sauf la littérature).
NPAI – N’habite pas / plus à l’adresse indiquée, collectif, textes de Elisa Andrade, Santiago Basurto, Avî Cagin, Fanny Marie Cheseaux, Anne-Lise Delacrétaz, Claudine Gaetzi, Charlyne Genoud, Maël Graa, Gilles F. Jobin, Daniel Maggetti, Dimitri Martić, Giulietta Mottini, Ami Lou Parsons, Thibault Ramet, Sarah Robert, Lucie Tardin, Evelyne von der Mühll, Francine Wohnlich. Les Éditions de l’Hèbe, avril 2022.