Le 2 novembre 2022, dans le cadre du programme (Sciences)2, une conférence sur le thème de l’adaptation au changement climatique s’intéressera au cas de la place Riponne-Tunnel à Lausanne. Muriel Delabarre, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut de géographie et durabilité de l’UNIL, explique en quoi cet espace est un laboratoire d’expériences
Au cœur de cette conférence, « Trame de fraîcheur : Riponne-Tunnel, maillon de la future armature », sujet particulièrement d’actualité après cet été historiquement chaud. L’événement précède la sortie d’un livre qui paraîtra en mars 2023. « Le but de cette recherche consistait à préparer l’avenir de Lausanne à court, moyen et long terme, en partant de la caractérisation de l’existant et de l’hypothèse d’un réchauffement de deux degrés », résume Muriel Delabarre. Maître d’enseignement et de recherche à l’Institut de géographie et durabilité de l’UNIL spécialisée en urbanisme et projets urbains, elle interviendra aux côtés d’un représentant du service de l’urbanisme de la Ville de Lausanne. Point de rencontre entre plusieurs expertises, cette recherche a été menée de façon transversale, incluant, outre les chercheurs, le Service de l’urbanisme de la Ville et celui de la mobilité. Leur mission : caractériser dans les 17 quartiers lausannois tous les îlots de fraîcheur par des mesures de la température du sol et de l’évapotranspiration des structures végétales et hydrauliques. Un exercice qui révèle en contrepoint les secteurs de vulnérabilité à la chaleur, dont font partie la gare CFF, en cours de réhabilitation, ainsi que la place de la Riponne.
Pour préparer la capitale vaudoise à affronter la montée des températures, la recherche envisage deux scénarios de projet d’urbanisme : l’un à 2030, l’autre à 2050. « Chaque Lausannoise et Lausannois devrait trouver un lieu frais à cinq minutes de son chez-soi, or certains espaces dans l’hypercentre en manquent. L’îlot Riponne-Tunnel fait office de laboratoire d’expérience pour installer les prémices de ce que je désigne dans cette recherche comme trame fraîche », résume-t-elle.
Pour améliorer la situation dans ces « zones rouges », on pourra s’inspirer d’expériences réalisées ailleurs dans le monde (130 seront présentées en troisième partie du livre). Différents thèmes sont recensés ; l’un d’eux consiste à réintégrer l’eau en ville. Or, sous la Riponne coule une rivière, la Louve. Si techniquement la remettre à ciel ouvert est impactant, des variantes sont possibles : créer des plans tels des miroirs d’eau, comme celui dessiné par Michel Desvignes à Bordeaux.
Autre piste, la végétalisation avec ses capacités rafraîchissantes. Lausanne a d’ailleurs prévu une revégétalisation massive pour les années à venir : à la clef, 30% de canopée supplémentaire d’ici dix ans. Mais pour ce projet, c’est justement là que le bât blesse : il faut du temps pour le voir germer. Quelles solutions imaginer à court terme ? Un travail sur l’urbanisme de la préfiguration arrive en première ligne. « On peut installer des ombrières sur le modèle du Metropol Parasol réalisé à Séville. Cette superstructure géante sert tout à la fois d’événement artistique, ludique et identitaire pour la ville et offre des capacités d’ombre non négligeables. » Créer de microlieux de fraîcheur par dégrappage des sols est également envisagé. Cela implique la suppression de places de parc, ce que la Ville prévoit au Tunnel, sans toucher aux voies de circulation primaires. La place pourrait donc bien changer de visage ces prochaines années. Un aspect ludique viendra probablement compléter le projet, des jeux pour les enfants se grefferont aux buses à eau faites à l’origine pour lutter contre les incendies.
À la Riponne, l’usage multiple de la place qui accueille notamment les marchés et le parking sous dalle complique les choses. Les échecs que comporte l’histoire de son aménagement n’arrangent rien. « Dans un tel contexte, un processus d’implication des Lausannois.e.s prend tout son sens », souligne Muriel Delabarre
Quand les sciences jouent la transversalité
Le programme (Sciences)2 – prononcer « sciences au carré » – voit loin. Véritable invitation au voyage, il incite à dépasser vulgarisation et dialogue, instaurant des collaborations transversales. Présentation avec Delphine Preissmann, responsable de recherche et adjointe du programme (Sciences)2 et responsable du cours « La recherche dans tous ses états ».
Delphine Preissmann, pourriez-vous résumer en quoi consiste (Sciences)2 ?
Ouvert à tous les étudiantes et étudiants en sciences humaines, ce programme a été imaginé pour leur faire découvrir des domaines hors de leur cursus traditionnel. Comme une fusée, il comporte plusieurs étages. Le bachelor, qui a vu le jour en 2008, offre des cours touchant des sujets aussi variés que la génétique, la cosmologie ou le cerveau. La partie master avec le cours « La recherche dans tous ses états » s’y est ajoutée en 2013 et porte sur la méthodologie. Chaque branche a la sienne, chaque discipline, ses présupposés épistémologiques. Cette année, le cycle de conférences publiques lié à cet enseignement s’intitule « Recherche participative, recherche-action : vers un nouveau contrat entre sciences et société ? », ce qui souligne vraiment les liens unissant recherche et société.
L’interdisciplinarité n’est-elle pas devenue un concept très tendance ?
Ces dix dernières années, elle a permis de développer de nouveaux savoirs à l’UNIL. Certaines facultés ont réalisé qu’il leur était difficile de se passer d’investigations croisées – c’est notamment le cas entre la biologie et la médecine, les sciences criminelles et le droit, la théologie et les sciences des religions. Ailleurs, comme en SSP ou en lettres, cela va de soi, mais les étudiants ne s’orientent pas forcément vers ce que l’on appelle les sciences « dures ». Ce programme est taillé pour les y inciter.
Et les conférences ?
Cette année, six sont prévues. Elles sont ouvertes à la fois aux étudiantes et étudiants comme au grand public, et constituent la partie émergée de l’iceberg. On y retrouve ce mélange de spécialistes de différents domaines, des intervenantes et intervenants de l’UNIL comme de la Ville, toujours dans l’idée de décloisonner les savoirs.