Rencontre avec Christelle Rigual, qui va fédérer toutes les ressources disponibles à l’UNIL en matière de lutte contre le harcèlement et d’autres formes de violence, au sein d’un nouveau dispositif dédié à l’écoute professionnalisée et au suivi des personnes impliquées ou témoins.
Née en Corse il y a 41 ans, Christelle Rigual est arrivée à Lausanne pour prêter main forte aux infirmières et infirmiers en psychiatrie sur le site de Cery. Un métier qu’elle a aimé exercer durant près de 15 ans avant de reprendre un cursus universitaire tout en travaillant la nuit à l’hôpital : Bachelor en science politique à l’UNIL et formule accélérée de master et doctorat à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève.
Sa thèse portait sur « le principe de non-intervention dans les relations interétatiques ». Elle propose une vision historique du concept : « Il y a des raisons à l’intervention des États, par exemple humanitaires, et il ne faut pas toujours y voir de la manipulation. Il y a aussi des logiques propres à la norme de non-intervention : ma démarche est descriptive, constructiviste, non normative », précise-t-elle. Les théories féministes entrent rapidement dans son approche, notamment dans le cadre de son étude postdoc Genre, conflit et consolidation de la paix et ses divers articles.
La lentille féministe
« L’approche féministe est une lentille conceptuelle qui aide à décoder les représentations sociales et normes contraignantes, notamment de genre. Cela permet de voir en particulier comment les personnes, dans différents contextes, peuvent puiser dans des représentations féminines ou masculines, par exemple pour recruter de jeunes gens dans des groupes armés en mobilisant des représentations de masculinité violentes ou pour résister à l’envoi d’un enfant au combat en usant de l’autorité conférée par la maternité », esquisse Christelle Rigual, en évoquant son exploration de populations affectées par les conflits en Indonésie et au Nigéria.
Avant de passer au projet qui l’amène aujourd’hui à l’UNIL, elle précise encore ceci : « Quand on étudie les choses de près, on voit que l’image de la femme victime et de l’homme violent est très réductrice. Elle méconnaît le rôle particulièrement actif des femmes, y compris dans les conflits, ne rend pas justice aux nombreux hommes qui travaillent à stopper la violence et invisibilise les multiples identités de genre qui constituent les sociétés. »
Questionnaire pour toute la communauté UNIL
Après un passage remarqué à la Direction générale de l’enseignement supérieur du DFJC, qui lui permet d’aborder plusieurs dossiers universitaires, cette jeune chercheuse brillante et très active pose ses valises à l’UNIL afin de superviser les travaux de la nouvelle cellule contre le harcèlement sexuel et psychologique, les discriminations et toute forme de violence dans les contextes de travail et de formation.
Ce dispositif voulu par la Direction – qui est par exemple en train de lancer une formation en la matière à destination du nouveau personnel d’enseignement et de recherche – attendait son pilote ou sa cheffe : Christelle Rigual s’est glissée avec enthousiasme dans cette entreprise dont l’UNIL entendra vite parler, à travers la mise en place d’une cellule d’accueil sur ces questions et d’un questionnaire en ligne sur le bien-être au travail et aux études, bientôt soumis à toute la communauté.
Une action en profondeur
Le message sera réitéré sur le long terme. Christelle Rigual a l’ambition – avec le soutien de la Direction mais aussi des membres du comité de pilotage représentatifs de la communauté UNIL et des syndicats – de transformer les perceptions et les usages pour consolider un environnement de travail et d’études propice au développement, soutenant le bien-être et la qualité de vie de toutes et tous.
Elle décrypte le dispositif envisagé : un volet « transformation » passant par des propositions de prévention, sensibilisation, formations et réglementations ; un volet « réaction » portant sur l’accueil des personnes concernées ou témoins via, notamment, une ligne téléphonique centralisée, une écoute professionnalisée et confidentielle, une orientation compétente et pluridisciplinaire, des mesures concrètes en cas de comportements inadéquats ; un volet « suivi » pour proposer un accompagnement sur le long terme, développer une coordination sur cette thématique et ainsi construire une vision d’ensemble des cas et de la situation à l’UNIL.
Des valeurs à transmettre
« Le dispositif agira comme ressource pour toutes les personnes impliquées, avec des propositions de suivi individuel, mais aussi collectif au niveau des unités, si besoin. L’UNIL est une institution d’importance, qui peut et doit reconnaître d’une manière sereine les éventuelles zones d’ombre, telles les discriminations s’esquissant hors du cadre strictement légal », souligne Christelle Rigual.
Par-delà les cas particuliers qui seront traités avec professionnalisme et sensibilité, elle estime que l’Université « est un acteur puissant du changement social, par son rôle dans la production et la diffusion de savoirs. Intégrer de multiples perspectives, défendre le respect, la diversité, la complémentarité au-delà des luttes de pouvoir, d’une trop forte compétitivité, des violences et discriminations diverses – y compris sexuelles – dans les environnements de recherche et de formation sont des valeurs essentielles à ancrer et protéger. Ces valeurs pourront ainsi être transmises aux futurs diplômées et diplômés et réinscrites dans leurs secteurs d’activité, mais aussi dans la société au sens plus large ».
Un dispositif transitoire sera opérationnel dès le début du semestre printemps-été. Vous pouvez d’ores et déjà soumettre vos questions ou suggestions à projet-anti-harcelement@unil.ch ou contacter la docteure Christelle Rigual au 021 692 23 49, christelle.rigual@unil.ch.
Dans l’intervalle, en cas de situation de harcèlement ou discrimination, n’hésitez pas à solliciter les instances internes et externes à votre disposition.