Rythme / Rhythm

Par Jan Baetens

L’analyse temporelle du récit aborde généralement trois domaines: ordre, fréquence et durée (Genette 1972). Souvent pensée en termes de vitesse, l’analyse de la durée se donne pour but de décrire le rythme du récit. Elle regroupe un certain nombre de questions, tantôt formelles et tantôt thématiques, que Kathryn Hume énumère ainsi : a) descriptions en prose de vitesse physique, b) retardement narratif, c) le calcul du temps diégétique par page, d) les réflexions fictionnelles sur la vitesse comme donnée culturelle (Hume 2005 : 105).

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Métalepse / Metalepsis

Par Frank Wagner

À l’origine, la métalepse constitue une notion rhétorique (Genette 1972, Roussin 2005), définie comme « une proposition […] [qui] consiste à substituer l’expression indirecte à l’expression directe » (Fontanier (1830) 1977 : 127). Toutefois, plus qu’à cette définition générale, la plupart des théoriciens du récit se sont montrés sensibles à certains de ses sens rapportés, comme « le tour par lequel un poète, un écrivain, est représenté ou se représente comme produisant lui-même ce qu’il ne fait au fond que décrire » (Fontanier (1830) 1977 : 128) ; ou encore celui « par lequel […] au lieu de raconter simplement une chose qui se fait ou qui est faite, on commande, on ordonne qu’elle se fasse » (Fontanier (1830) 1977 : 129). Telles sont du moins les acceptions dérivées du procédé rhétorique sur lesquelles Genette met l’accent au moment de forger la notion de métalepse narrative, qui, dans Figures III, fait système avec analepse, prolepse, syllepse, ou paralepse. Voici en quels termes le narratologue définit ce procédé :

« Le passage d’un niveau narratif à l’autre ne peut en principe être assuré que par la narration […]. Toute autre forme de transit est, sinon toujours impossible, du moins toujours transgressive […]. [Par exemple] toute intrusion du narrateur ou du narrataire extradiégétique dans un univers diégétique (ou de personnages diégétiques dans un univers métadiégétique, etc.), ou inversement […]. Nous étendrons à toutes ces transgressions le terme de métalepse narrative. » (Genette 1972 : 244).

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Modèle rhétorique des publics / Rhetorical Model of Audiences

Par James Phelan

Traduit de l’anglais par Raphaël Baroni

La finesse du modèle élaboré par la narratologie rhétorique pour décrire les publics se comprend plus facilement si on le replace dans un contexte plus large. Dans sa conception rhétorique du récit, James Phelan propose la définition de base suivante : « quelqu’un raconte à quelqu’un d’autre, à une occasion et dans un ou des buts donnés, que quelque chose est arrivé » (2018 : 48 ; voir aussi 1996). Cette définition oriente l’interprétation sur la manière dont la personne qui raconte utilise les ressources du récit (ses éléments fondamentaux étant l’intrigue, le personnage, la perspective, le temps et l’espace) afin de produire certains effets sur quelqu’un d’autre. Pour analyser ces effets, les chercheurs qui adoptent une perspective rhétorique se sont intéressés à différentes couches de la communication, en particulier aux couches affective, éthique, cognitive et thématique, afin de construire une représentation plausible de l’expérience de lecture. Lire la suite

Relatabilité / Relatability

Par Jan Baetens

On appelle relatable (le mot est un pur calque de l’anglais, le terme étant proprement intraduisible de manière littérale[1]) une personne, une situation ou un récit auquel on peut s’identifier, dont on se sent proche. Jusqu’à présent, le caractère de relatabilité n’a guère été pris en considération par les narratologies, en dépit de l’importance capitale de cette catégorie dans la création et, surtout, dans le succès ou l’échec des séries télévisées et, sans doute, de la littérature populaire en général, où le rapport personnel entre public réel et personnage fictif joue toujours un rôle de premier plan. Lire la suite

Small Stories / Small Stories

Par Alexandra Georgakopoulou et Sylvie Patron

Le concept de small stories (« petites histoires », « petits récits », « micro-récits », aucune traduction n’est vraiment adéquate) a été introduit dans la discussion scientifique par Michael Bamberg et Alexandra Georgakopoulou (voir Bamberg 2004, 2007 [2006]; Georgakopoulou 2006a, 2007 [2006b], 2007; Bamberg et Georgakopoulou 2008). Il désigne « un ensemble d’activités narratives sous-représentées, comme les récits d’événements en cours, d’événements futurs et hypothétiques, d’événements partagés (connus), mais aussi les allusions à des récits, les récits différés ou encore les refus de raconter » (Georgakopoulou 2007 [2006b]: 122; 2007: vii; Bamberg & Georgakopoulou 2008: 381). Ces activités narratives sont sous-représentées ou ne sont pas considérées comme des récits dans l’analyse narrative traditionnelle héritée des travaux de William Labov et dans tous les travaux sur les récits de vie basés sur des entretiens de recherche. Le but de la small stories research est de déplacer l’attention, auparavant centrée sur les récits de soi, récits longs, pris en charge par un narrateur unique, consacrés à des événements passés non partagés, vers les récits souvent courts et fragmentés que l’on trouve dans les environnements interactionnels de tous les jours, et particulièrement aujourd’hui sur les réseaux sociaux. Les small stories se distinguent des big stories par leur contenu, peu développé et en apparence anodin, relevant de l’expérience quotidienne, mais aussi par leur structure: elles ne remplissent pas toujours les critères textuels identifiés pour le récit, peuvent porter non sur des événements passés mais sur des événements en cours ou situés dans un futur proche, contiennent généralement une action ou une « complication » minimales, sont co-construites par les participants (les interactions entre participants étant parfois plus importantes que les événements rapportés). Elles peuvent se dérouler dans des lieux et des contextes différents et ont un caractère incomplet et fragmentaire si on les analyse dans le cadre d’un seul événement de parole. Lire la suite

Progression cachée / Covert Progression

Par Dan Shen

Traduit de l’anglais par Raphaël Baroni

Au cours du nouveau siècle, l’attention critique croissante portée à la progression narrative a beaucoup enrichi la compréhension des rouages de l’intrigue et de la réponse complexe qu’elle suscite chez les lecteurs (Phelan 2007, 2017; Baroni & Revaz 2016; Toolan 2009). Mais dans de nombreux récits de fiction, derrière le développement de l’intrigue, il existe une puissante dynamique qui se manifeste à un niveau plus profond, tout au long du texte. Ce courant sous-jacent, parallèle au développement de l’intrigue, forme ce que Shen désigne comme une progression cachée (Shen 2013, 2016 [2014]). La progression cachée et le développement de l’intrigue constituent une double trajectoire de signification, véhiculant des significations thématiques, des représentations des personnages et des valeurs esthétiques différentes, suscitant ou ayant le potentiel de susciter des réactions contrastées, voire opposées, de la part des lecteurs (Shen 2015; 2018a). Lire la suite

Auteur implicite / Implied Author

Par Dan Shen

Traduit de l’anglais par Raphaël Baroni

Le terme auteur implicite (parfois traduit « auteur impliqué ») a été introduit par Wayne C. Booth dans The Rhetoric of Fiction (1961, voir aussi Booth 2005; 1977) et il est devenu courant dans les cercles internationaux de la narratologie (Nünning 2005; 2017; Baroni 2009; Couturier 1995; Phelan 2005: 38-49; 2017; Kindt & Müller 2006; Schmid 2014). Pour saisir l’essence du concept, il faut comprendre ce que le terme « créer » signifie dans l’affirmation de Booth selon laquelle l’ »auteur réel » crée l' »auteur implicite »: Lire la suite

Narrateur non fiable / Unreliable Narrator

Par Frank Wagner

La notion de « narrateur non fiable » recouvre les divers cas de figure où, face à un récit de fiction, le lecteur est conduit à douter du bien-fondé de la confiance qu’il est a priori censé éprouver à l’égard de l’instance narrative. Le premier à l’avoir théorisée, dans une perspective rhétorique, est Wayne Clayton Booth (1961 ; 1977). Dans ses travaux, la question apparaît en fait comme un simple corollaire de réflexions plus générales sur l’auteur implicite (« implied author »), qu’il présente comme un « second moi » de l’auteur réel, avec lequel dialogue le lecteur. Lire la suite

Théories poétiques de la narration / Poetic Theories of Narration

Par Sylvie Patron

Sous le terme « théories poétiques de la narration », on regroupe les théories d’Ann Banfield (1995 [1982]; 2019) et de S.-Y. Kuroda (2012), deux linguistes formés à l’école de la grammaire générative de Noam Chomsky et dont les travaux se sont développés de manière coordonnée. On peut leur associer rétrospectivement la théorie de Käte Hamburger (1986 [1957, 1968]), qui constitue une référence majeure pour les deux premiers. Le terme « théorie poétique de la narration » est dû à Kuroda (1975: 284, 292; voir aussi 2012: 121, 132, 148, 173). Il s’oppose en contexte à « théorie communicationnelle de la narration » (ou à ses synonymes, « théorie narratrice » ou « narratoriale » de la narration, en anglais narrator theory of narration). Lire la suite

Narratologie non naturelle / Unnatural Narratology

Par Brian Richardson

Traduit de l’anglais par Raphaël Baroni

La narratologie non naturelle est l’étude et la théorie des éléments et stratégies anti-mimétiques dans la fiction narrative. Selon la définition la plus répandue, le non-naturel est constitué d’événements, de personnages, de décors ou d’actes narratifs qui sont anti-mimétiques, c’est-à-dire qui défient les présupposés des récits non fictifs et les pratiques du réalisme (dont le modèle est fondé sur les récits non fictifs). Lire la suite