Détention de chevaux à des fin d’élevage et remise en état des lieux

Dans une affaire vaudoise, en zone agricole, le service cantonal du développement territorial a régularisé l’aménagement d’un rural, d’une plateforme et d’un barbecue situés au bord d’un étang, ainsi que les travaux d’assainissement de l’aire de sortie toutes saisons pour des chevaux. En revanche, le SDT a refusé l’autorisation afin de régulariser l’agrandissement de 66 m2 de l’aire de sortie toutes saisons en question ainsi que deux candélabres. L’office fédéral du développement territorial a recouru à l’encontre du jugement de la CDAP. Le recours est admis partiellement par le Tribunal fédéral.

Dans un premier grief, le Tribunal fédéral examine, à l’aune de l’art. 24c LAT, la régularisation de la plateforme construite sur l’étang et du barbecue fixe (c. 5). La Cour constate que les possibilités de transformation au sens de l’art. 24c LAT ont été déjà largement épuisées. Au demeurant, les aménagements litigieux ne remplissent pas les exigences de l’art. 24c al. 4  LAT en matière de modifications extérieures.

L’arrêt du Tribunal fédéral porte principalement sur le régime applicable, en matière d’aménagement du territoire et de police des constructions, à la détention de chevaux (c. 6). En substance, il établit les circonstances dans lesquelles des constructions liées à une telle détention sont possibles dans la zone agricole. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées :

  • Conformément à l’art. 16abis LAT, les « constructions et installations nécessaires à la détention de chevaux sont conformes à l’affectation de la zone et autorisées dans une entreprise agricole« .
  • Selon le législateur, la détention de chevaux à des fins commerciales n’a en revanche sa place qu’en zone à bâtir ou dans une zone spéciale au sens de l’art. 18  LAT. 
  • L’art. 24e LAT prévoit l’octroi d’autorisations de construire exceptionnelles dans la zone agricole à des fins de « Détention d’animaux à titre de loisir« par des non-agriculteurs.

Dans le cas d’espèce, la détention de chevaux se fait à des fins d’élevage. En l’espèce, il ne s’agit pas d’une activité dans une entreprise agricole; l’art. 16abis LAT  ne trouve ainsi pas application. L’élevage de chevaux ne peut être considéré comme une activité de loisir; il s’agit d’un autre motif de détention qui conduit à écarter le régime dérogatoire de l’art. 24e LAT. Par conséquent, l’élevage de chevaux ne peut être entrepris en zone agricole s’il n’est pas intégré à une entreprise agricole.

Dans un ultime considérant (c. 7), le Tribunal fédéral examine la question du rétablissement de la situation conforme au droit dès lors que les constructions litigieuses en zone agricole ne peuvent être régularisées. Le Tribunal fédéral rappelle alors qu’en principe les constructions érigées sans droit dans la zone agricole doivent être supprimées, à moins qu’à titre exceptionnel il puisse y être renoncé en vertu des principes généraux du droit public. La cause est renvoyée à la CDAP afin qu’elle examine cette question. 

Tribunal fédéral 1C_76/2019 du 28 février 2020.

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Commune de Saint-Prex, le Tribunal fédéral admet l’effet anticipé d’un plan d’affectation

Le Tribunal fédéral a confirmé la décision de la Municipalité de Saint-Prex et l’arrêt de la CDAP (AC.2016.0388) refusant l’autorisation de construire une villa de deux logements et cinq places de stationnement sur une parcelle affecté pour deux-tiers en zone de villas B. Compte tenu de la non-conformité du projet à la zone réservée en cours d’élaboration, sur la base de l’art. 77 aLATC, la commune pouvait refuser le permis de construire.

L’actuel art. 47 LATC qui reprend l’ancien art. 77 LATC prévoit à son premier alinéa : « La municipalité peut refuser un permis de construire lorsqu’un projet de construction, bien que conforme, compromet une modification de plan envisagée, non encore soumise à l’enquête publique ». Cette disposition constitue la base légale permettant d’assortir à un plan futur un effet anticipé – qualifié ici de négatif. Dès lors que cet effet anticipé repose sur un intérêt public suffisant et respecte le principe de proportionnalité, il permet  de refuser une autorisation de bâtir en zone constructible (en prévision d’un prochain changement d’affectation). La commune dispose alors de 14 mois pour mettre à l’enquête publique le plan en question et de 12 mois pour l’adopter (art. 47 al. 2 LATC). A défaut, le requérant pourra renouveler sa demande d’autorisation de bâtir, la commune devant statuer dans les 30 jours (art. 47 al. 3 LATC). Il s’agit d’une entorse au principe de prévisibilité du droit admise par la jurisprudence et la doctrine.

Dans l’affaire de Saint-Prex, le Tribunal fédéral relève que « … si le planificateur devait décider que la parcelle des recourantes deviendrait inconstructible ou, par exemple, qu’il serait imposé un coefficient d’occupation du sol minimum plus élevé que ce que prévoit la réglementation actuelle, le refus litigieux se révélerait avoir été particulièrement pertinent. Ce résultat n’est en rien arbitraire dans un contexte de révision de la planification dans le sens d’un redimensionnement de la zone à bâtir. » (c. 6.3).

Sur l’appartenance obligatoire de la parcelle à la zone à bâtir, le Tribunal fédéral relève que, dans le cadre d’un habitat de très faible densité et dispersé, il est évident que toutes les brèches dans le bâti ne sont peut-être pas raisonnablement destinées à être comblées. Il appartient au planificateur – et non à l’autorité en charge de la délivrance des autorisations de construire – de déterminer la constructibilité de la parcelle en cause. Selon la Cour fédérale, l’affectation en zone à bâtir « ne peut être déduite, lors de la délivrance d’un permis de construire, des seules caractéristiques des lieux » (c. 4.2).

Le Tribunal fédéral ne relève aucune violation du principe d’égalité de traitement dans le cas d’espèce (c. 7).

Tribunal fédéral, 1C_429/2018 du 30 septembre 2019.

 

Recours contre une décision en matière d’adaptation du plan directeur cantonal

Le Tribunal fédéral rejette le recours de la commune de Bätterkinden (BE) déposée à l’encontre de deux décisions rendues par les autorités cantonales bernoises relatives au plan directeur cantonal (fiche B_04). Celles-ci concernent la création d’un nouveau dépôt ou d’un dépôt supplémentaire par la société Regionalverkehr Bern-Solothurn AG (RBS). Elles ont modifié le statut de cette fiche, la faisant passer successivement au statut de « coordination en cours » (5.7. 2017) et de « coordination réglée » (14.12.2018).

La Cour examine en premier lieu si le recours de la commune est recevable en tant que les délais pour contester la décision de 2017 sont échus. En substance, il s’agit de déterminer si cette première décision constituait une décision finale ou si seule était finale la décision du 14 décembre 2018 prévoyant une mise à jour du PDc en attribuant le statut de coordination réglée à la fiche B_04. Selon le Tribunal fédéral, si la décision de 2017 était déjà considérée comme décisive, il risquerait de devoir se prononcer deux fois sur le même plan directeur cantonal, ce qui n’est pas conforme à la LTF. La décision de 2017 est donc une décision incidente ; il est possible de la contester dans le cadre du recours formé contre la décision finale de 2018.

Sur le fond, le Tribunal examine dans quelle mesure les actes de planification directrice du cantonal portent atteinte à l’autonomie de la commune – laquelle est reconnue en matière de planification territoriale. Des restrictions de l’autonomie résultant d’actes de planification directrice sont possibles, pour autant que l’autorité cantonale n’outrepasse pas formellement ses compétences et qu’elle ne viole pas matériellement les règles cantonales et fédérales relevant de son autonomie. Tel n’est pas le cas dans l’affaire en cause.

Tribunal fédéral, 1C_19/2019 du 7.10.2019 (destiné à la publication)

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