Une exposition salue l’œuvre au sable de Gisèle et Nag Ansorge

Chloé Hofmann s’est plongée dans le travail du couple Ansorge.

Chloé Hofmann, chercheuse FNS au sein d’un projet sur l’animation suisse francophone dirigé par Maria Tortajada, s’est plongée dans le travail du couple vaudois. Si ce duo fut un pionnier dans le domaine du cinéma d’animation, Gisèle Ansorge a produit de son côté un corpus littéraire et artistique foisonnant. L’ensemble sera à découvrir dès cet automne.

« Lorsque j’ai étudié les films de sable de Gisèle et Nag Ansorge dans le cadre d’un cours, ils ont immédiatement résonné avec mon intérêt de longue date pour l’illustration », résume Chloé Hofmann. Et de rappeler qu’elle a notamment travaillé chez l’éditeur jeunesse La Joie de Lire.

D’emblée, elle est intriguée : « La littérature scientifique donnait à penser que peu de personnes utilisaient cette technique pour faire de l’animation. » Elle découvre lors de recherches pour sa thèse que, si c’est loin d’être le cas, plusieurs facteurs concourent à produire cette impression. D’une part, elle est la première à véritablement s’intéresser au corpus, que les historiens du cinéma se contentaient jusqu’alors tout juste d’effleurer du bout de leur plume. Les animateurs de sable ont uniquement produit des courts-métrages. Un format auquel se sont moins intéressés les chercheurs, qui ont longtemps privilégié les longs-métrages diffusés dans les réseaux dominants, et qui considéraient en outre l’animation comme un genre moins légitime car destiné aux enfants.

Une exposition grand public

En 2022, lorsqu’elle achève sa thèse, Chloé Hofmann se dit que son sujet mérite d’être valorisé. Au fil de son travail, elle a en effet découvert l’œuvre de Gisèle Ansorge, qui déborde largement le cadre du grand écran. « Le couple a été reconnu pour ses films, mais Gisèle Ansorge a également beaucoup écrit, dessiné ; à la fin de sa vie, elle s’est même lancée dans la gravure. » Son style, où l’omniprésence du grain tisse un dénominateur commun, demeure toujours reconnaissable.

Coup de chance, la Cinémathèque suisse, qui a beaucoup investi pour traiter le fonds des Ansorge, la soutient : une exposition, financée par un fonds Agora du FNS, ouvrira donc au public le 1er novembre au musée Alexis Forel de Morges. On y découvrira l’œuvre des Ansorge sous l’angle historique pour commencer, remontant à leurs premiers essais avec des marionnettes. Les travaux que Gisèle Ansorge a effectués avec Dode Lambert, avec qui elle s’est formée à la gravure, et la tisserande Danièle Mussard occuperont une salle. « C’est le court-métrage Les enfants de laine qui l’a amenée, en 1984, à s’intéresser aux textiles », rappelle la chercheuse.

La technique du sable

La deuxième partie de l’exposition sera consacrée aux pratiques contemporaines de la technique du sable. « Une réalisatrice qui fait des bas-reliefs avec du sable cinétique interviendra au musée pour créer une pièce spécialement pour l’exposition », détaille Chloé Hofmann. Un banc d’animation permettra au public, jeune et moins jeune, de mettre la main à la pâte. Elle précise : « Nous avons à cœur de monter une manifestation qui puisse se visiter en famille. » Des ateliers pour les enfants seront donc également organisés avec, à la clé, la production d’un petit film de sable.

« Le but est aussi de montrer à quel point cette pratique, que l’on continue d’enseigner dans certaines écoles, est vivante. » Elle en est convaincue : l’émergence du numérique s’accompagne d’un retour à la matérialité. « Ces dernières années, nombre de jeunes réalisatrices se sont mises à utiliser le sable ainsi que d’autres techniques traditionnelles, se positionnant contre le tout numérique. Elles y recourent certes en partie, notamment pour les appareils et le compositing, mais elles défendent l’artisanat, le geste créateur. » Autant de dimensions omniprésentes dans l’œuvre de Gisèle Ansorge : « En plongeant dans les archives et en découvrant l’ensemble de sa production, j’ai eu envie de la montrer, et aussi de proposer un ouvrage qui prolonge l’exposition. »

Celui-ci, à paraître cet automne chez In Folio dans la collection Presto, présentera, outre ses films et ses dessins de sable, ses travaux textiles et ses estampes, ses pièces radiophoniques et de théâtre ainsi que les romans et nouvelles qu’elle a publiés à la fin de sa vie. L’occasion de rendre hommage à cette puissante figure féminine et de lui rendre sa juste place sur la scène culturelle romande.