Le Prix de la Société académique vaudoise, qui sera remis lors du Dies, récompense le travail de la microbiologiste Clara Margot Heiman. Sa thèse ouvre de nouvelles voies de recherche sur une arme bactérienne dérivée de phages, intéressante pour la médecine et l’agriculture.
Diplômée d’un Master en sciences de la vie moléculaire, Clara Margot Heiman vient de terminer un doctorat en microbiologie mené sous la direction de Christoph Keel et de Jordan Vacheron à la Faculté de biologie et de médecine. Déjà maintes fois cité, son travail suscite l’engouement des spécialistes. Il est récompensé par le Prix de la Société académique vaudoise, qui distingue chaque année la meilleure thèse d’une des sept facultés de l’UNIL.
Au sein du laboratoire du docteur Keel, la scientifique cherche à mieux comprendre les mécanismes fondamentaux qui régissent le microbiote des végétaux. Elle s’intéresse à des bactéries (Pseudomonas protegens) bénéfiques pour les plantes, entre autres dans leur lutte contre les insectes nuisibles. Elle étudie le rôle des tailocines, des particules « sans tête » dérivées de phages (virus de bactéries), produites par ces pseudomonades et utilisées comme des armes pour tuer leurs ennemis.
« Les tailocines sont fabriquées par les bactéries suite à des dommages liés à l’ADN. Elles détruisent les cellules cibles de manière spécifique en perforant leur membrane », explique la scientifique. Pour la première fois au monde, elle observe la dynamique de production de ces tailocines au niveau cellulaire en utilisant de la microscopie par fluorescence. « Voir cette compétition en temps réel a été le plus bel accomplissement de ma thèse, c’était aussi très visuel ! » se souvient Clara Heiman, ravie. Des découvertes qu’elle a pu présenter devant près de 2000 personnes lors d’une conférence internationale sur l’écologie microbienne.
Sans accès au laboratoire durant la crise du Covid-19, la chercheuse constitue également une revue complète des connaissances accumulées sur les tailocines, couvrant l’histoire de leur découverte en 1954 jusqu’à présent, ce qui n’avait pas été fait depuis 20 ans.
Un combat invisible au rôle primordial
Trouver dans la nature un mécanisme que nous pourrions réutiliser pour notre bénéfice et pour celui de notre planète est une grande motivation pour Clara Heiman, dont le travail suscite l’intérêt de la recherche appliquée. « En agriculture, ces bactéries protectrices pourraient diminuer certains produits phytosanitaires en servant d’agents de biocontrôle. En médecine, en cas de résistance aux antibiotiques, elles offriraient une alternative intéressante à la phagothérapie puisque les tailocines, contrairement aux phages, n’ont pas d’ADN et ne risquent donc pas d’évoluer une fois inoculées. »
D’origine italo-américaine et naturalisée suisse, la chercheuse grandit à Nyon. Trilingue, elle est attirée par les langues avant de rencontrer une enseignante passionnée qui lui donne le goût de la biologie. Lors de son bachelor à l’UNIL, elle prend profondément conscience de l’existence de ce monde caché. « Invisibles, les bactéries ont pourtant un impact énorme sur nos vies. Pour moi c’est un privilège de pouvoir étudier cet univers microscopique. »
Aujourd’hui postdoctorante, la microbiologiste continue à l’UNIL son travail prometteur sur les tailocines.