Récipiendaires du tout nouveau prix en faveur de l’engagement pour la communauté, qui leur sera remis le 3 juin lors de la cérémonie du Dies academicus, Consuelo et Nino Cananiello racontent leur parcours, qui accompagne l’UNIL depuis près d’un demi-siècle.
Mémoire vivante du campus de Dorigny, Nino Cananiello, restaurateur historique de l’UNIL, a vu grandir l’institution, en même temps qu’il la nourrit, depuis bientôt 50 ans. Arrivé en tant que casserolier en 1973 à l’âge de 16 ans, employé des frères Panigas, premiers occupants des lieux, il a gagné en expérience, en compagnie de sa femme Consuelo, jusqu’à devenir gérant. Le couple, qui se rencontre à l’UNIL en 1977, prendra sa retraite fin août. Au cœur de la Banane, Nino et Consuelo nous racontent leur histoire, et celle de l’Université de Lausanne, juste avant de recevoir un prix qui leur sera décerné lors du prochain Dies academicus, pour leur engagement envers la communauté universitaire.
Vous allez recevoir un prix pour votre engagement en faveur de la communauté UNIL. Qu’est-ce que cette distinction représente pour vous ?
Nino : Personnellement je suis très touché. Nous en sommes surpris et honorés. Cela nous va droit au cœur, à mon épouse et à moi-même.
Votre histoire commence en même temps que celle de l’UNIL à Dorigny. Comment cela s’est-il passé ?
N. : Nous sommes là depuis les premiers jours. Je suis sur le site de l’Université depuis le 16 janvier 1973. J’ai commencé au Collège propédeutique, l’actuel Amphipôle, dans les baraques en bois, sur le parking. Mon épouse en octobre 1977. À l’époque, nous travaillions pour les anciens propriétaires, les frères Panigas. Je me suis ensuite associé pour la création du Restaurant de Dorigny, en 1982. Jusque-là, nous étions basés à l’Internef, la première vraie cuisine construite à l’UNIL. Je m’occupais aussi des achats pour les cafétérias de l’Internef et du Collège propédeutique. Nous avons déménagé en 1982 avec la construction de la Banane. En 2001, les Panigas sont partis à la retraite, et j’ai repris les restaurants universitaires à la rentrée d’automne. Nous avons commencé avec un seul menu, le même pour tout le monde, avec un service à table. Le self est arrivé plus tard. Nous avons aussi commencé à développer la boulangerie et la pâtisserie, que nous produisons aujourd’hui à 99%, au cours de cette période.
Vous connaissez l’UNIL depuis ses débuts, avec une présence à Dorigny depuis près de 50 ans. Qu’avez-vous eu envie de donner à ce campus ?
N. : Mon plaisir a toujours été de satisfaire les étudiants et les usagers en leur proposant des produits de qualité. Je l’ai toujours fait comme si c’était pour moi. Je ne veux pas donner aux autres ce que je n’aimerais pas que l’on me donne. Travailler avec des produits locaux a toujours fait partie de notre philosophie. Nous avons toujours travaillé avec les paysans de la région, avec un boucher d’Écublens à l’époque, aujourd’hui avec des partenaires de Lausanne, de Bremblens, des petits ou gros producteurs.
Consuelo : Nino y tient beaucoup, et il le dit encore aujourd’hui en cuisine. On donne à manger aux autres uniquement ce que nous mangeons nous-mêmes.
Vous proposez une cuisine à base de produits frais et locaux, tout en gardant votre identité. Est-ce important pour vous ?
N. : Oui, c’est important, et pour nous c’est évidemment une belle histoire. Et nous avons rapidement voulu pouvoir proposer une cuisine variée, avec un menu thaï dès 2001. Toujours avec des produits frais, en respectant les saisons.
C. : Nous proposons depuis longtemps différents types de cuisines, française, asiatique, par exemple. Mais nous gardons une base méditerranéenne. Presque tout se fait à base d’huile d’olive chez nous. À part la boulangerie, évidemment.
Vous comptez parmi les rares personnes encore présentes à Dorigny à avoir vécu la construction du campus et à avoir connu ses évolutions. Comment avez-vous vécu ces transformations ?
N. : Nous avons bien vécu ces évolutions, parce que nous avons toujours pu compter sur une bonne collaboration avec les différentes personnes à la tête de l’UNIL. À commencer par Guido Cocchi, l’architecte qui a conçu les premiers bâtiments. Quand il y avait des choses à réaliser pour les cafétérias, on nous demandait toujours conseil. Avec le temps, il a fallu faire plus. Nous nous sommes adaptés à ces changements et à l’agrandissement de l’UNIL.
C. : Nous avons en effet toujours été soutenus et avons pu compter dès le début sur une très bonne collaboration avec les différentes directions de l’UNIL.
Le prix que vous allez recevoir vous est attribué à vous deux, mais il salue aussi le travail de vos équipes.
N. : Je le répète souvent : seuls, on n’est rien. Et nous avons la chance de travailler avec des personnes qui nous ont rejoints il y a parfois 20 ou 30 ans.
Avec votre départ, beaucoup de personnes s’inquiètent du sort de votre personnel. Que va-t-il devenir ?
N. : Tout le monde va rester. Et nous en sommes très contents.
Une anecdote à nous livrer ?
C. : Je me souviens toujours d’Henri Rieben, le premier président de la Fondation Jean Monnet, qui venait manger tous les jours, chez nous au Restaurant de Dorigny. Un jour que sa femme devait le rejoindre, il m’a dit qu’elle allait sûrement me poser des questions, me demander s’il prenait du dessert. Ce à quoi je devais répondre que non, comme il avait du diabète. Que Monsieur Rieben buvait un café, sans chocolat, et mangeait parfois des fruits. Alors qu’il prenait toujours des glaces. Il est revenu à 16 heures pour me demander si sa femme avait posé des questions, et surtout pour demander une glace (rires).
Votre héritage va perdurer, puisque votre fils, avec son entreprise, est l’une des trois entités qui continueront de nourrir le campus dès septembre.
N. : Pour nous et aussi pour l’avenir de nos collaborateurs, cela nous rassure. Nous savons qu’un savoir-faire va continuer, grâce à toutes ces personnes qui nous entourent. Une fois encore, si nous en sommes arrivés là où nous en sommes aujourd’hui, c’est grâce à notre personnel.
Enfin, un mot sur les critiques et rumeurs dont vous avez fait l’objet au fil des ans : il serait impossible d’organiser des apéros sans passer par vous, parfois des reproches concernant la qualité des repas. Comment avez-vous vécu ces épisodes ?
N. : Les critiques nous ont fait mal, parce qu’elles étaient infondées. Il y a eu des changements dont les gens ne sont pas au courant et qui nous ont demandé des adaptations dont la grande majorité n’a pas entendu parler.
Qu’allez-vous garder de votre histoire à l’Université de Lausanne ?
N. : Nous avons eu la chance de servir le monde entier et avons passé de très belles années à l’UNIL. Je ne sais pas si je vais garder quelque chose en particulier. Parce que c’est notre bébé. Nous sommes partis de zéro. Mais nous sommes très fiers d’avoir pu servir des conseillers fédéraux, des conseillers d’État, les athlètes des JOJ, le dalaï-lama, le repas officiel du CIO. Qui a cette chance, une petite entreprise familiale comme la nôtre, de nourrir ces délégations et de recevoir autant de compliments ?
Un nouveau prix pour la communauté
Parmi les prix qu’elle remet au cours de la cérémonie du Dies academicus, en plus de ses traditionnels doctorats honoris causa, l’Université de Lausanne décernera dès cette année, le 3 juin, celui destiné aux personnes ou aux collectifs qui œuvrent au quotidien pour l’ensemble des usagers du campus. Le tout nouveau Prix de l’engagement en faveur de la communauté UNIL sera délivré en 2022 à Consuelo et Pantaleo Cananiello, plus connus à Dorigny en tant que Chelo et Nino. « L’idée de ce prix naît des réflexions de la Direction au cours de l’été dernier. Avec celui-ci, nous souhaitons montrer l’importance accordée à ce que tous les membres de l’UNIL sentent qu’ils font partie d’une communauté. Cela est particulièrement important au sortir de la période de pandémie et de confinement. Une manière de souligner le travail réalisé par les gens au service de notre institution, qui n’est pas toujours mis en lumière comme il le mériterait, explique Benoît Frund, vice-recteur « Transition écologique et campus ». Le couple Cananiello va quitter l’Université de Lausanne après plus de 40 ans d’activité. Ce prix est une manière de les remercier, avant de tourner une page importante de l’histoire du campus de Dorigny. » Selon le règlement du prix, qui prévoit soit la remise d’une somme d’argent destinée à une entité collective pour continuer son action en faveur de la communauté, soit un objet commémoratif, Monsieur et Madame Cananiello recevront une œuvre d’art assortie d’un diplôme. Ce nouveau prix est destiné à être pérennisé ; il sera remis lors de chaque Dies academicus au cours du mandat de l’actuelle Direction de l’UNIL.
Le programme du Dies, vendredi 3 juin à 10 h
Allocutions
Professeure Anne BIELMAN
Présidente du Conseil de l’Université
Madame Noëlle WILHELM
Coprésidente de la Fédération des associations d’étudiant·e·s (FAE)
Madame Cesla AMARELLE
Conseillère d’Etat, Cheffe du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture du Canton de Vaud
Professeur Frédéric HERMAN
Recteur de l’Université de Lausanne
Doctorats honoris causa
Faculté de théologie et de sciences des religions
Professeur Meir BAR-ASHER
Université hébraïque de Jérusalem
Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique
Professeure Norma M. RICCUCCI
Université Rutgers, New Jersey
Faculté des sciences sociales et politiques
Professeur Richard A. SETTERSTEN
Université d’État de l’Oregon
Faculté de biologie et de médecine
Professeure Catherine LUBETZKI
Sorbonne Université
Prix de l’Université de Lausanne
Monsieur Patrick MICHEL
Faculté des lettres
Prix de l’engagement en faveur de la communauté UNIL
Madame et Monsieur Consuelo et Pantaleo CANANIELLO
Prix de la Société Académique Vaudoise
Monsieur Ahmed AJIL
Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique