Ophélia Jeanneret a pris les rênes du Service sport santé UNIL+EPFL il y a 16 mois. Ses objectifs sont désormais clairement définis dans la stratégie de développement sur 15 ans qu’elle vient de présenter. Points forts ? La promotion du mouvement pour l’ensemble de la communauté, le renforcement du sport d’élite et la volonté de disposer d’une nouvelle salle high-tech.
« Un travail comme celui-là comporte d’importants enjeux en termes stratégiques », nous confiait Ophélia Jeanneret lors de sa nomination à la tête du Service sport santé UNIL+EPFL en novembre 2022. Et ses ambitions se concrétisent. La cheffe des sports vient en effet de dévoiler un concept de développement novateur pour les 15 prochaines années. Le Plan directeur sport santé UNIL+EPFL – Horizon 2036 présente ainsi les intentions de l’EPFL et de l’UNIL de devenir des institutions de référence en matière d’innovation aux niveaux cantonal, national et international. Quels sont les points clés de ce plan ? Qu’est-ce que cela implique pour tous les membres de la communauté ? Interview.
Vous êtes à la tête du Service sport santé UNIL+EPFL (SSUE) depuis environ 16 mois. Un premier bilan ?
Ophélia Jeanneret : L’expérience a été incroyablement enrichissante. Il était impératif de poursuivre ce qui avait été mis en place et de le clarifier davantage. Le besoin était réel de donner des mots à ce que les gens faisaient depuis longtemps déjà, en particulier avec le plan directeur. Nous n’avons pas révolutionné les choses, mais nous avons plutôt continué sur la lancée de ce que Pierre Pfefferlé, ancien directeur des sports, avait initié. Cependant, nous avons réussi à formaliser et structurer précisément nos actions dans ce plan. Nous avons également renforcé la dimension managériale de manière significative en clarifiant les responsabilités des collaboratrices et des collaborateurs. Nous leur avons redonné une vision claire de leurs missions respectives, ce qui a représenté une transformation interne significative. Prendre le temps de réaliser ces ajustements était essentiel pour être plus efficaces dans nos futures propositions à tous les niveaux.
Vous avez récemment rajouté le terme « santé » à la dénomination du Service des sports. Qu’est-ce que ça change fondamentalement ?
Nous nous concentrons vraiment sur le sport et la santé sans en faire trop. Nous avons la capacité de couvrir tous les aspects. D’une part, nous nous consacrons pleinement au sport, incluant le domaine de l’élite avec ses réglementations et ses compétitions. D’autre part, nous valorisons également le lien entre le sport et la santé, en prônant l’activité physique et le mouvement pour toutes et tous. Notre mission consiste également à travailler avec la jeunesse. Nous avons de nombreux athlètes dans le sport d’élite. Notre objectif est de les former au sport de haut niveau, mais aussi en matière de santé, en leur offrant une véritable éducation à la performance en santé durable. Pour nous, former des athlètes en bonne santé implique de leur enseigner l’importance de l’aspect global, comprenant l’efficience motrice, la nutrition, la psychologie du sport, la récupération et, bien sûr, la santé physique et mentale. Cela s’appelle le Projet 360°.
À propos de santé mentale, comment allez-vous entourer les athlètes ? Avec des psychologues ? Des coachs ?
Nous sommes en train de finaliser un partenariat, notamment avec l’Issul, (Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne) où nous trouvons les compétences nécessaires. Notre objectif, en ce qui concerne la santé mentale, est de développer des services allant du terrain de jeu à la recherche en psychologie du sport. Nous considérons ces domaines comme des axes thématiques forts. C’est un moyen clair de nous positionner en tant qu’interface entre la pratique et le monde académique. Cela implique d’offrir des services de qualité tout en garantissant un suivi scientifique rigoureux des projets et des services que nous proposons.
Quels nouveaux programmes allez-vous proposer aux membres de la communauté et aux sportifs d’élite ?
Nous couvrons déjà une large gamme de services, notamment la nutrition, la psychologie du sport, les massages, la physiothérapie et les services médicaux, principalement pour les athlètes d’élite, mais aussi pour les membres de la communauté universitaire en général. Nous proposons également des programmes de renforcement musculaire, d’endurance, et nous avons une expertise particulière dans le développement des compétences motrices, ce qui inclut le développement des capacités de coordination. La force de notre approche est de pouvoir s’appliquer aussi bien au sport de performance qu’au sport amateur. Nos services sont très complets et nous visons maintenant à développer des axes thématiques spécifiques. Cette démarche est à la fois intéressante pour notre communauté universitaire et s’inscrit dans le cadre d’un concept appelé l’Athlete Hub, qui s’inscrit plus largement dans celui du Swiss Olympia Park, dans lequel l’UNIL, l’EPFL et le SSUE se sont déjà engagés. Il vise à proposer un accompagnement personnalisé autour de la carrière de tous les athlètes d’élite de Suisse romande. Il s’agit donc d’une opportunité unique pour Dorigny de se positionner comme un pôle important du Swiss Olympia Park, à l’instar de Macolin et de Tenero.
Plus généralement, comment allez-vous procéder pour créer des passerelles entre le sport pur et la santé ?
Nous allons principalement renforcer les collaborations déjà existantes. Nous avons des liens étroits avec l’Issul, la FBM, le CHUV et Unisanté. Nous souhaitons encadrer non seulement les athlètes, mais aussi les étudiantes et les étudiants, le personnel administratif et technique, ainsi que toute personne bénéficiant de nos services. Cette approche collaborative est essentielle pour assurer un suivi efficace de nos utilisatrices et utilisateurs.
Concrètement, comment s’organise une approche collaborative avec ces diverses institutions ?
Il y a des séances de coordination essentielles, notamment avec le CHUV, en raison de l’arrivée des médecins. Récemment, nous avons participé aux Assises du sport vaudois avec Stéphane Tercier, chirurgien pédiatre et médecin du sport. Nous partageons avec lui le désir d’accompagner les jeunes de manière globale. Concrètement, nous travaillons ensemble sur des projets de développement et d’innovation. Actuellement, nos services de base comprennent le diagnostic médical, ainsi que toutes les prestations mentionnées précédemment. De plus, nous avons des ambitions de développement supplémentaires. Nous aspirons à fournir une recommandation numérique personnalisée pour toutes ces prestations. Pour nous, la santé signifie placer l’humain au centre, en répondant de manière individualisée à ses besoins, qu’il s’agisse de sport pour le plaisir ou de sport d’élite.
Bouger, santé durable, mouvement : votre objectif consiste à sensibiliser les individus à l’importance de la prévention et de les orienter vers des modes de vie plus sains. Cela correspond-il à un besoin impérieux de la société ?
Oui, cela fait écho à une évidence. Nous sommes tous conscients des bienfaits du mouvement en matière de prévention. En tant qu’institutions telles que l’UNIL et l’EPFL, nous avons la responsabilité de nous engager pleinement dans cette démarche de prévention. Les statistiques préoccupantes sur la sédentarité et l’augmentation des maladies non transmissibles soulignent l’importance d’une approche globale, combinant le mouvement, une alimentation saine et des soins adaptés. C’est pourquoi notre initiative porte le nom de 360°. Le besoin, souvent sous-estimé, est en réalité profond chez de nombreuses personnes. Notre rôle est d’éveiller cette conscience chez les gens et de les orienter vers la prévention, en considérant le mouvement comme un ingrédient de base à la santé durable des individus. La notion de santé durable conçoit l’humain dans sa globalité, incluant son environnement de vie. Il s’agit là d’un enjeu crucial pour la société et la santé publique.
Dans votre plan, vous évoquez des approches pluridisciplinaires, humanistes et inclusives dans le sport.
Oui. L’idée fondamentale réside dans un humanisme affirmé. Cela implique de placer l’individu au centre, en tenant compte de ses particularités. Peu importe qu’il s’agisse de filles, de garçons, de membres de la communauté LGBTQ ou de personnes en situation de handicap physique ou mental, il est essentiel pour nous d’adopter une approche centrée sur l’individu et de proposer des recommandations personnalisées. Nous avons encore beaucoup à offrir, notamment en ce qui concerne l’évolution des possibilités pour les personnes en situation de handicap physique. Ce qui est crucial pour nous, c’est que tout le monde ait la possibilité de participer à des activités physiques.
Vous affirmez également vouloir enrichir les Jours santé. À quoi peut s’attendre la communauté ?
L’objectif de l’année 2024 est clair : fédérer les deux campus autour d’un événement d’envergure. Nous avons d’ailleurs créé un groupe de travail commun UNIL-EPFL-SSUE. Nous avons décidé de mettre en lumière la santé sous toutes ses dimensions avec le fameux concept 360°, auquel, vous l’avez compris, je tiens beaucoup. Au cœur de cette initiative réside la force du lien, une idée qui reste à formaliser, mais qui promet de créer des relations plus fortes que jamais entre nos deux communautés. Une réflexion active et des travaux sont en cours pour étendre le tracé du parcours de cross sur le campus de l’UNIL. Cette extension permettra non seulement d’explorer de nouveaux espaces, mais aussi de renforcer le sentiment d’appartenance à notre institution. Une grande première sera la mise en place d’une conférence commune entre l’UNIL et l’EPFL. Prévue pour le 10 octobre, elle tombera à point nommé pour célébrer la Journée mondiale de la santé mentale.
L’offre du service s’étoffe de plus en plus. Possédez-vous les structures et les moyens de vos ambitions ?
C’est un aspect crucial à aborder. L’attrait que nous suscitons génère un flux de demandes déjà existantes, ce qui nous amène à jongler entre l’acceptation de ces requêtes, la prise de mandats et le renforcement simultané de nos ambassadrices et ambassadeurs par le biais de la formation. Nos formations antérieures, axées sur le fitness et le bien-être, avaient un potentiel d’évolution. Désormais, nous sommes en pourparlers avec l’Issul pour mettre en place un COS (Certificate of Open Studies) supervisé par un professeur et intégré au programme de la Formation continue UNIL-EPFL. Cette initiative s’intègre dans le plan d’intentions de l’UNIL d’ouvrir ses formations à un plus large public. Cette attestation de Health Coach vise ainsi à former des ressources de qualité pour les événements santé ou pour répondre à des mandats spécifiques. L’objectif est ainsi de former des multiplicatrices et des multiplicateurs de notre approche à 360°. Nous anticipons ainsi les demandes qui, effectivement, devraient susciter un vif intérêt.
En termes d’infrastructures, vous souhaitez construire une salle de sport du futur à l’heure où l’on parle pourtant d’un moratoire sur les bâtiments du campus.
Nous avons impérativement besoin d’une troisième salle. Simplement parce que les deux autres sont passablement vieillissantes et pleines tout le temps. Et la RTS et l’Hesav vont s’implanter sur le campus. Bâtir une troisième salle, c’est un acte de santé publique. On n’est pas en train de parler de bureaux vides ou de gens qui sont en télétravail. Ici, en fait, on a une jeunesse qui vit. Beaucoup de clubs dans le canton de Vaud refusent des membres par manque d’infrastructures. On est déjà saturé au niveau de la musculation. Cette salle devra être digne de l’EPFL et de l’UNIL, soit transpirer l’innovation technologique, digitale et sociale. Moyennant la validation des directions de l’UNIL et de l’EPFL et son inscription dans le plan des investissements, elle verra en principe le jour aux alentours de 2034.
Les sports aux JO de Paris
Le Service sport santé UNIL+EPFL sera présent à la Journée vaudoise des Jeux olympiques de Paris, prévue le 27 juillet. Elle sera suivie d’une rencontre avec les délégations des fédérations internationales le 28 juillet. « L’UNIL et l’EPFL auront des stands à Présence suisse, dans la Maison suisse, où seront proposés des ateliers en lien avec la recherche et les initiatives de l’UNIL et de l’EPFL, explique Ophélia Jeanneret. Cela promet d’être intéressant et diversifié, avec la présence de jeunes, de sportives et de sportifs et probablement d’étudiantes et d’étudiants qui participeront aux compétitions. »