« Le marathon est bon pour la santé »

Marathonien assidu, le cardiologue Aaron Baggish va travailler avec des athlètes et des étudiants à l’intersection du sport et de la santé.

Rencontre athlétique avec Aaron Baggish, médecin du sport, cardiologue engagé par l’UNIL et le CHUV pour développer son approche scientifique et médicale à l’intersection du sport et de la santé.

Courir est le titre d’un livre de Jean Echenoz (la vie romancée du fameux marathonien tchèque Emil Zátopek) et c’est aussi la passion et le métier d’Aaron Baggish, professeur ordinaire à l’Institut des sciences du sport (Issul), qu’il connaissait déjà comme professeur invité par un autre médecin du sport, Bengt Kayser. L’Issul rassemble des compétences sportives et médicales diverses à la Faculté des sciences sociales et politiques et à la Faculté de biologie et de médecineAaron Baggish donne aussi 30% de son temps au CHUV, comme médecin-chef au Service de cardiologie.

Directeur médical du Boston Marathon

Ce professeur de 47 ans a déjà couru une quarantaine de marathons à travers l’Europe et les États-Unis, d’où il vient. Il lui reste à découvrir le marathon de Lausanne, lui qui a apprécié les difficultés des 20 kilomètres à travers la ville pentue. À Boston, il dirigeait un programme associé à la performance cardiovasculaire au Massachusetts General Hospital Heart Center, ainsi que l’équipe des médecins du plus vieux marathon annuel du monde. Il avoue aimer le froid et courir « par tous les temps ».

En famille

Désormais, il sillonne les rives du Léman de manière très régulière. Selon lui, « il est préférable de répartir sur la semaine plusieurs entraînements courts, que de regrouper tout l’effort sur une ou deux sorties plus longues ». Le cardiologue est également un adepte du ski de fond, « qui fait travailler les muscles autrement et parfois mieux que la course à pied ». Des sports qu’il pratique seul ou en famille ; sa femme architecte, qui a créé un podcast à succès intitulé When women fly, « est meilleure athlète que moi », souligne-t-il. Leurs trois enfants ont respectivement 14 (une fille), 11 et 8 ans (deux garçons). Précisons que le bureau du professeur se situe dans l’espace ample et clair du bâtiment Synathlon, si proche des infrastructures sportives de l’UNIL-EPFL.

Effets sanguins du sport

L’enseignement d’Aaron Baggish porte sur la physiologie de l’exercice, donc la connaissance et l’exploration des effets du sport sur tous les organes. Avec lui, pas question de rester assis sur sa chaise : il faudra bouger, quitte à s’offrir soi-même comme objet d’étude. Les étudiants et les athlètes de la région, et d’ailleurs, participeront en effet aux recherches qui seront menées à l’UNIL et au CHUV. Le chercheur mentionne déjà deux projets : une étude des changements induits par le sport dans la chimie sanguine – « on peut voir la signature de l’exercice dans le sang » – ainsi qu’un programme basé au CHUV, consacré à une population minoritaire d’athlètes ayant des problèmes cardiaques, nécessitant un suivi par des médecins capables d’associer les deux problématiques du sport et du cœur.

Maladies préexistantes

Aaron Baggish s’intéresse, notamment, aux causes de la mort subite dans le sport, souvent génétiques chez les plus jeunes, et diverses (cholestérol, hypertension, par exemple) chez les sportifs plus âgés. Son message : l’exercice physique est bon pour tout, mais il peut aussi révéler des maladies préexistantes et qui exigent un traitement médical approprié. « Beaucoup de personnes courent encore le marathon à 80 ans, il ne faut pas avoir peur, mais le sport à lui seul ne soigne pas les maladies », précise le spécialiste, sachant que les athlètes endurcis ont tendance à ignorer certains signaux. Tous problèmes confondus, c’est environ 1000 coureurs (sur 30’000 participants) qu’il faut secourir sur un marathon comme celui de Boston.

Gérer la dépression

Le sport joue un rôle essentiel dans la prévention des maladies, notamment cardiovasculaires. Aaron Baggish rappelle aussi que nombre d’athlètes sont de potentiels dépressifs qui se soignent, consciemment ou non, en pratiquant leur sport. « L’exercice est une bonne manière, parfois meilleure que la chimie, de gérer la dépression, les troubles anxieux et toutes les maladies mentales », estime-t-il. La transformation bien visible du cœur (sous les aspects de la taille, de la forme et de la fonction) joue en outre un rôle direct dans l’amélioration des performances…

Au moins 150 minutes par semaine

La pratique sportive doit s’étendre au minimum sur 150 minutes par semaine pour engendrer un effet avéré sur le fonctionnement du muscle cardiaque, la santé des artères et la réduction de la pression sanguine. Les grands athlètes accordent évidemment beaucoup plus de temps à leur sport. Un bon entraînement régulier est essentiel pour « rendre la pratique sportive plus sûre », insiste le chercheur. Cela dit, « un peu d’exercice est toujours mieux que pas du tout », conclut-il.