La culture se met au vert

Entre bâtiments énergivores, matériaux temporaires ou expositions itinérantes, le secteur culturel consomme, mine de rien, de l’énergie.

Entre bâtiments énergivores, matériaux temporaires ou expositions itinérantes, le secteur culturel consomme, mine de rien, de l’énergie. À l’Unil, un sommet international et un projet de recherche-action explorent des pistes pour réduire son empreinte écologique. Les explications de Greta Ortalli, doctorante en géographie.

On pointe souvent les avions ou les SUV, mais la culture aussi pollue : elle construit, transporte, attire toujours plus de visiteuses et visiteurs. Pour en discuter, l’Unil accueillera du 8 au 10 octobre le sommet Inaugural Culture for the Planet Summit (voir encadré). Scientifiques, représentantes et représentants de diverses institutions ou encore artistes y confronteront leurs idées et expériences. Parmi eux, Greta Ortalli, doctorante à l’Institut de géographie et durabilité de l’Unil. Elle y collectera des données notamment en vue d’alimenter un projet plus large : Culture for the Planet. Lancé à l’Unil par le professeur Martin Müller et Julie Grieshaber, ancienne étudiante en master, ce projet vise à donner aux musées et aux institutions des arts de la scène, partout dans le monde, des outils et des actions concrètes afin de mener la transition vers la durabilité.

Plus de 200 institutions

Le secteur artistique et culturel obéit donc lui aussi à la logique de la croissance. Si l’objectif semble louable (plus d’art et de culture pour toutes et tous), il implique une consommation accrue de ressources et d’énergie. Pour objectiver ce constat, l’équipe de l’Unil a mené une enquête auprès de plus de 200 institutions dans le monde. « Le milieu culturel a un réel potentiel, mais peine encore à passer à l’action », constate la chercheuse.

L’ambition de Culture for the Planet consiste à proposer des outils pratiques. « Nous développons des indicateurs quantitatifs et qualitatifs pour aider les institutions à se situer et se fixer des objectifs », explique la doctorante. Ces indicateurs devraient aboutir à un système de gestion durable et à une certification comparable aux normes ISO, mais adaptée au secteur culturel.

La démarche se veut collaborative : « Nous créons les outils avec les institutions », insiste la doctorante. Plus de 30 partenaires, du Guggenheim de Bilbao à Plateforme 10, en passant par le Théâtre Vidy-Lausanne et des musées, théâtres et opéras du monde entier, collaborent directement avec l’équipe. Une véritable recherche-action, où la théorie se forge sur le terrain.

Exemples inspirants

Des initiatives concrètes émergent déjà : l’Opéra de Zurich produit de l’électricité grâce à des panneaux photovoltaïques. La Monnaie/De Munt à Bruxelles vise 50% de matériaux recyclés pour ses décors, costumes et accessoires. À Vidy, des ateliers participatifs invitent le public à créer autour de la durabilité.

Des gestes sympathiques mais qui paraissent encore symboliques en termes d’impact. Greta Ortalli nuance : « Les institutions culturelles n’ont peut-être pas l’empreinte la plus lourde, mais elles sont visibles et jouissent d’une grande confiance. Quand elles évoluent, elles peuvent inspirer l’ensemble de la société. »

Des défis structurels et financiers

Si le projet Culture for the Planet bénéficie déjà du soutien du FNS et d’Innosuisse via le programme Swiss BRIDGE Discovery Grant, la certification ainsi que l’organisation de rencontres internationales, tel le sommet lausannois, nécessitent des ressources supplémentaires. Mais au-delà de ces outils techniques, Greta Ortalli appelle à une véritable transformation. « Un musée durable, c’est un musée qui assure le bien-être de toutes et tous, dans le respect des limites planétaires. » Cette vision suppose une gouvernance plus horizontale et une ouverture vers des publics plus diversifiés. Trop souvent encore, rappelle-t-elle, « les musées ressemblent à des tours d’ivoire fréquentées par un public homogène et privilégié. Il faut les réinventer comme des lieux conviviaux et inclusifs. »

Un engagement pionnier

Le premier Culture for the Planet Summit aura lieu à Lausanne du 8 au 10 octobre 2025. Il marquera le lancement officiel de l’Alliance Culture for the Planet, une nouvelle étape du projet initié en 2024, porté par l’Unil et la ZHAW (Zürcher Hochschule für angewandte Wissenschaften).

Pendant trois jours, des experts et expertes internationaux de la culture, des membres fondateurs et des partenaires académiques se réuniront autour d’ateliers, workshops, sessions stratégiques et moments de réseautage, organisés dans plusieurs lieux emblématiques de Lausanne : Musée olympique, Théâtre Vidy-Lausanne, La Grange de l’Unil et Plateforme 10. Point fort de l’événement : la présentation publique de la Déclaration de Lausanne, un engagement pionnier pour la durabilité dans les arts et la culture, collectivement signée par les membres fondateurs de l’Alliance Culture for the Planet.

La troisième journée (10 octobre) sera ouverte sur inscription aux professionnelles et professionnels locaux de la culture, avec des masterclasses pratiques animées par des institutions de référence comme l’Unesco, ICOM Sustain, le Museu de Arte de São Paulo, le MOWAA et le Guggenheim Bilbao.