Le 7 octobre, dans le cadre des Jours santé UNIL+EPFL, Fabrice Dini présentera cette approche innovante qui vise à faire émerger l’individualité de chacune et chacun. Née en Inde au début du siècle dernier, cette philosophie dessine le futur de l’éducation.
Pourriez-vous résumer les principes de l’éducation intégrale ?
Fabrice Dini : C’est un philosophe indien, Sri Aurobindo, qui les a posés avec la Française Mirra Alfassa, qui les a ensuite diffusés durant la première moitié du XXe siècle. Il s’agit de s’adresser à toutes les parties de l’être humain, du corps physique à l’être émotionnel en passant par les facultés mentales, les sens esthétique et éthique. Au centre de chaque être humain, il y a une présence qui tend naturellement à se diriger vers ce qui est juste et vrai. Garder le lien avec soi-même constitue un élément essentiel de l’éducation intégrale, on encourage l’enfant à le cultiver.
Cela semble très loin de notre système éducatif, qui met l’accent sur les savoir-faire comme lire ou compter !
Il est en train de changer. Je présente l’éducation intégrale dans les HEP et elle suscite beaucoup d’intérêt. Parce que l’on réalise que rester assis huit heures par jour sur une chaise n’est pas la meilleure façon de s’instruire.
Cela va dans le sens des dernières découvertes dans le domaine des neurosciences…
En effet, le système a du retard sur la science. On sait maintenant que l’activité physique permet à notre cerveau comme à notre être émotionnel de se développer.
Vos interventions ne signalent-elles pas que les choses sont en train de changer ?
Absolument. Le nouveau plan d’études romand s’oriente d’ailleurs vers une vision intégrale. Le spectre du savoir nécessaire a été élargi, incluant désormais la confiance en soi, la connaissance de ses capacités ou le vivre-ensemble. On aborde à présent une période transitoire où il s’agit de réfléchir à la manière de le mettre en œuvre dans les classes des degrés obligatoires.
On reproche souvent aux approches innovantes d’être trop permissives. Est-ce le cas pour l’éducation intégrale ?
Non, au contraire, il y a beaucoup de discipline, mais on l’applique de façon subtile. Il revient aux adultes de poser un cadre, par exemple en déterminant l’heure du coucher ou le temps passé devant un écran. Mais on évite d’enseigner à l’enfant ce que l’on considère comme bien ou mal. Pour qu’il soit en mesure de s’aligner sur ce qui est juste et vrai de lui-même, on l’encourage à écouter son ressenti, par exemple, en le guidant à s’interroger sur ses émotions face à une situation. Le rôle de l’adulte est d’accompagner, de partager et de soutenir.
Comment avez-vous découvert cette approche ?
À 20 ans, je suis parti en Inde, où j’ai entre autres étudié la pleine conscience. Puis, en m’installant à Auroville, j’ai rencontré le travail de Sri Aurobindo et Mirra Alfassa. Je me suis plongé dans l’éducation intégrale pendant une dizaine d’années, j’ai collaboré avec différents pédagogues et commencé à organiser des conférences pour eux tout en me lançant dans l’enseignement. J’ai même fini par fonder une école là-bas.
Puis vous avez écrit un premier livre sur la question…
Oui, en 2010. Ensuite, j’ai réfléchi à des façons de mettre ce système éducatif en place en incluant les dernières découvertes des neurosciences et de la psychologie. C’est la force de cette approche très dynamique, cela lui permet de ne pas rester figée sur des principes édictés il y a un siècle. Après quatre ans de recherches, j’ai résumé mon travail dans un livre, que j’ai achevé en Suisse. Et il vient d’être traduit en turc !
L’éducation intégrale peut donc se couler dans toutes les civilisations et tous les systèmes scolaires ?
Oui, car le contexte est très différent selon que l’on se trouve en Turquie, en Valais ou en Inde. Les principes et la colonne vertébrale demeurent, mais offrent suffisamment de souplesse pour s’adapter à ce qui est juste à un endroit donné.
Mais pour que cela fonctionne, ne faudrait-il pas aussi que les parents s’y mettent ?
Bien sûr, l’éducation intégrale vise toutes les personnes en contact avec des enfants. C’est une approche qui permet à tout le monde de jouer pleinement son rôle. Chacun manifeste son unicité à travers un bouquet de forces particulières. Les exprimer est essentiel pour s’épanouir dans la vie. Lorsqu’on les a repérées, cela permet aussi de les utiliser pour gérer ses difficultés.
En somme, être au clair sur ses faiblesses rend plus fort ?
Si nous mettions en application les connaissances actuelles, il serait possible d’éviter beaucoup de détresse. Au lieu d’être en mode réactif et chercher des solutions lorsque les problèmes se manifestent, nous pourrions instaurer un système qui empêche leur apparition. Dans mon cabinet, à Sion, je reçois énormément de jeunes qui souffrent de stress chronique. Or, c’est un trouble que l’on peut éviter en mettant en place les principes de l’éducation intégrale.
GRANDIR EN S’ÉPANOUISSANT
Fabrice Dini |Lundi 7 octobre | 18:30 – 20:00 (en français) | Bâtiment de l’Amphimax Inscriptions
Les Jours santé UNIL + EPFL
Mentale ou physique, elle tiendra la vedette du 30 septembre au 10 octobre sur les deux sites. La santé sera au cœur de la manifestation, qui s’inscrit dans le droit fil du projet « Campus en santé », organisée conjointement par la Task Force santé mentale et bien-être de l’EPFL, le Service sport santé UNIL+EPFL (SSUE) et l’UNIL. Elle cible bien sûr les étudiants, mais pas seulement, comme le détaille Sonia Matthey, responsable de l’événement au SSUE: « Nous visons toute la communauté, qui, entre l’UNIL et l’EPFL, compte près de 40’000 personnes – l’équivalent d’une petite ville. Nous nous adressons donc à la totalité de ses habitants »
Dense, le programme débute avec un cross sur les deux campus, trois jours de village santé sur l’EPFL, puis un forum dédié aux industries. L’UNIL prend le relais la semaine suivante, pour quatre journées cette fois. Au menu de ces deux semaines : stands d’information, tests santé, conférences, tables rondes et ateliers sur des thématiques aussi variées que la motivation ou le syndrome de l’imposteur. L’occasion par ailleurs de s’initier à la méditation de pleine conscience ainsi qu’à différentes activités physiques lors de sessions de 20 minutes proposées trois fois par jour. L’événement, entièrement gratuit, s’ouvre également au grand public le temps d’une conférence avec Fabrice Dini sur l’éducation intégrale (voir interview ci-dessus).
Pour clore l’événement, les deux institutions organiseront une conférence commune sur la question des enjeux de la gouvernance en matière de santé durable. En outre, le parcours du cross, qui passera cette année pour la première fois sur le site de l’UNIL, pourrait bien devenir pérenne. Encore une manière de lutter contre la sédentarité en facilitant l’accès au mouvement sur le lieu de travail ou d’études.