La photo scientifique de Bastien Ruols, doctorant en Faculté des géosciences et de l’environnement, a été primée par le prix SNSF. L’occasion de découvrir les passions du chercheur.
« J’aime beaucoup réfléchir à la composition de l’image. » Bastien Ruols, doctorant à l’Institut des sciences de la Terre à l’UNIL, a reçu ce printemps une distinction du prix SNSF pour son cliché Cold Camping, pris sur le glacier d’Otemma (VS). En août 2023, il a campé sur la glace avec des scientifiques de l’UNIL et capté cet instant grâce à un drone. « J’aime cette photo pour plusieurs raisons. Les tentes orange, individuelles, pour dormir, contrastent bien avec les couleurs ternes, bleues et grises, de la glace. A la surface, des traces et des fissures témoignent du dynamisme du glacier. »
De 2021 à 2023, cette équipe s’est ainsi rendue en Valais. Bastien Ruols était chargé de collecter les données grâce à un drone-radar, dont le développement et l’utilisation constituent son sujet de thèse. « Au début, nous nous sommes greffés à un projet existant. Tout était organisé, souligne-t-il. En 2023, nous avons pris notre indépendance et tout installé nous-mêmes. »
Pour autant, dormir sur la glace n’a pas été une évidence. « C’était une première pour moi. II faisait très froid, reconnaît le chercheur. En plus, c’est une vallée encaissée. Le soleil ne paraît que de 9 heures à 16 heures. »
Plus d’un kilomètre en moins
Situé en Valais, le glacier d’Otemma mesure environ 7 kilomètres de long pour 600 mètres de large au maximum. Entre 1973 et 2010, il a reculé de 32 mètres par an en moyenne, soit quelque 1,2 kilomètre en 37 ans. En 2014, son épaisseur était estimée à environ 250 mètres en moyenne.
Bastien Ruols, doctorant à l’Institut des sciences de la Terre de l’UNIL, a constaté de lui-même l’impact du réchauffement climatique sur les lieux. « En démontant nos tentes, on a trouvé des socles de glace. Autour des tentes, la glace avait fondu de 10 centimètres de plus que dessous… Cela va très vite… En une semaine on voit des changements. C’est incroyable ! »
« On est plus précis »
Pour scanner le site valaisan et d’autres en Suisse, le chercheur a utilisé une technique géophysique, nommée géoradar. Le drone équipé a ainsi quadrillé le glacier d’Otemma à cinq mètres du sol. Au total, ce sont plus de 110 kilomètres de lignes de données collectées. « On utilise des antennes qui émettent des ondes qui vont se propager dans la glace, se réfléchir et être récupérées à la surface. Cela nous permet de calculer la distance parcourue par ces ondes et donc de localiser précisément des structures internes dans la glace », explique cet ingénieur de formation.
Cette méthode est utilisée depuis des décennies en glaciologie, que ce soit en traînant un radar derrière soi, à pied ou en motoneige. Ou par les airs. « Avec un avion ou un hélicoptère, on gagne en efficacité, mais on perd en précision et en qualité, car on est plus loin de la surface. Avec un radar placé sous un drone, on est plus précis. » Un bémol ? « On ne peut parcourir autant de distance qu’un hélicoptère et la qualité est un peu moins bonne qu’à pied. Ce système est donc un bon complément aux méthodes existantes. »
Dans l’Arctique canadien
Après la publication d’un premier article en novembre 2023, plusieurs scientifiques ont contacté Bastien Ruols, dont une équipe de l’Université de Montréal. Celle-ci étudie une structure glaciaire sur l’île la plus septentrionale du Canada, située à plus de 83° Nord, à quelque 700 kilomètres du pôle Nord : Ward Hunt. Ces chercheurs voulaient bénéficier de son expertise. Soutenu financièrement par l’Institut polaire suisse, le doctorant est parti un mois en Arctique, en mai. « Il s’agissait de cartographier un dôme de glace d’environ 40 km2, soit une couche glacée d’eau douce sur une couche glacée d’eau salée, reposant elle-même sur du permafrost. Ces structures sont spécifiques aux zones polaires. »
Avec ses confrères canadiens, Bastien Ruols a quadrillé le dôme de glace avec une motoneige munie d’un géoradar. « Avec le drone, on ne peut survoler 40 km2, d’où l’utilité de la motoneige. Par contre, il nous permet d’atteindre des endroits clés, inaccessibles en motoneige. On a ainsi des données inédites. »
Bastien Ruols va collaborer avec l’équipe canadienne pour analyser les données recueillies. Il doit désormais rendre sa thèse, supervisée par James Irving, et souhaite poursuivre avec un postdoc. « Je suis très axé terrain. J’apprécie d’être en montagne et j’ai particulièrement aimé cette première expérience polaire. »
Autres récompenses
Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, Bastien Ruols, doctorant à l’Institut des sciences de la Terre à l’UNIL, a participé avec succès au concours d’images lancé lors des festivités des 20 ans de la Faculté de biologie et de médecine et de la Faculté des géosciences et de l’environnement de l’UNIL. Deux de ses clichés ont été récompensés, l’un dans la catégorie « Durabilité » et l’autre dans la catégorie « Ma faculté ». Les prix ont été remis le 20 juin.