Découvrez les superpouvoirs des animaux

Chouette, fourmi, chauve-souris, le vivant a de nombreuses capacités. Entre socialisation, reproduction, communication, leurs dons sont innombrables.

Chouette, fourmi, chauve-souris, grenouille ou moustique, le vivant a de nombreuses capacités insoupçonnées. Entre socialisation, reproduction, communication, leurs dons sont innombrables. Tour d’horizon non exhaustif avec des scientifiques de l’UNIL.

Une alliée de taille
© Quentin Fort

Bonne chasseuse et bonne négociatrice, polyamoureuse, tantôt blanche, tantôt rousse, la chouette effraie multiplie les talents. Elle détourne même la Lune à son profit. Un rapace nocturne blanc, cela semble paradoxal ? Pas pour elle. « On pourrait supposer que les proies les repèrent mieux dans l’obscurité. Ce n’est pas le cas », constate Alexandre Roulin, professeur à la Faculté de biologie et de médecine (FBM), à l’UNIL. L’effraie blanche fait ainsi de l’astre son alliée. « Elle chasse même en face de la Lune. Les souris paniquent et se figent, presque deux fois plus longtemps qu’avec les rousses. »

Quand une femelle choisit son partenaire, la couleur de son plumage n’est pas sans importance. Car c’est le mâle qui fournit deux tiers de la nourriture pour la couvée. « S’il est clair, elle tend à pondre les nuits de pleine Lune. Et à la nouvelle Lune avec un mâle roux. »

Ses taches sur le poitrail ? La preuve visible de ses forces et de ses faiblesses. « Plus ces marques sont nombreuses, plus l’individu souffrira du froid et ira vers ses congénères pour se faire réchauffer, souligne le scientifique. Chez les femelles, plus ces taches sont grosses, plus leurs petits résisteront aux parasites, au jeûne et au stress oxydatif. »

Dans la famille chouette, on a aussi le sens de la négociation. Les oisillons parlementent pour obtenir leur nourriture à tour de rôle, les aînés faisant office de baby-sitters pour les plus jeunes. « Comme l’effraie couve dès le premier œuf, il arrive qu’il y ait un décalage d’un mois entre les aînés et les cadets. C’est énorme », précise Alexandre Roulin.

Et la chouette a encore plus d’un tour dans son sac. Elle possède un solide appétit, une excellente ouïe, des oreilles et un conduit auditif asymétriques, et un visage arrondi qui fait office de caisse de résonance. Mais la fidélité n’est pas sa principale préoccupation, notamment chez la femelle. Elle peut pondre deux fois par an, en changeant de mâle. « La seconde fois, la moitié d’entre elles s’accouplent avec un mâle, puis un autre. Et c’est le dernier qui nourrira toute la nichée. »

Une limace kleptomane
© João Encarnação

Elysia timida est une voleuse. Elle pratique la kleptoplastie. En se nourrissant d’algues, elle épargne les chloroplastes, qui font la photosynthèse, à son profit. « Ce complément nutritif augmente ses performances, notamment au niveau de la reproduction, révèle Jorge Spangenberg, privat-docent en Faculté des géosciences et de l’environnement, à l’UNIL. La limace de mer ne peut faire seule la photosynthèse. Par ce vol, elle parvient à acquérir une certaine indépendance alimentaire. »

Telles des Amazones

Chez les singes vervets, « l’intelligence sociale est la clé pour bien s’intégrer », résume Erica van de Waal, professeure assistante à la FBM. Vivant en groupe organisé et hiérarchisé, le clan est dirigé par une femelle alpha. Un matriarcat où les filles héritent du rang de leur mère. « Comme les femelles sont apparentées, elles font des alliances entre elles et, malgré une différence de poids et de taille, elles remettent n’importe quel mâle à sa place et choisissent celui qui les rejoindra. »

© INKAWU Vervet Project

Dans une telle société, mieux vaut être un mâle issu d’une subordonnée pour s’intégrer. « Ce mâle a appris depuis bébé à respecter les dominants, à toiletter et éviter les conflits. Ce qui n’est pas le cas pour un mâle d’une femelle alpha », selon la scientifique. Mais l’épouillage n’est pas l’apanage des castes inférieures. « Certaines dominantes sont très cool. L’une d’entre elles toilette les autres et tous mangent ensemble, alors qu’une autre ne tolère même pas sa propre fille pour se nourrir. »

Les vervets poussent des cris différents selon les prédateurs, entraînant des réactions variées. Avec un serpent, ils se dressent sur deux pattes et observent autour d’eux. Avec un léopard, ils grimpent sur les plus petites branches pour fuir.

Être territorial, ce singe ne cède pas d’un pouce. « Si on construit un centre commercial là où il réside, il se nourrira dans le centre », sourit Erica van de Waal. Et chez eux, ce sont les femelles qui partent au combat.

Les chaises musicales
© Christophe Dufresnes

La génétique a plus d’un tour dans son sac. Chez les mammifères, le chromosome Y, propre aux mâles, joue son rôle depuis 170 millions d’années. Mais pas chez les amphibiens, où le maître mot est « diversité ». « Il y a pas mal de choses bizarres avec eux », souligne Nicolas Perrin, professeur honoraire à la FBM. Au fil des millénaires, leurs chromosomes sexuels se sont déplacés dans le génome. Une population d’une même espèce peut ainsi utiliser une paire de chromosomes sexuels et une autre une paire différente, selon l’aire géographique.

Et chez les grenouilles, on n’est pas à un paradoxe près. « Le déterminisme n’est pas entièrement génétique chez elles. C’est une question de probabilité. Certains XX deviendront des mâles et des XY des femelles. » Il existe même des mâles YY, impossible chez l’humain. Plus fort encore, chez des crapauds du Pakistan, tout le génome est à triple.

Conception immaculée
© Luca Soutter

On connaît les chauves-souris pour leur capacité à s’orienter ou à chasser dans l’obscurité, grâce à l’écholocation. On sait moins qu’elles ont toutes leur signature acoustique et sont capables de retrouver leurs petits parmi des milliers. Elles possèdent une bonne vue et émettent des ultrasons par la bouche. Sauf le rhinolophe qui, comme son nom l’indique, le fait par le nez.

Chez la sérotine commune, la conception sort de l’ordinaire. Son organe reproducteur mesure un quart de sa taille. C’est le seul mammifère connu à ne pas pratiquer la pénétration lors de l’accouplement.

Les chauves-souris hibernent. « Elles sortent de l’hiver affaiblies. Aussi, elles s’accouplent à l’automne, stockent le sperme, puis s’autofécondent au printemps », explique Philippe Christe, professeur associé à la FBM. Le minioptère de Schreiber va même plus loin. Chez lui, c’est l’embryon qui se met en pause. Et sans chauves-souris, qui pollinisent l’agave, pas de tequila. Et pas de baobab non plus.

Graine de moustique

Seule la femelle passe à l’attaque chez les moustiques. Pour la maturation de ses œufs, elle a besoin d’un repas sanguin et pique. Pour survivre, l’insecte possède le talent de détecter l’humidité. « Leurs larves sont aquatiques. Elles ont besoin d’eau pour éclore », précise Philippe Christe, professeur associé à la FBM.

© Bart Zijlstra

Ce diptère possède une grande résistance dans des environnements peu favorables. « Chez les moustiques tigres, les œufs peuvent supporter la dessiccation. On peut les laisser dans un tiroir un an, les plonger ensuite dans l’eau et les larves vont éclore. Comme une graine. »

Une légende urbaine sur ces insectes ? Leur attrait pour la lumière. « Ils sont en fait attirés par le CO2, même en très petite quantité, et par la chaleur dégagée. De vrais radars. »

Les fainéantes ont aussi leur place

Combattre, pratiquer la quarantaine ou la chirurgie, utiliser des antibiotiques, élever des pucerons ou cultiver des champignons, rien ne fait peur aux fourmis. Avec plus de 15’000 espèces à travers le monde, elles possèdent un large panel de comportements, au sein de sociétés variées. « Cela peut aller d’une colonie avec une reine et trois ouvrières jusqu’à des millions d’individus », relève Cleo Bertelsmeier, professeure associée à la FBM.

Pour protéger leur territoire, certaines n’hésitent pas à utiliser leurs mandibules ou des épines. D’autres sont de véritables kamikazes, comme Colobopsis explodens, qui, en dernier recours, contracte son abdomen pour se faire exploser.

© Alex Wild

Sur le champ de bataille, des fourmis africaines amputent des membres pour sauver leurs congénères. D’autres possèdent, à concentration égale, l’un des venins les plus douloureux au monde. « Comme Paraponera clavata ou fourmi balle de fusil, qui vit en Amazonie. Elle est ainsi nommée en raison de sa piqûre. Ou la fourmi électrique, Wasmannia auropunctata, connue pour aveugler des éléphants, en Afrique. »

Quant à Odontomachus, en refermant ses mandibules à près de 220 km/heure, elle se propulse à reculons pour échapper à ses ennemis. « C’est l’un des mouvements les plus rapides du règne animal », constate la spécialiste. Et chez les fourmis, ce sont les grands-mères qui se battent. Les jeunes s’occupent des larves et de la colonie.

Pour autant, la violence n’est pas toujours la panacée. La fourmi pot-de-miel préfère entamer un pas de deux pour négocier, alors que d’autres effectuent des offrandes pour apaiser les tensions. Mais les luttes territoriales ne sont pas leurs seules activités. Certaines cultivent des champignons ou pratiquent l’élevage de pucerons. Et déconstruisons un mythe : toutes les fourmis ne sont pas des travailleuses infatigables. Un bon tiers d’entre elles ne font rien.

Un appétit d’ogre
© Sara Mitri

Même si les bactéries ne sont pas des animaux, elles interagissent avec le vivant de manière étroite. Pathogènes ou non, ces micro-organismes ne manquent pas de capacités.

Se nourrir de pétrole ou de plastique, ça vous dit ? A certaines bactéries, oui. Grâce à leurs enzymes, elles parviennent à digérer même des huiles industrielles. « Elles dégradent des molécules complexes dans leur environnement, grâce à leur grande diversité de métabolismes », explique Sara Mitri, professeure associée à la FBM. Et Jan van der Meer, professeur en FBM, d’ajouter : « Dans le pétrole, il y a beaucoup de carbone, donc d’énergie, leur permettant de se nourrir. »

Outre cet appétit féroce, elles peuvent former des populations gigantesques, s’apercevant de loin. « Dans l’océan, des colonies de cyanobactéries, qui absorbent le CO2 et rejettent de l’oxygène, se voient depuis l’espace, formant des tâches vertes appelées blooms », rappelle la chercheuse. Et son confrère fait remarquer que « 40 à 50% de la photosynthèse s’effectue par les cyanobactéries ». Soit plus que l’Amazonie.

Dans une même communauté, bien que la compétition soit rude, elles collaborent et se spécialisent pour exister, permettant ainsi une survie à long terme. « C’est le pouvoir du collectif », souligne la biologiste.