Caméras HD, capteurs respiratoires, alertes instantanées : les baby monitors ont intégré le quotidien de nombreux parents. Supposés être des alliés pour veiller sur le sommeil des bébés, ils inquiètent parfois plus qu’ils ne rassurent.
En analysant 43 publications de mères sur le forum britannique Mumsnet, Chloé Michoud, chercheuse à l’Institut de psychologie de l’Université de Lausanne, s’est intéressée à la façon dont le langage coconstruit les représentations associées à l’utilisation des babyphones. Loin d’être de simples gadgets, ils s’inscrivent dans une logique de surveillance permanente, qui redessine les frontières de la « bonne » parentalité.
Une maternité sous surveillance
Sur la plateforme, les questions se multiplient : « Est-ce acceptable de regarder la télévision pendant que mon enfant dort ? » ou encore : « Puis-je laisser mon bébé sous surveillance du moniteur pour aller chercher l’aîné à l’arrêt de bus ? » Ce qui frappe la chercheuse ? « L’impératif d’une surveillance constante. » Être une « bonne mère » signifierait être en mesure d’anticiper, de surveiller… tout en vaquant aux obligations du quotidien. Le babyphone devient alors un prolongement de soi, contribuant à la prise en charge intégrale des enfants.
La technologie comme gage de responsabilité
Dans une société axée sur la prévention des risques, la surveillance numérique est aussi perçue comme un signe de parentalité
« responsable ».
« Si nous utilisons des montres connectées, c’est parce que nous pensons que mesurer notre corps améliorera notre santé. Cette logique peut s’étendre aux enfants. »
Chloé Michoud, chercheuse en psychologie à l’Unil
Face à la crainte de la mort subite du nourrisson (MSN), la gestion des risques reste une préoccupation centrale. « La technologie est perçue comme fiable et sûre, en contraste avec des parents humains, susceptibles de commettre des erreurs », poursuit-elle. Ces dispositifs offrent alors un sentiment de sécurité, permettant de veiller au bien-être de l’enfant et de rassurer les parents… ou presque.
Quand la technologie devient contrainte
Avec le temps, ce qui était censé soulager peut devenir une source de tensions. Fausses alertes, sommeil perturbé, vigilance accrue… nombreuses sont les mères qui remettent en question l’usage de ces dispositifs. Pourtant, elles redoutent aussi de s’en passer. « Les mamans sollicitent l’avis de la communauté, par crainte d’être jugées irresponsables si elles décidaient de ne plus les utiliser. Cela entretient un sentiment de culpabilité », observe la chercheuse.
Une efficacité à prouver
Si les babyphones se sont largement démocratisés, leur usage n’est pas recommandé par les associations pédiatriques. « Ces dispositifs ne sont pas labellisés comme des dispositifs médicaux, mais comme des objets de bien-être. Ils n’ont donc jamais été soumis à des essais cliniques pour évaluer leur efficacité », souligne Chloé Michoud.
Pourtant, les campagnes marketing les vendent comme un moyen de soulager l’anxiété des parents :
« L’industrie joue sur cet aspect pour les convaincre qu’un babyphone les rassurera davantage ou limitera les risques. En réalité, aucune étude indépendante ne permet de valider ces allégations, au contraire. »
Chloé Michoud, chercheuse en psychologie à l’Unil
Choisir de manière éclairée
Alors comment s’y retrouver ? « Dire simplement aux parents de ne pas utiliser ces outils serait culpabilisant », estime la chercheuse. Elle les invite à évaluer leurs besoins et envisager ce que leur usage impliquerait au quotidien. Choisir un modèle adapté est également essentiel, tout en gardant à l’esprit que la technologie devrait soutenir la parentalité, et non l’inverse.
À lire aussi
L’article sur la recherche de Chloé Michoud sur le site d’actualité de l’Unil.