L’épéiste helvétique numéro un s’est hissé parmi les meilleurs du monde, tout en préparant un Master en sport à l’UNIL. Portrait d’un athlète futé, au mental d’acier.
« Le côté intellectuel dans ce sport très physique et explosif me plaît énormément. J’aime créer ma stratégie pour piéger l’autre et mettre les touches sans me faire avoir », résume Alexis Bayard, numéro un suisse à l’épée (une des trois disciplines de l’escrime avec le fleuret et le sabre), douzième mondial et bientôt titulaire d’un Master en sport à l’UNIL en entraînement et performance – il recevra son diplôme ce mois de février. Notre rencontre se fait en visioconférence, le sportif étant en plein camp d’entraînement à Zurich avec l’équipe suisse.
Né en juin 1996, ce Valaisan de Sion vit pour le sport depuis petit, y compris dans ses rares moments de temps libre. Ses parents, fans de montagne, ont transmis à leurs deux fils le goût de la marche, de la grimpe et du ski. Alexis Bayard découvre l’escrime vers huit ans, alors qu’il s’était cassé la jambe, en assistant à un cours donné par sa cousine. Inscrit à la Société d’escrime de Sion, qui a lancé des médaillés olympiques tels que Jean-Blaise et Guy Evéquoz, ou encore Sophie Lamon, il croche et prend goût à la compétition.
La saveur du triomphe
L’escrimeur gaucher participe à des compétitions internationales avec l’équipe suisse dès 14 ans. Ses premières victoires, arrachées parfois « à la der », resteront gravées. Par exemple, « aux Championnats d’Europe U23 à Erevan, en Arménie, en 2018, on était proches de la défaite, mais on a gagné la finale. En équipe, les émotions sont plus fortes que seul ! On ne retrouve pas ces sensations au quotidien. »
Le Sédunois à la force tranquille aime raconter son sport, mais sans se la raconter. « Avec l’escrime, pas de grosse tête. Même si on a l’avantage pendant tout le duel, tout peut s’inverser à la fin. Et si on fait un beau résultat, aux compétitions d’après, on peut aussi être vite éliminé. » En témoigne le parcours tortueux de qualification de la Suisse pour les Jeux olympiques de Paris 2024 entamé au printemps 2023. En juin aux Jeux européens, l’équipe décroche l’argent mais sort au premier tour des Championnats du monde. Puis elle remonte aux compétitions suivantes. « Il reste deux coupes du monde par équipe avant de savoir si la Suisse sera qualifiée aux JO. Ce sera le stress jusqu’en avril-mai ! » souffle Alexis Bayard.
Indispensable appui de l’UNIL
L’athlète, grâce au soutien de Swiss Olympic surtout, est passé au stade de sportif professionnel après avoir rendu ses derniers travaux UNIL en fin d’année 2023. Dont son mémoire pratique, supervisé par le professeur Grégoire Millet, sur les effets bénéfiques de la répétition de sprints en hypoxie induite (diminution de la concentration d’oxygène dans le sang, ndlr) par hypoventilation volontaire chez des escrimeurs d’élite.
L’épéiste indique que sans le dispositif d’accompagnement pour les sportives et sportifs de très haut niveau à l’UNIL ses neuf entraînements par semaine entre Berne et Lausanne, dont deux de préparation physique au Centre Sport et Santé du Service Sport Santé UNIL+EPFL » auraient été difficilement compatibles avec ces hautes études. Il a pu les effectuer en trois ans à temps partiel (après un Bachelor en sport à l’Université de Fribourg). « Dans la malchance du Covid, commencer le master en 2020 avec les cours sur Zoom et enregistrés était une chance. J’ai pu m’entraîner à la carte et rattraper les leçons plus tard. »
Entraînement de pointe à l’UNIL avec David Bourgit
Préparateur physique, membre de la direction du Service Sport Santé UNIL+EPFL » chargé du transfert technologique, David Bourgit coache Alexis Bayard sur le plan physique. « Lorsqu’il est arrivé, il possédait déjà une solide expérience et un bon niveau en musculation et en cardio », raconte l’expert. Ce dernier lui fait travailler la qualité des mouvements « pour les rendre plus précis, rapides et efficients ». Grâce à la réalité virtuelle, ils entraînent aussi le rythme et le relâchement, ou encore la gestion du stress, vitale en escrime.
Les séances ont lieu au Pavillon Smart Training ouvert au grand public, dédié à la musculation connectée, à l’entraînement virtuel, à la médecine du sport et reprenant des tests créés pour les Jeux olympiques de la jeunesse Lausanne 2020. Alexis Bayard poursuivra, au moins jusqu’en août 2024, l’entraînement avec David Bourgit. Qui souligne : « Avec lui, la dynamique entraîneur-entraîné est excellente et ses feedbacks constructifs. C’est un sportif mature. »
En plein âge d’or ?
Alexis Bayard considère le chapitre « sport-études » de sa vie comme chargé mais bon pour le mental : « Si dimanche je ratais ma compétition, lundi j’allais en cours et je passais à autre chose. » Des conseils pour les étudiants sportifs d’élite ? « Être structuré, se faire aider, se ménager car on ne peut pas tout faire et relativiser. Si on remet des examens à la session de rattrapage de septembre, quitte à réviser pendant les vacances, ce n’est rien à l’échelle d’une vie ! » L’escrimeur note que le point faible du dispositif se situe lors des sessions d’évaluations, qui coïncident souvent avec les compétitions.
Une fois sa carrière sportive terminée, Alexis Bayard se voit travailler dans le domaine de la préparation physique des athlètes de haut niveau, dans l’antidopage ou encore dans une fédération sportive. Mais en ce moment, l’épéiste de 27 ans veut vivre son sport à fond : « En escrime, l’âge d’or est à 27 et 28 ans, c’est le bon mix entre forme physique et expérience. Mais on peut tenir jusqu’à environ 32 ans. Cette tendance au vieillissement s’observe aussi dans d’autres sports, c’est intéressant. »