STRIVE s’attaque à la recherche sur la transformation écologique et sociale

Augustin Fragnière et Dunia Brunner, du Centre de compétences en durabilité de l’UNIL, évoquent un nouveau programme de recherche.

Comment utiliser les bons leviers pour entamer une transition vers une société plus durable, tout en évitant les écueils ? Augustin Fragnière et Dunia Brunner, du Centre de compétences en durabilité de l’UNIL, évoquent un nouveau programme de recherche.

« Le but premier de STRIVE ? Fédérer une communauté pour stimuler la recherche interdisciplinaire sur la transformation écologique et sociale. » Augustin Fragnière, directeur adjoint du Centre de compétences en durabilité (CCD) de l’UNIL, est le codirecteur exécutif de « Sustainability Transformation Research Initiative ». De son acronyme : STRIVE. Un programme de recherche interne à l’UNIL, sur quatre ans.

Ce philosophe de l’environnement en précise la genèse. « Il y a deux ans, l’idée nous est venue de rassembler une équipe en sciences sociales et humaines qui s’intéresserait au processus dynamique de transformation, aux facteurs de changement, pour mieux en comprendre les obstacles et les leviers au sein de la société. »

Car STRIVE veut aller au-delà de la simple transition. « On en sait beaucoup sur les raisons pour lesquelles nos sociétés n’ont pas un fonctionnement durable, mais la manière de parvenir à ce changement a encore été peu étudiée, relève Augustin Fragnière. Ici, la transformation elle-même est objet de recherche. » Dunia Brunner, chargée de projet au CCD et codirectrice exécutive de STRIVE, complète : « Ce programme est très ancré dans les nécessités politiques du moment et se situe dans la droite ligne des orientations stratégiques de l’UNIL. »

Trois thématiques, trois projets

En février 2023, le conseil scientifique de STRIVE, représentatif de toutes les facultés, a organisé un colloque interdisciplinaire nommé « Quelles recherches pour la transformation ? ». C’est le début de l’aventure.

Trois axes thématiques ont été retenus : gouvernance, justice sociale, ainsi que récits et communication. « Un problème aussi complexe que la transformation écologique et sociale ne peut s’étudier que de manière inter- voire transdisciplinaire. Chacune de ces thématiques est suffisamment transversale pour permettre une telle approche », explique Augustin Fragnière, directeur adjoint du Centre de compétences en durabilité de l’UNIL et codirecteur exécutif du programme.

Mi-février, dix projets en provenance de toutes les facultés ont été déposés pour participer à ce programme de recherche, alimenté par un fonds de 4 millions mis à disposition par l’UNIL. Trois projets seront sélectionnés mi-juin. Chacun sera codirigé par trois à six collaborateurs et collaboratrices de l’UNIL et permettra de financer environ trois thèses ou postdocs de disciplines différentes. En outre, un programme de seed funding permettra d’offrir chaque année, jusqu’en 2027, de petites bourses pour la recherche de financements externes. Démarrage prévu en septembre.

Des humains et des freins

Il n’y a pas de transformation sans évolution. Pas de solution unique pour y parvenir. Et les facteurs de blocage sont nombreux : économiques, politiques, juridiques, mais aussi psychologiques et de l’ordre de l’imaginaire et des récits. « La difficulté d’imaginer un monde différent représente l’un des facteurs de blocage au changement, rappelle Dunia Brunner. Les alternatives inspirantes aux récits dominants, concernant par exemple nos conceptions du progrès, du bonheur ou de la prospérité, sont rares et peu diffusées. Il est parfois difficile d’imaginer comment la société pourrait bifurquer sur une trajectoire à la fois durable et désirable. » Et Augustin Fragnière d’ajouter : « Tous ces facteurs de blocage représentent pourtant des leviers potentiels. Passer d’une situation de blocage à la mobilisation de ces ressorts-là, c’est l’objet de STRIVE. »

Notre représentation idéalisée de nous-mêmes et de notre impact est aussi un frein au changement. « Il y a cette croyance ancrée dans la population suisse que l’on fait tout bien, que l’on ne pollue pas, parce que l’on recycle, constate Dunia Brunner. En termes d’impact par personne, on se trouve toutefois dans le peloton de tête. Car plus le niveau de vie est élevé, plus l’impact environnemental l’est également. »

Un donut comme référence

Afin d’appuyer le travail des équipes de recherche sur un objectif commun et tenter de mieux comprendre comment y parvenir, le programme STRIVE utilise le cadre conceptuel du Donut, proposé par l’économiste britannique Kate Raworth. Ce donut représente les objectifs de la transformation sous la forme d’un plancher social et d’un plafond environnemental entre lesquels la société peut évoluer de manière durable. « C’est le modèle qui nous paraît le plus parlant, le plus complet », précise Dunia Brunner, chargée de projet au Centre de compétences en durabilité (CCD) et codirectrice exécutive de STRIVE.

Et Augustin Fragnière, directeur adjoint du CCD et codirecteur exécutif du programme, d’indiquer : « Le plancher social est fondé sur des objectifs internationaux, reconnus dans le cadre des discussions aux Nations unies, en termes d’éradication de la pauvreté et de la malnutrition, d’accès à la santé, à l’eau et à l’énergie. Le plafond environnemental est tiré directement du modèle des limites planétaires, qui combine neuf domaines clés tels que le climat ou la biodiversité, sur lesquels les activités humaines ont un impact déterminant. »

Incontournable sobriété

Et les deux chercheurs parlent d’une seule voix quand il s’agit de remède. « Pour réussir cette transformation écologique, il faut une décroissance importante des flux de matière et d’énergie dans nos sociétés, ce qui implique des changements assez profonds de normes, de pratiques et de représentations. »

Mais étudier les freins au changement pour trouver le moyen de les dépasser est une chose, éviter les inégalités dans ce processus en est une autre. « Si on laisse une partie de la population sur le carreau ou que l’on ne tient pas suffisamment compte de ses intérêts, on crée des injustices qui peuvent prétériter la transformation elle-même », souligne Augustin Fragnière.