La Direction a demandé au Centre de compétences en durabilité de décliner la théorie du Donut à l’UNIL afin de disposer d’un état des lieux précis de ses impacts environnementaux et sociaux. En découle un constat clair : l’UNIL est encore loin du compte. Les années à venir seront cruciales pour mettre l’Université sur une trajectoire compatible avec les limites planétaires, comme le souligne Benoît Frund, vice-recteur Transition écologique et campus.
Le rapport Le Donut de l’UNIL – Un outil de navigation pour la transition écologique et sociale a été réalisé par le Centre de compétences en durabilité (CCD). Il en ressort que l’UNIL, comme l’ensemble de la société dans laquelle elle évolue, est encore très loin de rentrer dans les limites planétaires. Les explications de Benoît Frund, vice-recteur Transition écologique et campus.
Pourquoi avoir fait un état des lieux de l’impact des activités de l’UNIL sur les limites planétaires ?
Benoît Frund : Dans son Plan d’intentions 2021-2026, la Direction de l’UNIL s’est engagée à mettre en œuvre une stratégie de transition écologique et sociale ambitieuse. L’état des lieux est une étape cruciale pour comprendre, évaluer et améliorer l’impact environnemental de l’UNIL et pour soutenir sa transition vers une institution plus respectueuse de l’environnement et socialement responsable. La connaissance de la situation actuelle est essentielle pour élaborer des mesures spécifiques visant à réduire ces impacts et à favoriser la durabilité dans toutes ses dimensions. Le détail des impacts de l’UNIL par secteur permet également à chacun·e d’identifier ses actions les plus impactantes pour commencer à réfléchir concrètement et collectivement à la façon d’agir à son niveau. L’état des lieux peut également permettre de comparer l’UNIL à d’autres institutions similaires en matière d’empreinte environnementale.
Vous avez utilisé la théorie du Donut pour chiffrer l’impact de l’UNIL sur les limites planétaires. Que vous a-t-elle appris ?
Le Centre de compétences en durabilité (CCD) de l’UNIL a effectivement entrepris un travail important en mobilisant la théorie du Donut de Kate Raworth, qui a déjà été utilisée pour analyser des pays ou des villes, notamment à Grenoble, Amsterdam et Bruxelles. Le CCD a été mandaté pour appliquer cette approche au Grand Genève, et il a acquis de l’expertise avec cette méthodologie. À notre connaissance, nous sommes la première institution académique à l’appliquer à son propre fonctionnement. La particularité de cette approche est qu’elle permet de définir des seuils au-delà desquels notre vie sur Terre est menacée (réchauffement climatique, biodiversité, cycle de l’eau, cycle de l’azote et du phosphore, etc.). On appelle cela le « plafond écologique ». De plus, elle s’intéresse aux minimaux sociaux au-dessous desquels une vie sûre et digne n’est plus assurée. C’est le « plancher social ». Ramener les impacts de l’activité de l’UNIL entre le plafond écologique et le plancher social, ça revient à entrer dans le Donut. L’idée, c’est vraiment de dire que pour construire une stratégie, on a besoin de savoir d’où on part, de savoir où on va et par quel chemin.
Le Donut de l’UNIL en 30 secondes
Dans le rapport, il est par exemple stipulé que l’UNIL doit réduire de 95% ses émissions de CO2 d’ici à 2050 pour entrer dans le Donut (ce qui correspond à l’objectif de l’Accord de Paris). C’est un énorme challenge. Qu’est-ce que cela implique ?
C’est en effet un réel défi, mais c’est notre rôle d’université que de nous fixer des objectifs à la hauteur des enjeux et en cohérence avec les connaissances scientifiques. Cela nécessite des changements dans la manière dont l’institution fonctionne et dans les pratiques quotidiennes. Réduire les émissions de CO2 de 95% signifie que l’UNIL devra non seulement adopter des technologies plus propres, mais aussi réduire sa consommation d’énergie, diminuer l’impact de ses achats ou interroger ses pratiques de mobilité. Bref, adopter des politiques de sobriété. Il faudra se demander comment concilier nos missions de base, soit l’enseignement, la recherche et le service à la société, tout en tâchant d’entrer dans le Donut. Cela nécessitera un engagement sérieux et à long terme de la part de l’UNIL et de ses membres, mais il s’agit aussi d’une opportunité unique d’innover collectivement pour faire évoluer nos pratiques vers plus de durabilité.
Allez-vous tenir compte des propositions de l’Assemblée de la transition, qui a formulé 28 grands objectifs esquissant des trajectoires de réduction des impacts de l’UNIL dans plusieurs domaines et proposé 146 pistes d’action pour y parvenir ?
Il faut d’abord souligner le fait que l’assemblée a réalisé un travail remarquable qui constitue un apport très important pour notre institution. Elle a en effet formulé des propositions concrètes après avoir effectué une analyse approfondie de la situation actuelle. Ses travaux ont démontré qu’une simple retouche superficielle ne suffira pas. Les thèmes sur lesquels l’assemblée a planché correspondent à ceux que la Direction abordera dans sa stratégie. Les recommandations de l’assemblée sont précieuses, car elles émanent d’un groupe de membres de la communauté qui ont consacré un an à étudier ces questions, sans être préalablement des expert·e·s. Nous nous efforcerons de suivre leurs recommandations mais, comme Direction, nous devons également tenir compte de l’avis des autres organes qui ont des responsabilités sur le fonctionnement de l’Université, des contraintes légales et autres limites qui nous sont imposées. Et puis, nous devons nous assurer de l’adhésion de la communauté UNIL. L’assemblée n’était pas soumise à ces contraintes, alors que nous, en tant qu’actrices et acteurs en charge de la mise en œuvre, devons parfois dire que certaines propositions ne peuvent être réalisées en l’état, notamment en raison de nos limitations de pouvoir et de ressources. Il s’agira alors d’être innovants pour utiliser au mieux notre marge de manœuvre.
Une des propositions de l’assemblée consiste à décréter un moratoire sur les bâtiments.
Effectivement, il s’agit d’une des mesures fortes de l’assemblée. Sans commenter toutes les propositions de l’assemblée, je relève qu’il faudra envisager ce type de propositions transformatrices pour être à la hauteur des enjeux. L’idée de mettre en place un processus qui nous permette d’optimiser au maximum l’utilisation des infrastructures existantes avant de lancer de nouveaux projets de construction me paraît pouvoir être retenue. Cela nécessitera des discussions approfondies avec les parties responsables de la réalisation de nos objectifs, ainsi qu’avec l’ensemble de la communauté. La suggestion de moratoire peut être un point de départ pour ces discussions, et il est essentiel que nous examinions comment l’intégrer dans notre stratégie globale.
Quelle est la prochaine étape ?
Nous connaissons maintenant notre point de départ et nous avons un objectif à long terme : entrer dans le Donut. Le rapport Donut de l’UNIL constitue une sorte de boussole qui nous suggère la direction à prendre. Le rapport de l’Assemblée de la transition nous propose des pistes pour atteindre cet objectif. Il s’agit maintenant de diffuser les conclusions de ces deux documents au sein de la communauté UNIL, car ils constitueront la base de la rédaction de la stratégie de transition écologique et sociale. Il s’agira de choisir des objectifs ambitieux afin d’orienter au maximum notre trajectoire vers le respect des limites planétaires tout en maintenant notre mission de recherche et d’enseignement de pointe et de haute qualité. Il faut faire preuve d’un peu d’humilité : la hauteur de la marche est très importante et nous ne savons pas à ce stade quand et comment nous y arriverons. Au sein de l’UNIL, nous avons de très nombreuses compétences et une conscience aiguë des enjeux auxquels nous devons faire face. Nous faisons le pari qu’ensemble nous arriverons à modifier la trajectoire.
Quand la stratégie de transition écologique de la Direction de l’UNIL va-t-elle être dévoilée ?
L’ambition de la Direction est de communiquer sa stratégie au printemps 2024.