Chef du Département d’oncologie Unil-CHUV et directeur du Ludwig Institute for Cancer Research Lausanne, George Coukos nous reçoit dans son bureau du bâtiment Agora pour esquisser l’actualité de la thérapie cellulaire.
Un premier type d’immunothérapie consiste à modifier certains lymphocytes en leur associant des récepteurs CAR (Chimeric Antigen Receptor), dits chimériques car développés en laboratoire par ingénierie moléculaire. « Ils n’existent pas dans la nature, on combine différentes molécules, dont certaines complètement synthétiques», précise George Coukos, chef du Département d’oncologie Unil-CHUV et directeur du Ludwig Institute for Cancer Research Lausanne. Ces récepteurs vont repérer une cible identifiée dans la tumeur, sans détruire le tissu normal, et ils fonctionnent très bien pour une partie des cancers du sang.
Comme l’ont démontré Helen Carrasco Hope et Nicola Vannini, l’efficacité des CAR-T cells diminue rapidement selon l’âge des patients. « Je pense que la biologie derrière cette étude est très solide, il s’agit maintenant de tester sur les humains ces traitements destinés à améliorer l’état de santé immunitaire et donc les thérapies CAR-T », indique George Coukos.
Application future dans le cancer du poumon ou du foie
Une autre thérapie cellulaire, éprouvée pour le mélanome et testée également sur des types de tumeurs solides (90% des cancers), consiste à prélever dans la tumeur des lymphocytes spécifiques capables de la reconnaître naturellement, pour les cultiver en laboratoire avec des facteurs chimiques qui vont améliorer leur réponse immunitaire.
« C’est un produit complètement naturel nommé TIL pour Tumor Infiltrating Lymphocytes, et il sera appliqué au cancer du poumon dans un proche horizon, possiblement deux ou trois ans », précise le chercheur. Est-ce douloureux, docteur? Et vraiment naturel? « Ce n’est pas nécessaire de les modifier génétiquement, car ces lymphocytes reconnaissent déjà la tumeur ; en revanche, la génétique viendra un jour les rendre encore plus performants. Contrairement à CAR-T, qui permet à certains patients d’être traités en ambulatoire, TIL nécessite une hospitalisation, car le traitement est associé à une chimiothérapie lourde », décrit-il.
Mimer des récepteurs naturels
Enfin, un troisième type de thérapie arrive, hybride de CAR-T et TIL : la T-cell receptor (TCR) vise les tumeurs solides et consiste à collecter les lymphocytes périphériques dans le sang du patient afin de les modifier génétiquement pour leur permettre de reconnaître la tumeur, puis à les réinjecter dans le patient comme « traitement », sans ajout d’une molécule synthétique ; le récepteur transformé par TCR pourra reconnaître la tumeur théoriquement dans n’importe quel organe en mimant des récepteurs naturels spécifiques. « Ce type de thérapie, testée contre les sarcomes et les mélanomes, est un traitement déjà commercialisé aux États-Unis, où, dans nos domaines, on avance plus vite qu’en Europe », constate-t-il.
Divers produits de thérapie cellulaire
D’autres perspectives dans les dix ans à venir ? «Je dirais qu’on va voir arriver plusieurs produits de thérapie cellulaire pour différents types de tumeurs solides et de cancers du sang. En outre, on travaille déjà pour atténuer les besoins annexes en chimiothérapie et même pour dépasser la nécessité de développer ces cellules à l’extérieur du corps», esquisse le spécialiste.
Le futur de l’immunothérapie se trouve-t-il dans la thérapie génique ? «C’est précisément ça, on va modifier les lymphocytes de l’intérieur au lieu de le faire sur une ou plusieurs semaines en laboratoire. Les gènes modifiés dans ce but seront simplement administrés au patient par intraveineuse et iront transformer les cellules immunitaires concernées», conclut-il.
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