Détentrice d’un master de l’UNIL, Aurélie Netz est une anthropologue qui s’attache à explorer les vécus contemporains de la spiritualité. Son nouveau livre dialogue avec l’invisible.
L’anthropologue Aurélie Netz ne cherche pas à tester ce qu’elle entend quand elle dialogue avec les personnes qui lui ouvrent une part bien mystérieuse de leur intimité. Elle avoue devoir parfois surmonter ses difficultés à comprendre les expériences qu’on lui communique, en l’occurrence des relations à divers êtres impalpables, défunts autrefois aimés ou méconnus, divinités de toutes obédiences religieuses, anges aux pouvoirs réparateurs, énergies convoquées par différentes techniques comme la prière, l’absorption en soi-même associée, quand elle est puissante, à la créativité et à la perception d’entités invisibles et bienfaisantes.
Oser en parler dans une société sécularisée
Intitulée En dialogue avec l’invisible, son enquête lui a permis de rencontrer six femmes et deux hommes qui se sont ouverts à elle sur leur bonheur à communiquer avec des entités inspirantes, alors qu’ils avaient besoin d’un coup de pouce dans leur vie et de l’audace nécessaire pour se réparer, se réinventer. Ces aventures qui pulvérisent les frontières entre les mondes comportent aussi leur lot de frustration quand le lien recherché tarde à se manifester, quand l’invisible se dérobe ou quand il se révèle difficile, voire impossible d’en parler autour de soi dans une époque qui a largement délégitimé l’au-delà.
Ce livre révèle le paradoxe d’une société sécularisée, valorisant la vie terrestre au point d’en faire l’unique repère et de lui accorder tous les soins, en sollicitant les prouesses et les promesses scientifiques, tout en cultivant des poches de spiritualité riches d’expériences collectives anciennes recyclées dans une démarche personnelle. Mais est-ce vraiment un paradoxe ? Notre besoin de consolation est inextinguible, sans doute, quelle que soit l’époque où l’on vit.
Séparés mais toujours en relation
Est-ce à dire que certains vont jusqu’à créer des leurres pour se rassurer ? On peut se poser la question, mais ce n’est pas l’objet de ce livre, pour peu que l’on accepte de s’ouvrir à ces récits sans jugements préconçus. Les huit témoignages peuvent nous paraître incroyables – paradoxalement invraisemblables et dignes d’émerveillement en même temps – mais ils nous renvoient assurément à des situations connues, la maladie, le deuil, la perte des repères, les rêves comme une porte vers l’inconscient, voire, pour certains d’entre nous, vers un monde autre qui sollicite le rêveur (ou l’éveillé) autant qu’il est sollicité par lui.
Outre les récits eux-mêmes, joliment illustrés par Tania Netz, l’autrice livre quantité de réflexions et de références pour ceux qui veulent aller plus loin. La préface est signée Rosette Poletti, docteur en sciences de l’éducation et psychothérapeute spécialiste du deuil.
En dialogue avec l’invisible, par Aurélie Netz, Éditions Saint-Augustin, 2024.