La performance de genre par et dans les espaces

Par Maeva Yersin (2/3)

Dans le cadre de cette recherche, l’identité de genre est comprise comme une performance – la performance de genre ne résulte pas de choix conscients et délibérés mais est plutôt produite par les discours et pratiques disponibles sur les identités des jeunes dans un contexte donné (Rönnlund, 2015). Ainsi, reproduisant le monde social dans lequel les féminités et masculinités sont construites en hiérarchie et en opposition l’une de l’autre à travers les interactions sociales. 

Dans les lieux clés, les performances du genre sont des thèmes récurrents dans les narrations produites par les jeunes au sujet de ces espaces. Cette performance se traduit par des bagarres et des démonstrations sportives qui sont respectivement associées aux aspects de « dureté » et de « compétitivité » des masculinités hégémoniques (Frosh, Phoenix & Pattman, 2002). 

Judith Butler (1990) défend l’idée que les identités des sujets sont en réalité produites par l’action réalisée. Il n’existe donc pas d’identités de genre à proprement parler en dehors de l’expression du genre même. 

Les géographes se sont progressivement appropriés la conceptualisation de Butler et l’ont transposé aux espaces ainsi qu’aux lieux afin de complexifier les théories sur le genre. Selon Massey (1994), les lieux sont imprégnés par les performances de genre. De plus, le fait de genrer un lieu – que ce soit par les discours qui y sont rattachés ou par les pratiques et performances qui y prennent place –  reflète et influence la manière dont le genre est construit dans les sociétés. Dans le cas de ce préau, L’Herbe et Le Terrain sont deux lieux clés genrés et considérés par les entretenu.e.s comme des boys’ places Donoghue (2007) – dans lesquels des démonstrations de masculinité des garçons prennent place. Ainsi, L’Herbe est un endroit qui est « réservé aux bagarres », exclusivement réalisées par les garçons. Le Terrain est dédié à la pratique sportive et aux personnes qui y prennent part, « Ils jouent au foot. J’ai pas vu mais je sais que c’est des garçons »

Les identités sociales sont produites par les relations et les interactions qui s’inscrivent dans les lieux. Elles sont également produites à travers les histoires racontées par les jeunes à propos de leurs pratiques. Ainsi, les identités sociales sont emplaced (Pink, 2009). Les relations entre les corps, les esprits, les matérialités et les sensorialités à l’environnement sont centrales dans les expériences des individus. C’est donc à travers le corps que les agent.e.s prennent conscience de leur place dans l’espace et donc, dans les relations sociales. Cela leur permet également de savoir s’ils et elles sont « à leur place » ou non – en comprenant par l’espace leur appartenance sociale (Procter, 2015).

Les masculinités et les feminités sont construites en opposition – elles sont différentes l’une de l’autre, et sont hiérarchisées – socialement, la masculinité a plus de valeur que la féminité, en particulier la masculinité hégémonique qui est également dominante face aux autres formes de masculinités. Les masculinités hégémoniques sont activement construites et définies en relation et en opposition avec un « Autre », qui peut inclure tant des filles que des garçons performant des masculinités non hégémoniques (alternatives ou subverties) (Renold, 2004). 

Références

Butler, J. (1990). Gender Trouble : Feminism and the Subversion of Identity. Routledge. https://doi.org/10.4324/9780203824979

Donoghue, D. O. (2007). ‘James always hangs out here’ : Making space for place in studying masculinities at school. Visual Studies22(1), 62-73. https://doi.org/10.1080/14725860601167218 

Frosh, S. (2002). Young masculinities : Understanding boys in contemporary society. Palgrave. 

Massey, D. B. (1994). Space, place and gender. Polity Press.

Pink, S. (2009). Doing sensory ethnography. Sage Publ. 

Procter, L. (2015). « No, You’ve Done It Once! » : Children’s Expression of Emotion and Their School-Based Place-Making Practices. In Children’s spatialities (p. 128-143). Palgrave Macmillan. 

Renold, E. (2004). ‘Other’ boys : Negotiating non‐hegemonic masculinities in the primary school. Gender and Education16(2), 247-265. https://doi.org/10.1080/09540250310001690609 

Rönnlund, M. (2015). Schoolyard stories : Processes of gender identity in a ‘children’s place’. Childhood22(1), 85-100. https://doi.org/10.1177/0907568213512693