Par Daniel Seixas Oliveira
Dans le récit littéraire, la désignation, dans la durée, d’un protagoniste par un pronom de deuxième personne est un phénomène relativement récent: il faut attendre la dernière décennie du XXe siècle pour que ce mode narratif se développe véritablement. La narration à la deuxième personne n’est toutefois pas une invention des écrivains du siècle passé: la forme semble être disponible dès le XIXe siècle, hors de France à tout le moins (voir par exemple la nouvelle de Hawthorne, « The Haunted Mind », publiée en 1835). En France, c’est avec la parution de La Modification de Michel Butor (1957) que la narration à la deuxième personne – ou plutôt, dans le cas du roman de Butor, « à la cinquième personne » – fait une entrée remarquée sur la scène littéraire. Le protagoniste du roman est, de bout en bout du récit, désigné par un « vous », dit « de politesse » – il semble que, dans les récits menés à la cinquième personne, le pronom désigne toujours un protagoniste vouvoyé: ne sera donc pas abordé ici le cas, vraisemblablement encore virtuel, des récits qui désignent, par le truchement du « vous », un sujet collectif jouant le rôle de protagoniste. La narration singulière du roman de Butor ne manque pas d’être commentée par les critiques de l’époque; Barthes écrit ainsi:
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